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27e dimanche ordinaire A - 8 octobre 2017
 

Dieu vit des émotions

Les vignerons homicides

Parabole des vignerons homicides
Speculum humanæ salvationis, folio 421v-422, 1482
Bibliothèque municipale de Lyon

Parabole des vignerons meurtriers : Matthieu 21, 33-43
Autres lectures : Isaïe 5, 1-7; Psaume 79 (80) ; Philippiens 4, 6-9.
Les citations bibliques sont tirées de la Traduction liturgique officielle.

Si nous concevons Dieu comme une idée, un concept vaporeux, nous avons peine à imaginer que Dieu vive des émotions fortes. Mais la Bible ne nous cantonne pas dans les concepts. Elle nous amène à un autre niveau de réalité. Le Dieu vivant connaît des frustrations intenses! Les textes bibliques de ce dimanche d’automne ne laissent aucun doute : Dieu vit des émotions qui portent à conséquence. La réaction divine devant l’inertie du peuple élu suit une revendication rigoureuse de Dieu.

Le texte prophétique de la première lecture, dans sa charge poétique, exprime les déceptions de Dieu. Son peuple n’a pas été à la hauteur de l’alliance reçue de Dieu. Dans l’évangile, Jésus transforme cette lamentation en parabole. Mais ces propos acérés n’épuisent pas le message biblique de ce dimanche. La deuxième lecture offre un contrepied positif. Si notre cœur est dans la paix avec Dieu, saint Paul nous propose des pistes stimulantes pour enrichir notre comportement déjà positif.

Ainsi, deux thématiques puissantes s’entremêlent aujourd’hui. La thématique de la revendication divine, surgie des contrats d’alliance de l’époque, allie le volet émotif à la rationalité du langage politique. Cette thématique se déploie d’abord dans la première lecture avant de se recycler dans les propos de Jésus. Elle nous pose une question importante : avons-nous vraiment adhéré à l’alliance proposée par Dieu? Si notre adhésion est tiède, ce dimanche nous invite à dépasser cette faiblesse.

Par contre, si notre adhésion est forte, elle s’alimentera aux propos constructifs de saint Paul. Ces propos sont forts compatibles avec la fête civile célébrée demain. La thématique de la belle fête de l’Action de grâces, célébrée ce lundi, s’arrime ainsi à la thématique agricole de la poésie prophétique et des propos laudatifs de saint Paul.

Une vigne décevante (Isaïe 5, 1-7)

Le texte prophétique est beau, beau à tirer les larmes! En sept versets, la première lecture proclame un magnifique et inoubliable poème d’amour. D’abord, deux versets racontent les travaux et les espérances d’un agriculteur enthousiaste. Il attend une belle récolte de sa vigne! Il s’est investi en profondeur, retournant la terre, retirant les pierres (gros contrat en Israël!), plantant ce qu’il faut, installant une tour de garde, creusant un pressoir pour extraire le vin… Les quatre versets suivants décrivent le choc du cultivateur devant une récolte anémique. Le rendement négatif le force à changer de stratégie. Celui qui devrait prendre soin de la vigne se voit contraint de la laisser aller. Il se croise les bras. La vigne va ainsi dépérir au gré des aléas de la vie des animaux et des végétaux.

On détecte sous ces propos tout agricoles le langage politique des traités d’alliance du temps. Quand les clauses du contrat ne sont pas respectées, le proposeur est en droit de se croiser les bras et de laisser aller le partenaire négligent. Le dernier verset identifie d’ailleurs les parties prenantes de l’alliance. Le cultivateur déçu représente le Seigneur de l’univers. La vigne ressemble au peuple d’Israël et aux hommes de la tribu de Juda. Ce poème triste cache en fait la revendication vigoureuse d’un grand amoureux déçu : Dieu lui-même, généreux donateur de l’alliance au peuple hébreu.

