INTERBIBLE
Au son de la cithare
célébrer la paroleintuitionspsaumespsaumespsaumes
off Nouveautés
off Cithare
off Source
off Découverte
off Écritures
off Carrefour
off Caravane
off Scriptorium
off Artisans

 

 
Célébrer la Parole

 

orant

Imprimer

7e dimanche ordinaire A - 14 février 2017
 

Passer de la Loi à L'Évangile!

https://fr.wikipedia.org/wiki/Jan_Brueghel_l'Ancien

Sermon sur la montagne par Jan Brueghel l'Ancien (1568–1625)

 

 

 

La vengeance : Matthieu 5, 38-48
Autres lectures : Lévitique 19, 1-2.17-18; Psaume 102(103); 1 Corinthiens 3, 16-23


Pour un quatrième dimanche consécutif, nous poursuivons notre lecture du Sermon sur la Montagne. Voyant les foules, Jésus gravit la montagne. Il s’assit, et ses disciples s’approchèrent de lui (Mt 5,1-2). Jésus y apparaît comme un nouveau Moïse qui, du haut de la montagne, ne nous transmet plus la Loi divine, mais bien plutôt la charte du Royaume des cieux.

    Après les béatitudes, Jésus déclarait : Ne pensez pas que je sois venu abolir la Loi ou les Prophètes : Je ne suis pas venu abolir, mais accomplir (Mt 5,17). Les antithèses que nous lisons depuis dimanche dernier le montrent bien. Vous avez appris qu’il a été dit aux anciens… Eh bien ! moi, je vous dis… (voir Mt 5,21-22.27-28.33-34). En Jésus, Dieu vient accomplir sa Loi et nous donner son Évangile.

La loi du talion

    Vous avez appris qu’il a été dit : Œil pour œil, et dent pour dent (Mt 5,38). Vous ne serez pas surpris d’apprendre que la loi du talion avait été enseignée par Moïse. Ainsi, cinq chapitres après avoir lancé au nom de Dieu une invitation à la sainteté : Soyez saints, car moi, le Seigneur votre Dieu, je suis saint (Lv 19,1), Moïse reprend : Si un homme provoque une infirmité chez un de ses compatriotes, on lui fera comme il a fait : fracture pour fracture, œil pour œil, dent pour dent. Telle l’infirmité provoquée, telle l’infirmité subie (Lv 24,19-20 ; voir Ex 21,24 ; Dt 19,21). Le principe selon lequel la punition du coupable doit être égale à sa faute a marqué un réel progrès dans le droit coutumier. « Il ne faut pas laisser notre sensibilité moderne s’effrayer de la dureté d’une telle législation. […] Le premier mouvement de celui qui se trouve outragé est bien de se “ venger ”, c’est-à-dire de rendre davantage »1.

Une règle à suivre en famille seulement ?

    Fait à noter, que ce soit la loi de la sainteté ou la loi du talion, Moïse parle d’abord et avant tout des rapports des Juifs entre eux. Par exemple, quand il précise ce que signifie la sainteté à laquelle est appelé le peuple choisi, il dit : Tu ne haïras pas ton frère dans ton cœur. Mais tu devras réprimander ton compatriote, et tu ne toléreras pas la faute qui est en lui. Tu ne te vengeras pas. Tu ne garderas pas de rancune contre les fils de ton peuple (Lv 19,17-18ab). De même, la loi du talion s’applique entre compatriotes. (Voir cependant Lv 19,34 : L’immigré qui réside avec vous sera parmi vous comme un israélite de souche, et tu l’aimeras comme toi-même, car vous-mêmes avez été immigrés au pays d’Égypte). Jésus, de son côté, ne limite pas les préceptes de l’Évangile au peuple juif ou aux membres de l’Église. Eh bien ! moi, je vous dis de ne pas riposter au méchant (Mt 5,39a), peu importe sa race, sa religion, son genre ou son rang social. On ne peut que se réjouir de cet élargissement opéré par la chartre du Royaume des cieux.

Tendre l’autre joue

    Non seulement Jésus vise un auditoire élargi, mais il est fort exigeant, voire trop exigeant. Comment ne pas riposter au méchant ? Si quelqu’un te gifle sur la joue droite, tends-lui encore l’autre (Mt 5,39). Or, dans un monde où tous doivent se servir de leur main droite dans leurs gestes du quotidien, gifler sur la joue droite signifie frapper du revers de la main, un geste particulièrement violent et méprisant. Tendre l’autre joue ne reviendrait-il pas à encourager la violence ?

