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Dimanche de la Trinité A - 11 juin 2017
 

La plénitude de l'amour

Icône de la Trinité

Icône de la Trinité par Andreï Roublev, 1410-1422

 

 

Le fils médiateur et le jugement : Jean 3, 16-18
Autres lectures : Exode 34, 4-6.8-9; Psaume (Daniel 3); 2 Corinthiens 13, 11-13

 

Il peut sembler étrange qu’en cette fête de la Sainte Trinité, la lecture évangélique ne mentionne même pas l’Esprit Saint. D’autant plus que quelques versets avant l’extrait retenu se trouve un des plus beaux passages des Écritures qui traitent de l’Esprit. Jésus y déclare: Amen, amen, je te le dis : personne, à moins de naître de l’eau et de l’Esprit, ne peut entrer dans le royaume de Dieu. Ce qui est né de la chair est chair ; ce qui est né de l’Esprit est esprit. Ne sois pas étonné si je t’ai dit : il vous faut naître d’en haut. Le vent souffle où il veut : tu entends sa voix, mais tu ne sais ni d’où il vient ni où il va. Il en est ainsi pour qui est né du souffle de l’Esprit (Jean 3, 5-8). L’image du vent rend bien ce que la foi chrétienne appelle « mystère » : une réalité dont on perçoit les effets, mais qui demeure insaisissable, qui nous échappe sans cesse.

Trois versets d’une grande richesse

     Cela dit, le court extrait de l’Évangile selon saint Jean (trois versets) proclamé en ce dimanche demeure d’une grande richesse. Il met l’accent sur un des effets du mystère trinitaire : l’amour. Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique. Un thème cher à l’évangéliste apparaît ici clairement : l’amour de Dieu pour le monde. Et cet amour n’est pas qu’un sentiment vague ou vide, un grand élan du cœur sans substance. Il est porteur d’une conséquence précise, d’un fruit inestimable : la vie éternelle. Cette idée maîtresse jalonne le quatrième évangile; elle en est, pour ainsi dire, la colonne vertébrale.

     Ces quelques lignes de l’Évangile selon saint Jean proviennent de l’entretien de Jésus avec Nicodème. En réalité, à partir du v. 11, Nicodème disparaît de la scène. Jésus donne l’impression de ne plus s’adresser à lui uniquement. Il semble même parler non plus en son nom propre uniquement; il prête sa voix à tous ceux et celles qui se réclament de lui, au premier chef la communauté chrétienne à qui l’évangéliste s’adressait au départ. Nicodème, quant à lui, cède sa place à l’ensemble du peuple juif, qu’il se trouvait d’ailleurs à représenter au départ quand il est venu rencontrer Jésus de nuit.

Dialogue de sourds?

     Il arrive souvent dans les évangiles que Jésus ne répond pas directement aux questions de ses interlocuteurs. Ou encore, il répond avec une nouvelle question. Le phénomène apparaît de manière peut-être encore plus marquée dans l’Évangile de Jean. En effet, on a parfois presque l’impression d’assister à un dialogue de sourd. Le début de la conversation avec Nicodème en est un bon exemple: Nicodème lui répliqua : « Comment un homme peut-il naître quand il est vieux? Peut-il entrer une deuxième fois dans le sein de sa mère et renaître? » Jésus répondit : « Amen, amen, je te le dis : personne, à moins de naître de l’eau et de l’Esprit, ne peut entrer dans le royaume de Dieu » (3, 4-5). Dans sa réponse, Jésus part d’un élément mentionné par le pharisien, mais il ne répond pas vraiment à ses deux questions.

     S’il en est ainsi, c’est parce que tous les deux ne se situent pas au même niveau de langage. Nicodème se préoccupe de la dimension matérielle, physique de la vie : naître alors qu’on est vieux, c’est physiquement impossible, tout comme rentrer dans le sein maternel. Jésus, lui, s’exprime dans le registre symbolique. En mettant régulièrement ces deux types de discours en parallèle, l’évangéliste déstabilise son lectorat et l’amène à creuser davantage sa réflexion, à s’ouvrir au mystère du Christ mort et ressuscité pour le salut du monde.

