Jésus guérit un lépreux. Carl Heinrich Bloch.

Le Seigneur Jésus n’exclut personne

Julienne CôtéJulienne Côté, CND| 6e dimanche du Temps ordinaire (B) - 5 février 2018

Jésus guérit un lépreux : Marc 1, 40-45
Les lectures : Lévitique 13, 1-2.45-46 ; Psaume 101 (102) ; 1 Corinthiens 10, 31-11, 1
Les citations bibliques sont tirées de la Traduction liturgique officielle.

La compassion de Jésus est contagieuse. Aujourd’hui comme hier, Il relève les accablés, leur offre un avenir et nourrit leur espérance.

Après l’appel des disciples et le début du ministère de Jésus à Capharnaüm, l’évangéliste Marc relate le parcours de Jésus en Galilée. Jésus a déjà guéri un homme possédé du démon (1,23-28), puis la belle-mère de Simon, ainsi que de nombreux malades (1,29-34), les lectures évangéliques des deux dimanches précédents. En Galilée, Il fait la rencontre d’un lépreux qui ose s’adresser à lui, malgré l’interdit.

La lèpre, symbole et preuve du péché
Le Lévitique 13, 1-2.45-46

Dans le milieu juif rabbinique, l’humain qui souffre de la maladie de la lèpre est rejeté des siens et de ses amis. Il est exclu au nom de Dieu, méprisé, condamné à s’éloigner des autres humains, donc à la solitude. En conséquence, il doit marquer sa différence en portant des vêtements déchirés, des cheveux en désordre, tel que la première lecture l’évoque (v. 45). La seule présence du lépreux dévoile donc son péché et respire la mort. Ce qui est dramatique, c’est la condamnation en lien avec la sphère religieuse puisque la lèpre est non seulement une maladie incurable pour l’époque, mais une impureté, interdisant l’accès au Temple. Ne doit-il pas s’identifier comme impur en criant : Impur! Impur! (v. 45). Le Livre des Lévites consacre aux lois de pureté et de sainteté, les chapitres 11 à 16. Le Premier Testament considère la lèpre comme un châtiment de Dieu dans le récit de Myriam, sœur de Moïse (Nombres 12,9-10), dans celui du serviteur d’Élisée (2 Rois 5,27), ainsi que dans l’histoire de Job (2,8). Et le psaume choisi 101 (102) en ce dimanche nous fait expérimenter de l’intérieur la douleur de l’homme rejeté.

L’interdit transgressé

Cet homme marqué du sceau de l’impureté et qui doit se tenir à distance s’approche de Jésus avec confiance, déférence et humilité : Il tombe à ses genoux. Si tu le veux, tu peux me purifier (v. 41). Il s’en remet à la bienveillance du Prophète. Saisit-on l’intensité et la profondeur de ce moment vécu par le malade humilié par son entourage? Nous est-il possible d’imaginer l’avenir qui se dessine à ses yeux, la réalité future qui va dépasser tout ce qu’il connaît dans sa chair et dans ses relations? La demande de s’affranchir de cette calamité est déjà un miracle inattendu pour cet homme stigmatisé. Sa foi et son espérance lui permettent de braver les interdits et de croire que grâce à Jésus sa vie aura désormais un sens.

Jésus, saisi de compassion, accueille avec amour la confiance de cet homme méprisé. Il acquiesce en reprenant les mots mêmes de son interlocuteur. Il le toucha et lui dit : Je le veux, sois purifié (v. 41). Jésus lui rend sa dignité, Il recrée la relation, lui offre un avenir, lui permet d’accéder à son vrai visage. En touchant le lépreux, Jésus ne craint pas la contagion; Il pose un geste scandaleux, inacceptable pour un Juif. N’est-il pas venu pour les pauvres, annoncer aux captifs la délivrance et aux aveugles le retour à la vue, rendre la liberté aux opprimés (Luc 4,18)? Cette transgression de Jésus qui le rend impur légalement est un dépassement de la Loi ancienne. C'est l’heure où Il affirme son identité et sa mission; où Il manifeste la tendresse et l’engagement de son Père pour les plus faibles; où Il poursuit sa lutte contre le péché, contre cette idée que le lépreux est moralement responsable de sa maladie. Quatre fois le mot « purifié » est utilisé, indiquant l’importance de cette exigence et l’entrée en relation avec Dieu.

