(photo : Dmitry Kalinovsky / 123RF)

Vigilance

Béatrice BérubéBéatrice Bérubé | 1er dimanche de l'Avent (année B) - 3 décembre 2017

Exhortation à la vigilance : Marc 13, 33-37
Les lectures : Isaïe 63, 16b-17.19b; 64, 2b-7 ; Psaume 79 (80) ; 1 Corinthiens 1, 3-9
Les citations bibliques sont tirées de la Traduction liturgique officielle.

La péricope de Marc 13,33-37, qui rapporte le discours de Jésus sur la vigilance, est organisée de la façon suivante. D’abord, l’ignorance sur le « quand » des événements (v. 33). Puis, une parabole en guise d’illustration (vv. 34-36). Et pour terminer, une conclusion (v. 37) qui reprend le message pour l’étendre, au-delà des limites imposées par le contexte, à tous les membres des communautés chrétiennes.

L’ignorance du moment

L’appel à être sur ses gardes, répété pour la troisième fois (13,5.23), est ici précisé : l’ignorance sur le « quand » des événements, c’est-à-dire la fin du monde et l’avènement du Fils de l’homme (13,24-27.29), que personne ne connaît, sauf Dieu (v. 32). La venue du Christ glorieux est dans la main de Dieu. Elle dépend uniquement de sa liberté puisqu’il est le maître absolu de l’histoire. C’est pourquoi lui seul en connaît le terme. Les disciples doivent rester éveillés afin de pouvoir accueillir le Fils de l’homme à tout instant, puisqu’ils ignorent le jour et l’heure fixés par Dieu. L’incertitude du moment pourrait engendrer l’indifférence, mais c’est le contraire que Jésus enseigne à ses disciples. Il désire les écarter d’une attente fiévreuse doublée de calculs hasardeux; il cherche à les maintenir en éveil, précisément à cause de leur ignorance, car, dit-il, vous ne savez pas quand sera le moment (v. 33). Pour illustrer l’importance de la vigilance, Jésus recourt à la petite comparaison qui suit.

La parabole

La parabole des vv. 34-36 est une refonte à partir de deux images conservées ailleurs dans les évangiles (Mt 25,14; Lc 12,36-38). Au v. 34a de notre récit, le voyageur prend ses dispositions puisque son absence peut être de longue durée. Il confie donc la charge de sa maison à ses serviteurs et commande au portier de veiller (v. 34b), car il va rentrer de nuit, à l’improviste, lors d’une des quatre veilles (v. 35b), surveillances qui relèvent du comput romain (voir 6,48). Dans cette allégorie, image et réalité s’entremêlent. Le « maître de la maison » représente Jésus qui partira bientôt, mais qui reviendra après sa mort et résurrection pour rassembler ses élus (voir 13,26-27; 14,62). La mention du portier rappelle que l’événement attendu est bien la venue du Fils de l’homme, dont le v. 29 dit qu’il « est proche, à vos portes ». Les portiers que le texte met à la deuxième personne du pluriel (v. 35a) désignent les disciples que Jésus risquerait de prendre « à l’improviste » (v. 36) lors de sa Parousie.