     La lecture évangélique de ce dimanche constitue le sommet de cet entretien-discours de Jésus. On y trouve la première mention du verbe aimer dans l’Évangile selon Jean. Cet amour se manifeste d’une façon précise : le don que Dieu fait de son Fils pour le salut du monde. Dans l’optique de Jean, la croix est le point culminant de cet amour. Et l’objectif de ce don est clair dans l’esprit de l’évangéliste : Afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais obtienne la vie éternelle. Il est tellement facile de se perdre, de s’éloigner de ce qui nous fait vraiment vivre, de s’égarer dans une pratique religieuse sclérosée, une dépendance, des relations humaines malsaines… La clé se trouve dans la croix, là où Jésus offre sa vie. Ainsi apparaît aussi la réponse à la question de Nicodème : oui, un homme vieux peut renaître parce que le Fils peut faire revivre ceux qui croient en lui.

« Pour que […] le monde soit sauvé »

     La mort et la glorification du Christ ne sont cependant pas les seules manifestations de l’amour de Dieu. Toute la vie et la mission de Jésus en témoignent : Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé. Et c’est dans la décision d’adhérer ou non à sa personne que s’exerce le jugement. C’est par la foi ou le refus de croire que l’être humain répond à l’amour de Dieu manifesté par le don de son Fils. Accueillir ou non cet amour, voilà ce qui est déterminant.

     Accueillir cet amour signifie se laisser aimer par Dieu, aimer Dieu et aimer le prochain, comme le souligne avec insistance le même évangéliste dans ses lettres : Bien-aimés, puisque Dieu nous a tellement aimés, nous devons, nous aussi, nous aimer les uns les autres. Dieu, personne ne l’a jamais vu. Mais si nous nous aimons les uns les autres, Dieu demeure en nous, et, en nous, son amour atteint la perfection (1 Jean 4, 11-12). Célébrer la Trinité, c’est fêter cet amour appelé à circuler entre nous et à se déployer au-delà de toutes frontières. Jésus a révélé au monde le visage d’amour de son Père et nous a donné son Esprit pour que cet amour porte tous ses fruits. Ainsi, bien que l’Esprit Saint ne soit pas mentionné explicitement dans la lecture évangélique de ce dimanche, il est bel et bien présent, car c’est grâce à lui que l’amour divin circule et atteint sa plénitude.

Parole de foi

     Dans la première lecture, le Seigneur se révèle de manière privilégiée à Moïse à qui il vient de remettre les tables de pierre sur lesquelles sont inscrites les prescriptions de la Loi. Ce passage prépare bien le terrain à la lecture évangélique, puisqu’on y voit se dessiner le visage du Dieu d’amour qui se manifeste en Jésus : Le Seigneur, Le Seigneur, Dieu tendre et miséricordieux, lent à la colère, plein d’amour et de vérité. (Exode 34, 6) Moïse, en s’inclinant jusqu’à terre et en se prosternant exprime sa totale adhésion aux paroles divines, ce qui annonce en quelque sorte la décision de croire dont il est question dans la lecture évangélique. Et lorsqu’il dit tu feras de nous ton héritage, il anticipe la vie éternelle (Jean 3, 16) promise à celles et ceux qui auront mis leur foi dans le Fils unique de Dieu (v. 18).

Que la grâce du Seigneur…

     Le seul endroit dans les lectures de ce dimanche où le Saint-Esprit est explicitement nommé est dans la deuxième lecture. Il s’agit ici des tout derniers mots de la Deuxième lettre de saint Paul aux Corinthiens. Le souhait qui arrive en conclusion (Que la grâce du Seigneur Jésus Christ, l’amour de Dieu et la communion du Saint-Esprit soient avec vous tous) a inspiré la formule de salutation en introduction du rituel eucharistique. Il s’agit d’une des rares expressions clairement trinitaire du Nouveau Testament.


Jean Grou, bibliste

 

 

Source : Le Feuillet biblique, no 2537. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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