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24e dimanche ordinaire B - 13 septembre 2015

 

Se charger de sa croix pour accéder à un destin prodigieux

Jésus Christ

Le Christ de la basilique Sainte-Sophie de Constantinople

 

 

Profession de foi de Pierre: Marc 8, 27-35
Autres lectures : Isaïe 50, 5-9; Psaume 114(116); Jacques 2, 14-18

 

Ce passage de l’Évangile de Marc peut être divisé en trois parties. Il comprend une profession de foi sur l’identité de Jésus (Mc 8, 27-30), une révélation au sujet du destin de Jésus (Mc 8, 31-33) et, finalement, un appel à suivre le même destin (Mc 8, 34-35). Afin de bien comprendre la portée de ce récit, il est intéressant, en tout premier lieu, de le situer géographiquement. On sait que les connaissances de Marc dans ce domaine sont plutôt limitées, voire parfois approximatives. L’évangéliste prend cependant ici le soin de bien baliser les déplacements de Jésus et de ses disciples. Ils quittent Bethsaïde, un village situé à l’extrémité nord du lac de Galilée, afin de se diriger, plein nord, vers la ville de Césarée de Philippe (Mc 8, 27). Ce trajet représente une distance de 32 kilomètres. Ce n’est donc pas une simple petite marche de santé à laquelle Jésus convie ses disciples, mais un périple assez appréciable. Il s’agit aussi, à l’exception de Tyr et Sidon (Mc 7,24.31), du lieu le plus septentrional atteint par Jésus et ses disciples dans tous les évangiles. On comprend ainsi que Jésus souhaite se soustraire des villages et des foules que lui et ses disciples fréquentent habituellement, car, comme nous le verrons plus loin, il souhaite leur livrer un enseignement personnel et d’une grande importance.

     Notons aussi que Césarée de Philippe est située aux pieds du mont Hermon, cette grande montagne où le Jourdain prend source et qui constituait la frontière naturelle du nord de la terre promise, telle que conquise par Josué et maintenue jusqu’à la chute du royaume d’Israël. Marc donne à cette montagne une dimension sacrée et théophanique, telle une sorte de second Sinaï, puisque c’est vraisemblablement à cet endroit qu’il situe la transfiguration de Jésus, quelques versets plus loin (Mc 9, 2-10). Jésus conduit donc ses disciples à la limite nord du territoire de la Galilée, dans un lieu inhabituel situé loin des foules, afin de leur révéler plusieurs informations au sujet de son identité, de son destin et du leur.

Qui est Jésus?

     Sur le chemin de ce périple personnel, Jésus demande aux disciples ce que les gens disent au sujet de son identité (Mc 8,27). Les réponses qu’il reçoit – Jean le Baptiste, Élie, un des prophètes – correspondent exactement à ce qui se dit à la cour du roi Hérode (Mc 6,14-16). Toutes ces opinions populaires sont extrêmement élogieuses et démontrent que le peuple tenait Jésus en très haute estime. Après avoir reçu ces réponses on ne peut plus favorables, Jésus demande aux disciples quelle est leur opinion, à eux. La réponse de Pierre tu es le Christ/Messie (Mc 8,29) peut alors sembler très spontanée et surprenante, comme s’il était le petit futé de la classe qui comprend tout rapidement ou qui sait des choses que les autres ne savent pas. Mais Pierre ne parle pas en son nom personnel. Il répond à la question de Jésus en tant que porte-parole de tous les disciples. De plus, cette réponse ne surgit pas de nulle part; elle est façonnée par l’expérience des disciples qui ont accompagné Jésus au cours de ses déplacements, qui ont été les témoins privilégiés de ses miracles, guérisons et exorcismes, qui ont été aux premières loges des discours de Jésus et qui ont reçu de lui un enseignement personnalisé. Il n’est donc pas surprenant qu’ils en soient arrivés à la conclusion que Jésus est le Christ après une longue réflexion qui s’est amorcée depuis les tout premiers pas qu’ils ont emboîtés avec ceux de Jésus. On remarque d’ailleurs que Jésus les prépare à cette question. Il ne leur demande pas à brûle-pourpoint qui il est. Il les prédispose en leur posant une question périphérique : Qui suis-je pour les autres?, puis leur soumet la question à eux : Qui suis-je pour vous? Au moment où les disciples reçoivent cette question, ils sont déjà en train de réfléchir à l’identité profonde de Jésus en raison de la première question qu’il leur a posée. Cette question du Jésus de Marc n’a pas perdu de sa pertinence et elle se pose aujourd’hui aussi à tous les chrétiens : « Qui est Jésus pour nous? » Le cheminement progressif qui mène les disciples à la reconnaissance de Jésus en tant que Messie chez Marc peut lui aussi être rapproché du parcours spirituel du chrétien d’aujourd’hui pour qui le Christ se révèle petit peu à petit peu, graduellement, au fil de ses expériences et de sa démarche de foi.

