Christ Pantocrator. Église et musée orthodoxe grecque, Miskolc (photo : Wikipedia).

Jésus, le Christ Roi, au service de tous

Julienne Côté Julienne Côté | Christ Roi (B) – 25 novembre 2018

Jésus devant Pilate : Jean 18, 33b-37
Les lectures : Daniel 7, 13-14 ; Psaume 92 (93) ; Apocalypse 1, 5-8
Les citations bibliques sont tirées de la Traduction liturgique officielle.

En ce jour de fête, que notre hymne au Christ ressuscité soit un hommage à sa tendresse et à sa miséricorde et un acte de foi et de confiance à l’œuvre qu’Il accomplit dans nos communautés chrétiennes, en toute vérité et pour la plus grande gloire de son Père.

L’attente du Roi-Messie

Les lectures en cette fête du Christ-Roi, au terme de l'année liturgique, évoquent la royauté unique, mystérieuse, exercée en vérité par Jésus, le prophète de Galilée. Elle se distingue de toutes les royautés terrestres de notre monde, dont celle d'Israël. Ce pays vit sous un système monarchique de 1050 à 587 avant Jésus-Christ. On connaît les noms de rois qui se sont imposés, tels  David et Salomon. Le règne du premier se déroula en guerres de conquêtes alors que le second jouira d'une période de paix. Le devoir, la mission du roi consiste avant tout à assurer la protection et la subsistance de son peuple, à exercer le droit et la justice parmi ses sujets.  Il n'est pas un dieu (1 Samuel 29,9). Il est une personne sacrée qui exerce l'autorité, reçue de Dieu, libérateur et protecteur de son peuple. Et le peuple, tout au long de son histoire, va donner sa confiance à celui qui est désigné par un prophète et sacré roi, par l'onction d'un prêtre qui l'intronise comme « fils de Dieu ». Fort de cette conviction que le dessein de Dieu passe par l'entremise de son Roi-Messie, Fils de David (Marc 12,35), le peuple maintiendra son espérance aux heures les plus sombres de son histoire où il est soumis à l'oppression de différentes puissances étrangères.

Le fils d’homme (Daniel 7, 13-14)

La première lecture, tirée du Livre de Daniel écrit vers l'an 165 avant J.-C., raconte ce moment où le peuple, sous occupation grecque, est durement persécuté. Le prophète évoque L'Homme  qui s'en vient – sur les nuées du ciel, expression en référence à la présence divine; il exercera une royauté universelle et éternelle. Dans cette vision, l'expression  Fils d'homme nedésigne pas un individu,maisle peuple des saints du Très-Haut, fidèle à Dieu, alors qu'il est dans une situation où on lui interdit de circoncire les fils, de respecter le sabbat, de garder chez soi  des  extraits des Écritures, etc., au risque d’être passible de mort. Ce petit noyau resté fidèle est réconforté par le message de Daniel et attend, avec persévérance, la victoire de Dieu qui permettra la libération définitive des forces d'occupation, si destructrices.

Dans les évangiles, on rencontre de nombreuses fois l'expression Fils de l'homme, que Jésus utilise pour se désigner (Marc 13,26). Cependant, il modifie le contenu de cette expression en y ajoutant un aspect de souffrance : Il commença à leur enseigner que le Fils de l'homme devait  beaucoup souffrir, être rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes, être mis à mort et, après trois jours, ressusciter (Marc 8,31; 9,31).

Avec le livre de Daniel, que  de psaumes font allusion au Roi-Messie attendu. Le Psaume 92 (93) chanté, aujourd'hui, acclame Dieu lui-même par une ovation: le Seigneur est roi! Son trône, c'est le cosmos dans son immensité; les humains sont ses adjoints qui règnent sur l'univers (Ps 8; 2; 45, 110). Et, en même temps, on chante le Messie qui  est venu, l'image parfaite, le fidèle témoin du Père.

La comparution devant Pilate (Jean 18, 33b-37)

Le récit évangélique nous situe à l'arrivée de l'Heure de Jésus. Après la trahison de Judas, l'arrestation au Jardin des Oliviers (18,1.11), l'interrogatoire devant l'autorité religieuse par le grand-prêtre Caïphe (18,19-26), Jésus, enchaîné, est livré comme un vulgaire malfaiteur par les siens, au tribunal civil de Pilate, gouverneur de Judée, représentant de l'empire romain. Pour Caïphe qui, jadis, avait donné aux Juifs cet avis : Il vaut mieux qu'un seul homme meure pour le peuple (18,14), la comparution devant Ponce Pilate, au palais du gouverneur, a pour but d'obtenir un verdict de mort. D'emblée, Pilate veut clarifier l'identité de Jésus et découvrir  ses prétentions. Est-il quelqu'un qui travaille à rétablir la souveraineté nationale de son peuple? A-t-il raison d'avoir peur de l'autorité de cet homme qui est là, devant lui, dans un état lamentable? Pilate engage l'interrogatoire : Es-tu le roi des Juifs? demande-t-il. Pour ce représentant de Rome, ce qui constituerait une menace, c'est que Jésus soit un rival politique capable d'enclencher une révolte ouverte contre l'autorité romaine. La réaction de Jésus ne peut que rassurer le gouverneur : il n'a pas de gardes qui le protègent comme en ont les rois. D'emblée, on le constate, Jésus ne répond pas à la question posée, mais c'est lui qui mène la conversation et fait rebondir l'échange : Ma royauté ne vient pas de ce monde, elle n'est pas en concurrence avec les visées des royaumes terrestres, elle n'est pas politique, elle n'est pas conférée par les hommes. Elle s'exerce en lien avec son Père et assure un service aux hommes et aux femmes de bonne volonté, pour les conduire à leur achèvement : non, ma royauté ne vient pas d'ici (18,36).

