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Épiphanie du Seigneur C - 3 janvier 2016
 

Aujourd'hui, Dieu se donne à voir

 

 

Epiphanie

Épiphanie. L'Adoration des mages peint par Matthias Stom (vers 1600-1650)

 

 

La visite des mages : Matthieu 2, 1-12
Autres lectures : Isaïe 60, 1-6; Psaume 71(72); Éphésiens 3, 2-3.5-6

 

Pour célébrer dignement la fête liturgique de ce dimanche, il faut d’abord saisir son enjeu. Quoi de mieux que de remonter au grec ancien pour comprendre de quoi il est question? Le mot « Épiphanie » exprime l’idée de « faire paraître, faire voir ». En termes d’événement profane, une épiphanie, c’est la manifestation publique d’un grand personnage. On peut donc assister à l’épiphanie d’un héros de guerre, d’un chef d’État, et bien sûr de Dieu.

     La fête chrétienne de l’Épiphanie exprime une conviction importante de notre foi commune.  Dieu ne peut pas être un secret bien gardé. Dieu se révèle publiquement, jusque dans les méandres de la vie en société. Cette mise en évidence de la présence divine dans notre monde s’accompagne d’une reconstruction de la société, rien de moins. C’est d’ailleurs pour cette raison que nous parlons d’une « doctrine sociale » de l’Église.

Un évangile d'actualité
Mattieu 2, 1-12

     Une telle célébration du « dévoilement », de la révélation de Dieu, est-elle encore intéressante?  Dans notre univers interconnecté, tant de gens disent tout d'eux sur Internet. Cette fête a-t-elle encore une bonne nouvelle à proclamer? Quelle est sa contribution? Alors que tant et tant de voix en Occident proclament son insignifiance, voire son inexistence, Dieu est de retour dans l’actualité de la planète. Dans le contexte actuel où pavoisent les terroristes religieux, ce retour de Dieu n’est pas associé à des événements heureux. Ceux et celles qui crient son nom avec férocité sont des colporteurs d’horreur et de malheur. Le beau et saint nom de Dieu, dans leur bouche, est entaché par leur condamnation à mort de tant d’enfants et d’honnêtes gens. L’instrumentalisation d’enfants-soldats ou d’enfants-porte-bombes nous ramène à la barbarie de l’époque d’Hérode. Nous avons souvent fait des gorges chaudes devant le récit du massacre des Saints Innocents. Et voilà que la boucle est bouclée en notre temps. Notre bulletin de nouvelles rapporte des gestes terroristes qui sont aussi démesurés que le massacre commandé par Hérode. Soudainement, les malversations d’Hérode ne sont plus seulement des fabulations pour faire peur aux enfants turbulents.

     Oui, il y a encore à notre époque des têtes enflées qui exterminent des enfants pour assouvir leurs envies de contrôle et de domination. Tout cela en se réclamant de Dieu. Parfois même sous prétexte de hisser Dieu au pouvoir. Nous ne voulons plus rien savoir de ce genre d’épiphanies. C’est inadmissible d’utiliser aujourd’hui des moyens sanguinaires. Espérons qu’il y aura encore et toujours, comme dans les récits d’enfance de Jésus, des gens clairvoyants qui sauront contourner les directives abusives. Les mages de l’évangile en sont un bon exemple. Malgré les invitations fallacieuses d’Hérode, ces savants ont eu le bon réflexe : après avoir trouvé Jésus, ils sont rentrés à la maison par un autre chemin.

     L’Année jubilaire de la miséricorde proclame la pertinence et la beauté du don de Dieu dans notre monde terrorisé par des gens qui enlaidissent le visage de Dieu. Le dimanche de l’Épiphanie met en scène ce contraste violent. Dieu réussit à se faire voir au monde grâce à des gens qui savent chercher et trouver Dieu. Tel est un des messages que nous pouvons tirer de l’évangile de la fête d’aujourd’hui. Ces propos pour croyants avertis résonnent fort dans l’Absurdistan de la société nord-américaine de consommation et d’égoïsme à outrance. Comme jadis dans le monde absurde du Proche-Orient d’Hérode le sanguinaire, Dieu se laisse reconnaître. Dieu s’est installé à demeure parmi nous en prenant corps en Jésus. Dans la présence réelle de l’Emmanuel, Dieu se donne toujours à voir en notre temps, grâce à notre adoration et à notre engagement.