Ce texte poétique nous incite à vérifier la qualité de notre lien avec Dieu. Il nous permet de réfléchir sur le statut que nous lui accordons. Dieu n'est pas seulement l’ami très lointain et un peu lourdaud qu’on nous présente trop souvent. Dieu est sensible. Sensible à l’indifférence. Exigeant même. Voilà une invitation forte à ajuster à hauteur de Dieu certains de nos comportements, peut-être un peu trop élastiques…

La vigne menacée Psaume 79

La mise en scène prophétique de la première lecture est reprise dans les deux premières strophes du psaume. Les soins de Dieu pour son peuple et le déficit de protection sont évoqués de manière saisissante.

Les deux strophes suivantes offrent un autre point de vue, positif celui-là. Il s’agit du point de vue des bénéficiaires ouverts à l’alliance de Dieu. On invoque le retour de Dieu et sa protection. La condition pour le succès d’un tel retour est claire: Jamais plus nous n’irons loin de toi. Le salut est en jeu dans ce retour vers Dieu : Fais-nous vivre et invoquer ton nom.

Allégorie de la mort de Jésus, le juste (Matthieu 21, 33-43)

Jésus raconte une parabole dramatique. Elle nous éloigne du ton serein et bucolique qu’on recherche d’habitude dans les textes d’évangile. Nous assistons à des meurtres. Le meurtre des messagers du propriétaire de la vigne. Puis le meurtre de l'héritier légitime d'une vigne productive. Sans le dire directement, Jésus décrit son propre drame, celui d’une mort injuste.

Sa familiarité avec les Écritures lui permet de formuler une fin heureuse pour ce récit de massacre. La pierre rejetée devient l’incontournable pierre d’angle d’une construction élevée par Dieu lui-même (verset 42). Telle est la conclusion joyeuse d’un évangile qui semble, de prime abord, bien négatif… La mort injuste de Jésus n’a pas mis fin à son message. C’était une étape vers notre propre relèvement d’entre les morts!

Cette évocation du psaume 117 fournira après la Résurrection le langage qui exprimera dans l’Église naissante la merveille donnée par Dieu et ses effets constructifs. Par exemple, Jésus affirme que le Royaume de Dieu sera donné à un peuple capable d’en faire produire les bons fruits. Les propos de Jésus sont formels : Dieu voit bien au-delà de sa déception et du drame.

Les personnes indignes qui n’ont pas su honorer son offre amoureuse n’auront pas le dernier mot. Il nous revient de prolonger dans notre ici et notre maintenant cette merveille de Pâques. La deuxième lecture nous offre quelques pistes concrètes pour ce faire.

La paix de Dieu (Philippiens 4, 6-9)

Les propos de saint Paul nous plongent dans une ambiance féconde et productive. C’est un agréable contraste avec les deux autres lectures. Ce contraste mérite d’être mis en valeur dans la prédication. Il introduit particulièrement bien la fête civile célébrée au deuxième lundi d’octobre, la fête de l’Action de grâces. Les propos de saint Paul sont une belle source d’action de grâces.

En mettant en pratique ce qui a été appris et reçu, vu et entendu, les membres de la fraternité peuvent prendre à leur compte le vrai, le noble, le juste, le pur, l’amour et l’honneur. La vie des membres de la communauté chrétienne foisonne d’exemples qui peuvent incarner ces catégories!

Certes, nous restons conscients des drames actuels de rejet de l’alliance offerte par Dieu. Le drame évoqué dans la première lecture et l’évangile fait partie de notre actualité spirituelle locale et régionale. Saint Paul propose de dépasser les inquiétudes de ce climat délétère. Il suggère de faire connaître à Dieu des demandes précises. Cœur et intelligence sont alors protégés par la paix de Dieu. Cette paix est un don global qui provoque une foule d’effets positifs.

Alain Faucher

Source : Le Feuillet biblique, no 2545. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Diocèse de Montréal.

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