    Il importe de ne pas prendre cette injonction à la lettre. Jésus lui-même le montrera bien quand il recevra une gifle à l’heure de sa passion : Un des gardes, qui était à côté de Jésus, lui donna une gifle en disant : “C’est ainsi que tu réponds au grand prêtre !” Jésus lui répliqua : “Si j’ai mal parlé, montre ce que j’ai dit de mal ? Mais si j’ai bien parlé, pourquoi me frappes-tu ?” (Jn 18,22-23).

Des gestes irraisonnables ?

    Comment ne pas riposter au méchant ? Jésus en donne trois autres exemples. Les deux premiers sont des cas d’injustice. Dans la Bible, la tunique est le vêtement du pauvre (voir Ex 22,25-26). Prendre la tunique est donc un geste d’exploitation éhontée. Si quelqu’un te réquisitionne pour faire mille pas… (Mt 5,42). Autre acte violent : En sortant, ils trouvèrent un nommé Simon, originaire de Cyrène, et ils le réquisitionnèrent pour porter la croix de Jésus (Mt 27,32). Enfin, à qui te demande, donne ; à qui veut t’emprunter, ne tourne pas le dos ! (Mt 5,42). C’est faire œuvre de miséricorde que prêter à son prochain disait Ben Sirac (29,1). Ici, le prêt fait place au don.

L’amour des ennemis

    La dernière antithèse va dans le même sens. Vous avez appris qu’il a été dit : Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi. Eh bien ! moi, je vous dis : Aimez vos ennemis, et priez pour ceux qui vous persécutent (Mt 5,43-44). Pour un auditeur juif de l’époque, le prochain ne peut être qu’un autre Juif et l’ennemi vise surtout l’étranger, le païen. « Jusqu’à présent on mesurait sa charité aux bons et aux justes, à ceux qui vous aimaient, maintenant il faut l’étendre aux ennemis, et aux persécuteurs, aux méchants et aux injustes, aux publicains et aux païens »2.

Imiter la folie de Dieu

    Ce que propose Jésus ce dimanche semble irréalisable. C’est une folie ! Qui peut être à la hauteur de ces préceptes ? Pourtant, comme le dit saint Paul dans la deuxième lecture Que personne ne s’y trompe : si quelqu’un parmi vous pense être un sage à la manière d’ici-bas, qu’il devienne fou pour devenir sage. Car la sagesse de ce monde est folie devant Dieu (1 Co 3,18-19a). N’est-ce pas cette folie que propose Jésus à ses disciples ce dimanche ? Une folie que Jésus lui-même a choisie et pour laquelle il a donné sa vie.

    Il semble bien que oui. Jésus invite à suivre ce chemin difficile afin d’être vraiment les fils de votre Père qui est aux cieux (Mt 5,45). Or notre Père des cieux ne limite pas ses bienfaits au peuple juif ou encore à la communauté chrétienne. Il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, il fait tomber la pluie sur les justes et sur les injustes (Mt 5,45). Dieu est universelle tendresse, amour sans frontières 3.

Que votre lumière brille devant les hommes

    La charte du Royaume des cieux, que nous propose Jésus, peut paraître impossible à vivre. Impossible pour les hommes, mais pas pour Dieu. Rien n’est impossible à Dieu. Gardons en mémoire les paroles que Paul adressait aux Philippiens. C’est Dieu qui agit pour produire en vous la volonté et l’action, selon son projet bienveillant. Faites tout sans récriminer et sans discuter ; ainsi vous serez irréprochables et purs, vous qui êtes des enfants de Dieu sans tache au milieu d’une génération tortueuse et pervertie où vous brillez comme les astres dans l’univers, en tenant ferme la parole de vie (Ph 2,13-16a).

Comme votre Père

    Comme il l’a fait lui-même, Jésus nous invite donc à imiter notre Père des cieux. En effet, si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense méritez-vous ? […] Et si vous ne saluez que vos frères, que faites-vous d’extraordinaire ? […] Vous donc, vous serez parfaits comme votre Père céleste est parfait (Mt 5,26-28).

1 Lucien Deiss, « La loi nouvelle », dans Assemblées du Seigneur, no 38 (1970), p. 60-78 [63].
2 Lucien Deiss, « La loi nouvelle », p. 69.
3 Lucien Deiss, « La loi nouvelle », p. 70.

 

Yvan Mathieu, SM

 

Source : Le Feuillet biblique, no 2521. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

Chronique précédente :
Le don de la Loi nouvelle