Le Christ vrai cep. Icône grecque écrite au 15e siècle par Angelos Akotantos. Musée byzantin et chrétien, Athènes (Wikipedia)

Je suis la vigne

Béatrice BérubéBéatrice Bérubé |5e dimanche de Pâques (année B) - 29 avril 2018

L’image de la vigne et des branches : Jean 15, 1-8
Les lectures : Actes 9, 26-31 ; Psaume 21 (22) ; 1 Jean 3, 18-24
Les citations bibliques sont tirées de la Traduction liturgique officielle.

Aujourd’hui, en ce cinquième dimanche de Pâques, nous lisons le texte de Jean 15,1-8. La métaphore de la vigne faite à partir d’éléments familiers aux juifs s’inspire de la tradition biblique sur la vigne Israël où se raconte l’histoire de l’élection et de l’Alliance. Notre écrit, qui en reprend la perspective (affection, adoption/choix) et les termes (vigne, sarments, fruit, émonder, se dessécher, brûler), présente dans un premier temps les paroles de Jésus déclarant être la vigne véritable du Père (vv. 1-3), expose dans un deuxième temps l’avertissement de Jésus à ses disciples (vv. 3-6) et, dans un troisième temps, traite des fruits récoltés par les disciples fidèles à Jésus (vv. 7-8).

La vigne et les fruits (vv. 1-3)

Le discours de Jésus s’ouvre par l’expression « Moi, je suis la vigne » (v. 1) qui sera reprise au v. 5. Cette parole prend toute sa signification par ce qui la complète : « et mon Père est le vigneron ». Cette phrase manifeste clairement que la figure avec laquelle Jésus s’identifie est la vigne dont parlaient les prophètes, image appliquée au peuple d’Israël (Is 5,1-7; 27,2-5; Jr 2,21; 12,10; Ez 17,5-6; 19,10-11; Os 10,1), pour indiquer l’amour et l’élection dont il est l’objet. Choisi et protégé par Dieu, il devait produire des fruits de justice et de sainteté. Semblable à une vigne cultivée avec soin, le peuple bien-aimé de Dieu le déçoit en ne portant pas le fruit escompté (Is 5,1-7). Dans l’Évangile selon Jean, la vigne désigne Jésus qui, avec ses disciples, constituent le nouveau peuple de Dieu. La tournure « Je suis » suivie d’un prédicat est une formule johannique de révélation présentant, selon une perspective chaque fois différente, ce qu’est Jésus par rapport aux êtres humains dans sa mission salvatrice (6,35; 8,12; 10,7.9; 10,11; 14,6). La « vigne », selon le référent qui est présupposé, à savoir le peuple de Dieu, évoque une figure collective, les « sarments ». Comme ceux-ci participent à la vie de la vigne à laquelle ils sont attachés et qu’ils fournissent des fruits, les disciples, qui se rattachent vitalement à Jésus par la foi, doivent produire du fruit. Dans le contexte évangélique, produire du fruit, c’est participer à la mission de Jésus : vivre et agir selon la nouveauté révélée par le Nazaréen, c’est-à-dire vivre une vie fidèle aux commandements, spécialement à celui de l’amour (vv. 12-17; voir Is 5,7; Jr 2,21), et annoncer la Bonne Nouvelle au monde entier (4,30-38; voir Mt 28,19-20a). Aujourd’hui, par son adhésion au Christ, le croyant, qui vit une vie fidèle aux commandements, participe à la vie authentique, celle de Dieu.

Au v. 2, l’émondage est l’œuvre du Père; ici il est attribué à la parole du Fils (v. 3). Le Père étant à l’origine de toute parole prononcée par Jésus et de son accueil par l’homme, il n’y a donc pas de tension dans le texte entre les deux auteurs de l’émondage. Ce terme réfère manifestement à la situation des disciples antérieure à leur réponse de foi, état dans lequel ils ne pouvaient produire du fruit. S’ils le peuvent maintenant, ce n’est pas par eux-mêmes, c’est grâce à la parole de Jésus qui les a émondés ou purifiés. Mais il dépend d’eux de se maintenir en Christ puisque la relation du disciple ou du croyant avec Jésus est d’ordre personnel, de sujet à sujet.

