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27e dimanche ordinaire C - 2 octobre 2016
 

La foi? Une pincée, c'est assez!

Christ pantocrator, mosaïque de la basilique Saint-Apollinaire-le-Neuf à Ravenne.

Christ pantocrator, mosaïque de la
basilique Saint-Apollinaire-le-Neuf à Ravenne.
Les trois doigts joints symbolisent la Trinité,
les deux doigts levés la double nature humaine et divine.

 

 

La puissance de la foi: Luc 17, 5-10
Autres lectures : Habacuc 1, 2-3; Psaume 94(95); 2 Timothée 1, 6-8.13-14

 

L'évangile choque nos oreilles occidentales. En plus, les propos de Jésus semblent décousus. Aux apôtres enthousiastes qui lui demandent d'augmenter leur vertu de foi, Jésus répond avec une consigne surréaliste. Jésus répond qu’une petite dose de foi peut transplanter un arbre en pleine mer. Comme si la foi suffisait à bouleverser les mécanismes mis en place lors de la création!  Mais ce n'est pas tout. Jésus semble changer le sujet de la conversation. Il évoque une scène de la vie paysanne de son époque. Jésus décrit le service effacé de l’employé d’un propriétaire agricole. Le parallèle établi entre l'acte de foi des apôtres et cette relation maître-serviteur nous heurte. En Amérique du Nord, nous avons fait de l'autonomie individuelle un absolu. Comment prendre au sérieux un texte qui met en évidence la subordination à la base de l’acte de foi? 

L’illusion de la quantité

     Les Apôtres demandent à Jésus d’augmenter leur foi. Doit-il vraiment accorder cela? Est-ce nécessaire? Selon notre conception habituelle de la foi (« croire à quelque chose »), on n'en aurait jamais assez. Comprenons plutôt la foi comme la comprenaient les contemporains de Jésus : « adhérer à quelqu'un ». La quantité n'a plus d'importance. On adhère ou on n'adhère pas, un point c'est tout! Et cette adhésion (dans notre cas, l’adhésion à la personne de Jésus) installe un système de relations entre les personnes. Cette foi, toute menue, peut changer le réel!

Des relations transformées

     La deuxième partie de l'évangile met en scène un riche propriétaire et son employé. Le travailleur agricole assume chez son maître des tâches sans s'attendre à des égards spéciaux pour son travail habituel. De même, les apôtres sont conscients que leurs actions doivent témoigner de la primauté de Dieu dans leur vie.  La foi exprime cette relation.

     Les convictions véhiculées dans cette deuxième partie de l'évangile heurtent violemment nos sensibilités sur la valeur de nos réalisations personnelles. Et si la tradition biblique ouvrait une autre perspective sur nos relations avec Dieu? Nos réalisations dans le domaine de la foi sont, la plupart du temps, bien modestes. Et si nous laissions de côté nos illusions? Nous pourrions envisager notre fragile vie avec Dieu avec un réalisme beaucoup plus productif...

     L'évangile offre une clé pour comprendre la dynamique profonde de la relation offerte par Dieu à l'humanité. La foi n'est pas un somnifère pour nous faire accepter un rôle subalterne. La foi est une forme de réalisme. Elle reconnaît qui est à la source des bienfaits. Elle affirme que l'honneur des croyants réside dans la reconnaissance pour les bienfaits reçus.

     Pour les premières générations chrétiennes, la foi n'était pas d'abord jonglerie de l'intelligence. La foi consistait à adhérer à une personne plus importante que soi, à s'effacer quelque peu devant elle pour qu'elle exerce au maximum son influence bienfaisante. Accoler ainsi sa propre vie à une vie autre devenait une source de multiples bienfaits. En échange de tels avantages, la personne qui adhérait à meilleur qu'elle prenait plaisir à jouer un rôle de soutien. Comme le serviteur discret de l’évangile…

Peu, c’est déjà beaucoup

     On comprend mieux alors le refus de Jésus devant la demande des apôtres. Il ne juge pas utile d'augmenter la quantité de leur foi. La foi ne s'évalue pas en termes de quantité, mais plutôt par sa qualité, par sa cohérence. Même faible, la foi modifie la carte des relations humaines et spirituelles. Nous pouvons légitimement nous réjouir de notre foi limitée, car elle est suffisante pour nous aider à tenir bon. Elle injecte la motivation requise pour nous engager dans les changements les plus bienfaisants, au bénéfice de la société et du monde.