La locution adverbiale « à l’improviste » fait référence à l’idée que le Christ (ou le Jour du Seigneur) viendra par surprise (Am 5,18-19), notion exprimée ailleurs dans le Nouveau Testament par l’image « viendra comme un voleur » (1 Th 5,2.4; Ap 3,3; 16,15).  L’expression « Fils de l’homme », que Jésus utilise pour se désigner (Mt 8,20; Mc 2,10; Jn 6,53; etc.) afin d’éviter que ses contemporains l’obligent à jouer un rôle politique qui n’était pas le sien (voir Jn 18,36), celui de héros de la résistance contre les Romains, rappelle une prophétie de Daniel (Dn 7,13-14) évoquant un « Fils d’homme » campé à la droite de Dieu sur les nuées du ciel. Le mot « parousie » (du grec parousia, présence, arrivée) désigne dans le monde gréco-romain la visite officielle d’un prince. Les premiers chrétiens utilisent ce terme pour parler de la présence (2 Co 10,10) ou de l’arrivée de quelqu’un (2 Co 7,6-7; Phm 26) et aussi pour désigner la venue de Jésus, le Christ, pour achever l’histoire du monde. À la fin des temps, Jésus, « le Fils de l’homme », se manifestera dans sa gloire, il rassemblera toute l’humanité et remettra à son Père ce royaume de Dieu qu’il est venu annoncer et inaugurer sur la terre (Mt 16,28; 1 Co 15,20-28; etc.). Lors de son passage terrestre, Jésus annonce à la fois que le Royaume approche (d’où l’idée chez certains d’une fin prochaine du monde) et qu’il est déjà présent (ce qui ne veut pas dire réalisé). En effet, par sa mort et sa résurrection, le Christ a inauguré une ère nouvelle. Ce renouvellement est d’ores et déjà acquis, mais ce n’est qu’à son retour que sera accompli l’avènement final du Règne de Dieu.

La vigilance à laquelle Jésus invite ses disciples n’a rien à voir avec la crainte, la tension ou l’angoisse. Elle correspond sans doute à celle qui doit empêcher de se laisser égarer par des faux Christs et des faux prophètes (13,5-6.21-23) ou de se décourager dans les persécutions (13,9-13). En d’autres termes, Jésus attend de ses disciples une attitude active et positive, à savoir qu’ils se tiennent en éveil, prêts à l’accueillir après avoir résisté aux faux messies. Il leur demande de rester vigilants, de ne pas se laisser berner par diverses idéologies, de faire confiance à l’Esprit Saint et d’annoncer sans crainte la Bonne Nouvelle.

La conclusion

Au v. 37, Jésus généralise l’exhortation adressée aux quatre disciples privilégiés, Pierre, Jacques, Jean et André (13,3) : Ce que je vous dis, je le dis à tous (13,37) puisque dans le futur des générations nombreuses seront concernées. Le verbe au présent souligne l’actualité de ce discours. En lien avec l’allusion au lecteur (13,14), cette phrase signifie que le discours passé de Jésus vaut pour le présent de tous les lecteurs ou auditeurs de l’évangile. C’est à eux, tout autant qu’aux quatre disciples, que s’adressent les innombrables impératifs « veillez » qui parsèment le discours.

Le contexte du 1er siècle

Dans la pensée du 1er siècle de notre ère, les premiers chrétiens attendaient le retour imminent du Christ. En écrivant les paroles de Jésus relatives à la vigilance, Marc avait une intention. Il avait le regard tourné vers le présent de la vie chrétienne des membres de sa communauté : il voulait les exhorter à vivre d’une manière sainte pour qu’ils soient prêts à recevoir le Fils de l’homme.

Qu’en est-il aujourd’hui?

L’attente du retour imminent du Christ s’est estompée, au cours du 1er siècle de notre ère, au fur et à mesure que l’Église s’organisait et en même temps que l’Évangile progressait. Pourtant l’enseignement de Jésus concernant la vigilance, qui propose à tous les croyants la même ligne de conduite face aux inconnues de la « Fin », a encore une valeur pour nous aujourd’hui. Ce texte nous rappelle certains aspects de notre condition réelle, à savoir que nous ne sommes que des « administrateurs » des biens de la création, que notre propre vie est fragile, que la « fin » de celle-ci peut être soudaine : elle peut cesser « le soir ou au milieu de la nuit » (v. 35b). Une attitude sage est donc de vivre comme un « fils du jour, dans la foi, l’espérance et l’amour » (1 Th 5,5.8).

Béatrice Bérubé a fait ses études à l’Université du Québec à Montréal où elle s’est spécialisée en études bibliques. Elle a obtenu son doctorat en 2014 et collabore au Feuillet biblique depuis 2015.

Source : Le Feuillet biblique, no 2553. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Diocèse de Montréal.

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