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Baptême du Seigneur C - 10 janvier 2016
 

Pour une mission au diapason de la volonté de Dieu

Le baptême du Christ, Maître de Rheinfelden, actif dans la région de Bâle, milieu du XVe siècle

 

Le baptême du Christ, Maître de Rheinfelden, actif dans la région de Bâle, milieu du XVe siècle.

 

 

 

L'annonce du Messie : Luc 3, 15-16; 21-22
Autres lectures : Isaïe 40, 1-5.9-11; Psaume 103(104); Tite 2, 11-14; 3, 4-7

 

Chaque évangile, si l’on exclut les récits de l’enfance (chez Matthieu et Luc) et le prologue (chez Jean) commence avec la prédication de Jean, qui est immédiatement suivie du baptême de Jésus. Il s’agit d’un événement capital de la vie du Christ qui constitue rien de moins que le point d’envol de son ministère. Chaque évangéliste rapporte l’épisode différemment, en ajoutant des détails qui lui sont propres et en omettant des éléments qu’il connaît mais qu’il préfère ignorer. De cette manière, il livre un récit qui témoigne de ses convictions de foi et qui soutient ses visées théologiques. Luc, notamment, choisit de mettre trois éléments en valeur dans son récit : le passage du temps de l’attente au temps de la réalisation, la différence fondamentale dans la nature des ministères respectifs de Jean et de Jésus, et enfin la prière de Jésus et la relation intime avec le Père.

Le début d'une nouvelle ère

     Alors que Matthieu et Jean présentent des récits relativement longs de l’épisode (respectivement 5 et 6 versets), Luc possède une narration très courte (2 versets) qui se rapproche en cela de celle de Marc (3 versets). Mais Luc se distingue de Marc et des deux autres évangélistes en soulignant que le baptême de Jésus marque la fin de l’activité prophétique de Jean et le début du ministère de Jésus. Il le fait en mentionnant que Jean fut emprisonné (Lc 3,20) avant même de parler du baptême de Jésus (Lc 3,21-22). L’emprisonnement de Jean n’est mentionné chez Matthieu (4,12) et Marc (1,14) qu’après le baptême de Jésus et la tentation de ce dernier au désert. L’évangéliste Jean suit par contre une chronologie totalement différente où Jean baptise encore, bien après le baptême de Jésus (Jn 3,22-35). Luc souhaite ainsi indiquer que le moment de l’attente, de l’annonce et de la préparation est maintenant terminé et qu’avec Jésus, une nouvelle ère commence : celle de la réalisation. Le baptiste a rempli et achevé sa mission; son rôle est terminé. C’est maintenant au tour de Jésus d’entrer en scène.

Une distance

     Luc est le seul évangéliste à ne pas rapporter d’interaction entre Jean et Jésus. En effet, le quatrième évangile mentionne que Jean vit Jésus et qu’il vint vers lui (Jn 3,29), Marc mentionne que Jean baptisa Jésus (Mc 1,9) et Matthieu relate un dialogue entre les deux protagonistes (Mt 3,14-15). Mais Luc évite de mentionner tous ces éléments. Il va même jusqu’à s’abstenir de dire explicitement que Jean a baptisé Jésus. Cela est surprenant, surtout lorsque l’on considère que Luc a composé un très long récit autour de leur naissance et qu’il est le seul évangéliste à affirmer qu’un lien de parenté les unit. Il est possible de voir à nouveau dans cet éloignement des deux protagonistes le désir de Luc de marquer la fin de l’activité de Jean et le début de celle de Jésus.

     Mais il y a plus. Luc souhaite en effet différencier ces deux ministères. Jésus ne poursuit pas le travail de Jean le baptiste. Il n’est pas son successeur, mais il entreprend plutôt une toute autre mission, d’une portée beaucoup plus considérable. Luc s’assure de bien établir cette distance par les paroles mêmes de Jean qui affirme ne pas être digne de délier la courroie des sandales de Jésus (Lc 3,16). Dans les deux premiers chapitres de son évangile, bien qu’il donne une grande valeur à la mission de Jean, Luc veille toujours à bien démontrer que l’identité et le ministère de Jésus sont bien supérieurs à ceux de Jean. Il existe peut-être des raisons historiques qui expliquent cette insistance de Luc sur le caractère unique de la mission de Jésus. Mais, chose certaine, pour lui, le rôle joué par Jésus est d’une nature toute autre et il s’assure de bien l’affirmer en établissant une distance claire entre lui et Jean.