L’avertissement (vv. 4-6)

Au v. 4, Jésus donne à ses disciples un avis sérieux : « Demeurez en moi ». Cette recommandation équivaut à adhérer fermement à Jésus en qui s’exprime la parole de Dieu. Pour Jésus, cet avertissement traduit la stabilité des dons du salut (1 Jn 2,27; 3,9-15; 4,12-15) accordés à ceux qui croient en son enseignement qui expose le dessein de salut de Dieu. Pour les disciples, « demeurer en Jésus », correspond à s’en tenir fermement et activement à ce qui a été donné dans le passé, le saisir dans le présent, et envisager l’avenir en fonction de lui. C’est encore en ce sens que le chrétien d’aujourd’hui, à l’instar du disciple de jadis, demeure dans la parole (8,31), dans l’amour (15,9-10), dans la lumière (1 Jn 2,10), en Dieu (1 Jn 4,13-16). Jésus, la Parole de Dieu, qui est venu conduire la révélation à son terme, doit rester la référence, doit être une bouée dont il ne faut pas se défaire. Pour les disciples entés sur le Christ, celui-ci demeure en eux. Jésus, le cep qui produit la sève, est la source qui donne sans cesse la vie. Ainsi, le fruit attendu de la vigne sera porté par les disciples qui demeurent en Jésus (v. 5).  

Sachant que certains disciples peuvent déchoir après avoir été unis à lui, Jésus reprend les menaces du prophète Ézéchiel adressées à la vigne Israël (v. 6). Tels les sarments desséchés sont éliminés par le paysan, jetés au feu, puis brûlés (Éz 15,1-8), ainsi sera le châtiment qu’encourent les disciples infidèles : ils seront retranchés de la communauté du Christ. Au temps de l’évangéliste, les sarments rejetés ne peuvent être que des chrétiens d’origine juive qui auraient cédé à la pression qu’exerçait sur eux la critique de la Synagogue au message du salut en Christ. Il ne pouvait donc être question pour eux de « demeurer » en Jésus. Par conséquent, ils perdaient toute participation à la réalité eschatologique. Dans le contexte actuel, le croyant doit rester conscient des conséquences qu’entraînent ses choix. L’appel à la conversion demeure toujours présent dans la proposition de l’évangile.

Les fruits récoltés par les disciples fidèles (vv. 7-8)

En vertu de leur adhésion constante à Jésus et de leur obéissance, les disciples, en qui les paroles de Jésus ont pénétré et qui demeurent comme la puissance qui règle toutes leurs pensées et qui inspire toutes leurs décisions, savent que leur prière sera entendue et appuyée. L’annonce : « Demandez ce que vous voudrez » (v. 7c) correspond à « tout ce que vous demanderez » dans le discours fondamental d’adieu, à propos des œuvres confiées aux disciples (14,12-13a; voir Mt 18,19-20). Il en est ainsi pour les chrétiens d’aujourd’hui qui communient au désir de Jésus que se réalise le projet de Dieu. Ils peuvent demander à Dieu ce qu’ils veulent et être assurés de l’obtenir, car ils ne veulent rien qui ne soit conforme à la volonté divine.

La gloire de Dieu, qui se manifeste en Jésus (17,1b), se révèle aussi dans ceux qui appartiennent à la vigne unique et qui produisent des fruits (v. 8). En vertu de leur attachement au Christ, les disciples continuent son œuvre. Continuer l’œuvre de Jésus, c’est partager ses valeurs, entre autres l’amour (v. 12.17), c’est écouter sa parole, car lui seul a les paroles qui sont vie éternelle (6,63.68), et c’est s’engager à sa suite. Ceux et celles qui se mettent à la suite de Jésus, comme ses disciples, arrivent là où est Jésus (1,37-39).  Ainsi, la gloire de Dieu se manifeste en eux. Aujourd’hui, les chrétiens qui s’engagent concrètement à la suite de Jésus sont ceux qui font du bien autour d’eux, qui calment la misère et qui répondent à des urgences, soit en temps, soit en argent dans des organismes communautaires. Ces hommes et femmes produisent du fruit, car ils mènent une vie authentique dans l’amour des autres. La disposition à vouloir le bien d’un autre que soi fait en sorte que ces croyants participent à la manifestation plénière de l’amour de Dieu pour le monde. Ils sont les témoins modernes de la présence de Dieu ici-bas.

En reprenant une comparaison d’Isaïe, Jésus se désigne dans ce court extrait la vraie vigne qui rassemble en lui tous les disciples peu importe l’époque. Néanmoins, pour recevoir la vie et pour produire des fruits, l’union au Christ est la condition essentielle. Les hommes et femmes qui adhèrent à Jésus peuvent, même au travers des épreuves, progresser dans la foi et porter toujours plus de fruits.

Béatrice Bérubé a fait ses études à l’Université du Québec à Montréal où elle s’est spécialisée en études bibliques. Elle a obtenu son doctorat en 2014 et collabore au Feuillet biblique depuis 2015.

Source : Le Feuillet biblique, no 2574. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l’autorisation du Diocèse de Montréal.

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