L’après : un renvoi, le secret et le dévoilement

La suite du récit est étonnante, tant dans le comportement du lépreux que dans celui de Jésus. Il est affirmé que Jésus renvoie le lépreux en lui adressant un avertissement sévère... Garde-toi de ne rien dire à personne (vv. 43-44). La Bible de Jérusalem, ainsi que la traduction de Chouraqui et celle d’Osty emploient les mots suivants : Mais le rudoyant, Jésus le chassa aussitôt. Ce terme chassa est fréquemment employé pour évoquer l’expulsion des démons lors des exorcismes. Jésus donc, confronté au péché, délivre, affranchit le malheureux d’une calamité intenable.

Jésus demande à l'homme guéri d'aller se présenter au prêtre, ainsi que le prescrit la Loi. Puis Il le somme de ne rien dévoiler (v. 44). L'homme n'obéit pas et se mit à proclamer et répandre la nouvelle (v. 45), se comportant alors comme un disciple. Le résultat immédiat est l’impossibilité pour Jésus d’entrer ouvertement dans une ville, restant dehors en des endroits déserts (v. 45). C’est dire que Jésus a pris sur Lui le malheur du lépreux. En Marc, Jésus refuse de se révéler comme le Messie préparant l’indépendance politique d’Israël. Les gens ne doivent pas se méprendre sur sa mission. Jésus est là pour manifester en ses paroles et en ses actes, son autorité et la puissance de Dieu (BJ). Déjà, se dessine à l’horizon un avenir difficile de contestation et de souffrance. Ce sont les attaques insidieuses et répétées des Sadducéens et des Pharisiens qui, face aux actions de délivrance accomplies, ne cessèrent de reprocher à Jésus sa liberté. Plus tard, l’approfondissement de la vie de Jésus conduisit l’évangéliste et les premières communautés chrétiennes à voir dans la guérison du lépreux le prélude à cette opposition qui ira s’amplifiant jusqu'à la condamnation à mort du Prophète, suivie du matin de la résurrection.

La proximité de Jésus avec le pauvre : un appel

La rencontre du lépreux bouleverse Jésus au plus intime de son être, et décuple son audace et sa liberté. Il ne peut que souffrir du mal que vit cet homme et Il s’empresse de le guérir gratuitement en risquant lui-même une interprétation négative de son geste. Ainsi va-t-il dépasser la Loi ancienne et rétablir l’homme dans sa dignité. Sa compassion nous interpelle. Quel regard portons-nous sur autrui : les personnes que nos sociétés mettent à l'écart, les itinérants, les décrocheurs, les jeunes délinquants? Comment regardons-nous les malades mentaux, les gens dépressifs? Quels préjugés colorent notre appréciation, et classifient les personnes que nous côtoyons? Au nom de nos principes, de notre formation et de notre vision trop étroite de notre entourage, ne sommes-nous pas enclins à marginaliser, à discriminer, à exclure plutôt qu’à inclure? Avons-nous pris l’habitude de voir au-delà des apparences et des différences? Jésus ne nous invite-t-Il pas à purifier notre esprit et à accueillir inconditionnellement notre prochain. Nous avons besoin de guérison, d’être rassasié des dons de Dieu. Notre espérance ne doit-elle pas exiger ce qui est de l’ordre de l’Infini.

De son côté, l’apôtre Paul, dans la 2e aux Corinthiens (10,31-11,1), après avoir évoqué son comportement, nous suggère d’imiter le Christ : Faites comme moi : en toutes circonstances je tâche de m’adapter à tout le monde; je ne cherche pas mon intérêt personnel, mais celui de la multitude des hommes, pour qu’ils soient sauvés. Prenez-moi pour modèle; mon modèle à moi, c’est le Christ (10,33; 11,1).

Membre de la Congrégation de Notre-Dame, Julienne Côté est bibliste.

Source : Le Feuillet biblique, no 2563. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l’autorisation du Diocèse de Montréal.

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