La royauté éternelle de Jésus

Au cours de sa vie publique, Jésus a toujours refusé le titre de roi, ainsi que toute volonté de puissance et de domination. Rappelons-nous que dans le récit de la tentation, lorsque le diable lui offre tous les royaumes de l'univers avec ce qu'ils recèlent de puissance et de gloire (Luc 4,5-6), Jésus refuse. Lors de la multiplication des pains, les gens en grand nombre, rassasiés, voulurent l'enlever de force pour le faire roi, Jésus s'enfuit dans la montagne, tout seul (Jean 6,14-15). Maintenant, au moment de la passion, on ne peut se méprendre quant à sa mission au service des plus faibles, des exclus,  des humbles  croyants à qui il a lavé les pieds, alors que ses disciples conçoivent trop facilement encore son pouvoir en terme de domination. Jésus va répondre à Pilate, il n'esquive pas la question; d'accusé, il devient témoin : Tu le dis! Je suis roi. Je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la vérité. Tout homme qui appartient à la vérité écoute ma voix (18,37). Il est Roi des consciences et des cœurs, à l'intime des femmes et des hommes de bonne volonté.

En ce moment tragique où Il est livré méchamment aux mains des hommes, par l'autorité religieuse juive, Jésus affirme qu'il donne sa vie librement comme Il l'a fait tout au long de son ministère publique (Marc 10,42-45). Son pouvoir ne s'exerce pas dans une région donnée et ne lui vient pas de Tibère César, mais de son Père. Dans sa prière d'intercession et d'oblation,  adressée au Père, précédemment: il dit: Père, l'heure est venue: glorifie ton Fils, pour que ton Fils te glorifie et que, par le pouvoir sur toute chair, que tu lui as conféré, il donne la vie éternelle à tous ceux que tu lui as donnés. La vie éternelle, c'est qu'ils te connaissent, toi, le seul véritable Dieu... (17,1-3). À cette heure dramatique, dans la situation d'accusé, Jésus devient témoin de la vérité, de l'amour du Père, toujours fidèle et vrai. L'évangéliste Jean insistera sur le témoignage par excellence de Jésus : Le Verbe est la lumière véritable qui éclaire tout homme… À tous ceux qui l'ont reçu, il a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu (1,9.12). Son royaume est offert à toute personne qui, dans la foi, reconnaît en Lui le Chemin, la Vérité et la Vie (13,6).

Le témoin fidèle (Apocalypse 1, 5-8)

À la fin du premier siècle après Jésus, vers 168, alors que les chrétiens sont menacés par la persécution de l'empereur Domitien, l'auteur de l'Apocalypse évoque Jésus, Roi et Messie,  fidèle image de Dieu, soutien de son peuple.

Il est le témoin fidèle (1,5; Isaïe 55,4), témoin de la Vérité, que Dieu a envoyé, lui qui a pris le parti des pauvres, des estropiés, des sans pouvoir, face aux autorités politiques et religieuses; lui qui a vaincu la haine de ses bourreaux en leur offrant le pardon, témoignant ainsi de façon éminente de l'amour initial et gratuit de Dieu.  Il est le premier-né d'entre les morts, Celui qui est ressuscité et qui appelle les chrétiens à ressusciter avec Lui. Il est le souverain (Psaume 89,28) du peuple de Dieu, chargé de la louange d'hier, d'aujourd'hui et de demain. Il est l'alpha et l'oméga (1,8); première et dernière lettre de l'alphabet grec, c'est-à-dire de la totalité du temps et de l'espace, du commencement et de la fin de toute chose, de la constitution d'un peuple royal et sacerdotal (1,5.6b.8).

En ce jour de fête, quelle grâce de contempler et de célébrer communautairement Jésus le Messie-Roi de l'univers, dont le retour s'effectuera à la fin des temps! De découvrir progressivement, de jour en jour, Celui qui éclaire nos consciences et nous fait marcher à sa suite, dans ses pas!

Membre de la Congrégation de Notre-Dame, Julienne Côté a fait ses études supérieures en théologie et en études bibliques à l’Institut catholique de Paris. Elle a écrit pour la revue Vie liturgique de 1985 à 1990 et collabore au Feuillet biblique depuis 1987.

Source : Le Feuillet biblique, no 2595. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l’autorisation du Diocèse de Montréal.

Célébrer

Célébrer la Parole

Depuis l’automne 2017, le Feuillet biblique n’est disponible qu’en version électronique et est publié ici sous la rubrique Célébrer la Parole. Avant cette période, les archives donnent des extraits du feuillet publiés par le Centre biblique de Montréal.