     Le jeu des « quantités de foi » est bien visible dans cet évangile. La foi en petite quantité suffit pour replanter l'arbre (grand) dans le lieu de perdition par excellence, la mer incontrôlable peuplée de créatures maléfiques... Belle image pour dire qu’une pincée de foi bouleverse tout et contribue à recréer le monde!

     Chose certaine, la demande des Apôtres nous convient. Peut-être parce que nous sommes découragés devant la faiblesse de notre foi, devant son manque d'envergure, devant sa petitesse! Les défis de la vie actuelle sont tellement exigeants que nous nous sentons démunis, mal outillés avec une foi si fragile...

Habacuc 1, 2-3; 2, 2-4

     La première partie du texte prophétique pourrait avoir été écrite pour notre époque. Elle évoque le désarroi actuel de nombreux baptisés. À la manière du livre de Job, le prophète s'adresse au Seigneur Dieu. Il fait part de ce qu'il perçoit, lui, simple mortel: l'injustice semble avoir le dernier mot. Notre acclamation « Parole du Seigneur » valide ce constat du prophète. Les efforts de lucidité ne déplaisent pas à Dieu...

     Relire dans la foi des événements actuels nous conduira parfois à dénoncer des situations d'injustice créées par des puissances locales ou multinationales. Nous nous inscrivons ainsi dans la grande tradition prophétique de la Bible. Les Juifs pieux de Qumrân ont fait de même avec le livret prophétique d'Habacuc.  Ils comparaient les envahisseurs mésopotamiens mis en scène par Habacuc avec les occupants de la Terre sainte de leur époque, les abominables Romains.

Psaume 94 (95)

     Ce psaume abrégé est familier pour quiconque célèbre la Liturgie des Heures. Le texte cumule des titres attribués à Dieu et des images pour décrire l'action divine.

     La première strophe évoque la solidité du créateur et la joyeuse allégresse des célébrations de sa royauté. La deuxième strophe associe la révérence due à l'auteur de la vie humaine et son comportement de berger. La troisième strophe offre une rareté: une parole divine est citée dans un psaume. Cette citation décapante empêche d'idéaliser la période du désert. Comme la situation évoquée par le prophète Habacuc, ce fut une période de test. Les ancêtres l'ont échoué: n'allons pas répéter les erreurs du passé!

Seconde lettre à Timothée 1, 6-8.13-14

     Ces quelques versets nous dépaysent. Nous ne sommes plus en Amérique du Nord. Nous voici plongés dans le monde méditerranéen. La volonté personnelle n'est pas la source unique du développement individuel. Les choses importantes de la vie (l'honneur, la nourriture, les soins...) y sont reçues des autres, comme une faveur. Le regard des autres est plus important que le sentiment personnel.

     Deux types de sentiments s'opposent. D'un côté, la honte: honte du témoignage mal reçu, honte pour l'apôtre retenu en prison. De l'autre, la fierté de ce qui est accueilli comme don. Il s'agit de l'esprit transmis par l'apôtre : un esprit de force, d'amour, de raison...  Car ce n’est pas un esprit de peur que Dieu nous a donné… (verset 7).

Un peu fait la différence

     Un peu d'additif à l'essence permet de la vendre comme « essence d'hiver »! En cuisine, les ingrédients qui parfument une préparation sont utilisés en petite quantité. Une trace de vanille donne son originalité au dessert. Dans l'industrie, des quantités infimes confèrent de nouvelles propriétés à un produit.

     Il en va de même dans le domaine de la foi. La foi existe ou n'existe pas. L'adhésion opère ou n'opère pas. Ce « tout ou rien » donne à la foi son caractère décisif. La foi exige un choix radical. Et une telle foi modifie toute la cohérence de la vie. Un petit peu de foi permet d'affronter les situations difficiles vécues dans le monde, dans la société, dans la vie personnelle...

 

Alain Faucher, ptre

 

Source : Le Feuillet biblique, no 2501. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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