L’annonce de la passion

     En reconnaissant que Jésus est le Christ, les disciples démontrent qu’ils ont atteint un degré de compréhension plus élevé que celui des foules en général. Jésus poursuit alors son enseignement en allant encore plus loin dans ce processus de dévoilement, en leur annonçant qu’il devra souffrir, être rejeté, être tué, puis qu’il ressuscitera. Cette révélation peut sembler un recul par rapport à la progression qui était amorcée et c’est vraisemblablement ainsi que Pierre interprète les paroles de Jésus : après s’être laissé reconnaitre comme n’étant pas seulement un prophète comme Élie ou Jean-Baptiste, mais nul autre que le Messie tant attendu du peuple de Dieu, Jésus divulgue qu’il va souffrir et mourir. Pierre prend cela comme un échec auquel il a bien l’intention de s’opposer. Se détournant de Pierre, Jésus distingue la manière de penser des hommes de la manière « de penser » de Dieu (Mc 8, 33). Pour les hommes, la mise à mort du Messie serait un désastre et une absurdité. La tradition préservée dans l’Ancien Testament indique que le Messie d’Israël est avant tout un roi, appartenant à la lignée de David (2 S 7, 5-16), qui vaincra les nations (Ps 2, 7-9), jugera le peuple avec droiture et justice et apportera le salut (Jr 23, 5-6a). Dans la pensée des hommes et de Pierre, ce Messie ne peut être rejeté, souffrir et mourir! Mais le plan de Dieu fonctionne selon des principes qui nous dépassent, selon une « logique » tout-à-fait inhabituelle … et absolument extraordinaire! Il a choisi un homme errant avec qui conclure son alliance et non un homme de grande envergure; il a opté pour un peuple d’esclaves pour manifester sa gloire, et non un des grands empires du monde; il a désigné le plus jeune des fils de Jessé pour mener son peuple et non un des plus vieux et des plus grands; et le Messie d’Israël qu’il envoie apportera le salut de façon discrète et non avec de grands éclats. Pourtant, le résultat de chacun de ces choix dépassera tout ce qu’on aurait pu imaginer, prévoir et espérer.  Et il en va de même pour le Christ. Peu importe ce que les hommes auraient pu concevoir, Dieu a préparé quelque chose d’encore plus grandiose : la résurrection du Christ à laquelle nous sommes invités à participer.

Se charger de sa croix

     Le destin qui attend Jésus est un destin extraordinaire, car c’est un parcours qui mène de la mort à la vie. C’est le projet auquel Jésus convie les disciples et la foule à laquelle il s’adresse ensuite dans le récit de Marc. En affirmant qui veut sauver sa vie la perdra, mais qui perdra sa vie à cause de moi et de l’Évangile la sauvera (Mc 8,35), il suit la même logique que celle de la réprobation faite à Pierre. Qui pense comme les hommes périra, mais qui suit le chemin de Dieu aura la vie éternelle. L’appel de Jésus à se renier et à se charger de sa croix n’est donc pas un appel au martyre ou à la souffrance. Dans le contexte immédiat du récit de Marc, l’appel de Jésus est plutôt une exhortation à laisser tomber sa manière habituelle de penser – la logique des hommes – afin de s’ouvrir à une rationalité totalement différente – celle de Dieu – qui défie toutes les conventions, déjoue toutes les probabilités, excède toute compréhension et dépasse toute espérance, afin de participer au destin extraordinaire du Christ.

 

Francis Daoust, bibliste

 

Source : Le Feuillet biblique, no 2455. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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