Quelques ingrédients de l’évangile

     Plusieurs éléments symboliques de l’évangile mettent en valeur le rôle-pivot de Jésus comme épiphanie de Dieu. Ces symboles puissants sont tellement connus que nous nous contentons de les évoquer brièvement. L’or célèbre la royauté de l’Enfant-Dieu.  L’encens évoque sa divinité. La myrrhe, utilisée pour l’embaumement, évoque sa mort éventuelle.

     Mieux encore, le rôle social des mages met en valeur la grandeur de Jésus. Les mages n’ont rien à voir avec les astrologues qui alimentent les chroniques quotidiennes de certains médias. Des gens qui voyageaient en caravane avaient nécessairement un statut social élevé. Leur motivation est alimentée par un phénomène céleste. Leurs préoccupations sont donc d’ordre cosmique.  Leur démarche auprès d’Hérode est respectueuse des conventions politiques. Ils s’attendent à trouver de bonnes informations auprès du pouvoir en place. Tel n’est pas le cas.  Les rôles sont inversés. Ce sont des étrangers qui deviennent plus compétents que le Tout-Jérusalem. Quelle ironie!

     Cette attribution d’un rôle normatif à des personnes étrangères au peuple de Dieu est un écho des deux autres lectures bibliques. Ainsi, ces textes apportent une belle contribution au message universel de l’Année jubilaire de la miséricorde. L’Épiphanie célèbre la disponibilité de la tendresse miséricordieuse de Dieu pour tous les peuples. Désormais, les nations ont accès à la même lumière que les descendants du peuple hébreu (Isaïe 60, 3). L’étoile brille pour tous les peuples. D’ailleurs, l’étoile évoque un retournement amusant du livre des Nombres (chapitres 22-24). Un ennemi, Balaam, devait annoncer la mort du peuple de Dieu. Balaam entrevit le contraire : la montée d'un astre qu'on identifiera plus tard dans les synagogues à un roi, un libérateur et un chef. Autant de titres qui convenaient pour décrire le rôle de l'enfant de Bethléem!

Première lecture 
Isaïe 60, 1-6

     Aujourd'hui, la liturgie a retenu un passage crucial du plus long des livres prophétiques. Le lien avec l’évangile est assez évident. Jérusalem se repeuple, car s'y regroupent autant ses enfants dispersés que des étrangers puissants et bien nantis. L'évangéliste a sans doute retenu pour élaborer son récit des images d’Isaïe : la montée de la lumière sur une terre obscure ainsi que la marche des étrangers vers cette clarté de la gloire du Seigneur Dieu. De telles caravanes emportaient trésors et richesses dignes des rois. L'or et l'encens qui arrivent jusqu'à Bethléem proviennent au moins partiellement de la magnifique vision du prophète…

     La montée biblique des nations à Jérusalem trouve un écho fascinant dans les pèlerinages de l'Année jubilaire de la miséricorde. Autant à Rome que dans plusieurs centres de pèlerinage, les grandes foules qui affluent vers les portes saintes sont enthousiastes au point où les participants en sont marqués pour longtemps. Bien souvent, cet enthousiasme est alimenté par le caractère international de l’événement.

Deuxième lecture 
Éphésiens 3, 2-3a.5-6

     La fête de la manifestation de Dieu à tous les peuples (son épiphanie) offre en plus du récit de l'évangile une réflexion théologique. Des étrangers se prosternent devant l'enfant de Bethléem. Cela illustre à quel point les païens font maintenant partie du groupe des bénéficiaires de la «promesse» faite à Abraham. Le chapitre 12 de la Genèse spécifie que la promesse vaut pour toutes les familles de la terre.

     Cette promesse est réalisée en Jésus. L'annonce de l'Évangile introduit les nations dans l'espace élargi, l'espace « Christ Jésus ». Il y a là plus qu'une manifestation de bonne volonté, de « valeurs » de diversité et de tolérance. C'est un « mystère », un élément divin révélé comme un cadeau, comme une grâce. Les païens (les personnes non membres du peuple juif) sont maintenant associés au peuple de l'alliance. Une traduction littérale du verset 6 met en évidence cette association étonnante. La particule «avec» commence chaque mot grec associé à la description des païens. Ils sont « héritiers-ensemble », « corps-ensemble », « ensemble-partageant ». Décidément, le grec biblique sait traduire les effets concrets de l’Épiphanie de Dieu en raccourcis saisissants.

 

Alain  Faucher, ptre

 

Source : Le Feuillet biblique, no 2471. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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Des croyants déroutés