La prière intime de Jésus

     Luc est le seul évangéliste à mentionner que Jésus était en prière, après le baptême, au moment de la manifestation du Père et du don de l’Esprit (Lc 3,21-22). Il s’agit là d’un thème qui est cher à Luc. En effet, à plusieurs moments importants de la vie de Jésus, il indique que celui-ci se trouvait en prière : ici lors du baptême (Lc 3,21), avant de choisir les douze apôtres (Lc 6,12), avant de demander aux disciples quel est, selon eux, son identité (Lc 9,18), au moment de la Transfiguration (Lc 9,28-29), avant la trahison de Pierre pour que sa foi ne lui fasse pas défaut (Lc 22,32) et lors de l’agonie à Gethsémani (Lc 22,41). On note que dans chacun de ces cas, Jésus prie seul. Ces épisodes majeurs de la vie de Jésus sont donc tous précédés par un moment de recueillement où il entre en  communion avec le Père, et se met au diapason du dessein de Dieu.

     Cette attitude d’intériorité de Jésus nous permet également de remarquer que l’épisode du baptême présente plusieurs traits communs avec celui de la Transfiguration. Dans les deux cas,  Jésus est en prière (Lc 3,21; 9,28.29) et cette prière est suivie d’une intervention céleste qui vient confirmer l’identité de Jésus en tant que Fils : C’est toi, mon Fils, le Bien-aimé, tu as toute ma faveur (Lc 3,22); Celui-ci est mon fils, l’Élu : écoutez-le! (Lc 9,35).

     Ces deux récits se répondent l’un l’autre. Le premier se situe avant le début de l’activité de Jésus en Galilée (Lc 4,14 – 9,50) et le second, avant le commencement de son ministère en direction de Jérusalem (Lc 9,51 – 19,27). Or il s’agit là des deux grandes sections de l’Évangile de Luc. Dans chaque cas, Jésus reçoit le cautionnement divin nécessaire à l’accomplissement de sa mission. Dans chaque cas, son identité est confirmée afin de valider l’étape à suivre. Mais il y a une progression, car il s’agit de deux étapes différentes qui montrent Jésus s’approcher graduellement de son destin final. En se tournant vers Jérusalem, le ministère de Jésus prend une nouvelle direction et une nouvelle signification. Il y a progression également au niveau de la révélation, car dans la première manifestation, celle du baptême, Jésus est le seul récipiendaire de la parole divine, alors que dans la seconde, celle de la Transfiguration, le message de Dieu est adressé à Pierre, Jean et Jacques. Tranquillement, l’identité de Jésus se déploie. Elle est initialement adressée uniquement à Jésus (Lc 3,22), elle est confiée par la suite aux trois apôtres (Lc 9,35) et elle le sera éventuellement à tous les disciples (Lc 24,36-43), à tout Jérusalem (Ac 2,1-12) et sera finalement révélée à toute l’humanité (Ac 28,16-31).

Et nous alors?

     Ce survol a choisi de mettre l’emphase sur le récit du baptême de Jésus chez Luc en tant que début d’une nouvelle ère, en tant qu’affirmation du caractère radicalement nouveau du ministère de Jésus et en tant que moment précédé par un recueillement intime avec le Père. Que cela signifie-t-il pour nous aujourd’hui? Nous pouvons affirmer qu’à l’image du Christ, notre baptême est aussi un point de départ. Le baptême que nous recevons ne se limite pas à un repentir, mais constitue une introduction à une vie nouvelle. Tout comme pour Jésus, notre baptême inaugure une nouvelle étape de notre vie et le début d’une mission personnelle. Par l’action rapportée par l’Évangile de Luc, Jésus nous invite, tout comme lui, à nous mettre au diapason de la volonté de Dieu, à nous recueillir dans une communion intime avec Lui, afin de trouver l’harmonie et la force nécessaires afin de mener à bien nos missions personnelles et tant que fils et filles de Dieu.

 

Francis Daoust, bibliste

 

Source : Le Feuillet biblique, no 2472. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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