La Pentecôte

La pentecôte. Enluminure d’un missel anglais du Moyen-Âge (circa 1310-1320). Bibliothèque nationale de Wales (photo : Wikimedia Commons)

Jours de Pâques, jour de Pentecôte

Béatrice BérubéBéatrice Bérubé | Pentecôte (B) - 20 mai 2018

Jésus apparaît à ses disciples : Jean 20, 19-23
Les lectures : Actes 2, 1-11 ; Psaume 103 (104) ; Galates 5, 16-25 ; Jean 15, 26-27 ; 16, 12-15
Les citations bibliques sont tirées de la Traduction liturgique officielle.

NDLR : Le présent Feuillet vous offre un commentaire de Jean 20, 19-23, le passage d’évangile qu’on lit durant l’année liturgique A. Le Lectionnaire de l’année B a choisi Jean 15, 26-27; 16, 12-15. On en trouvera un commentaire en cliquant ici.

Le passage de l’Évangile selon Jean 20,19-23 est une courte narration de l’apparition de Jésus à ses disciples. Le texte suit le schéma tripartite des récits d’apparition : Jésus prend l’initiative de se faire voir (v. 19), il se fait reconnaître des disciples (v. 20) et il leur confie une mission (vv. 21-23).

L’initiative de Jésus (v. 19) 

La scène se déroule dans une maison dont les portes sont verrouillées, le soir du premier jour de la semaine, temps privilégié des premiers chrétiens pour réactualiser la fraction du pain (voir Ac 20,17 ; 1 Co 16,2). Ce jour pour les judéo-chrétiens était vraisemblablement le samedi soir après l’office sabbatique juif. Cependant, après leur expulsion des synagogues, ce jour, appelé aussi « jour du Seigneur » (Ap 1,10), correspond au dimanche. L’événement se passe en un lieu qui n’est pas précisé. La tradition l’a identifié avec le cénacle, c’est-à-dire la chambre haute où les disciples sont réunis avant la Pentecôte (Ac 1,13). Ceux-ci vivent dans la peur et l'enfermement par crainte des autorités juives, crainte qui caractérisait jusqu’ici les juifs qui n’osaient pas se déclarer en faveur de Jésus (Jn 7,13 ; 9,22 ; 12,42 ; 19,38). Les disciples se sentent-ils menacés en tant que tels, ou appréhendent-ils que la disparition du cadavre leur soit imputée (voir Mt 28,13) ? Quel que soit le motif, c'est dans ce milieu clos que surgit Jésus. Paix à vous! (Shalom) leur dit-il. La paix qu'il leur souhaite a pour but de les réconforter et de les rassurer dans l'état d'angoisse où ils se trouvent (Jn 16,33). Ce Shalom, salut ordinaire des Juifs (Jg 19,20 ; 2 S 18,28), n'est pas seulement un souhait de courtoisie qui équivaut pour ceux qui l'entendent à une possibilité, à une éventualité, mais un don accordé par Dieu lui-même comme dans la prophétie (Is 40,9) ou dans l'Évangile (Mc 1,15 ; Jn 14,27).

Jésus se fait reconnaître (v. 20)

Immédiatement après le don de la paix, Jésus montre les traces de la crucifixion sur ses mains et sur son côté (v. 20). En agissant ainsi, il veut se faire reconnaître pour celui qui a souffert et qui a été crucifié, pour celui qui est à jamais avec eux (He 2,18) et ainsi affermir la foi de ses disciples. Il est là, non comme un fantôme, mais avec son propre corps, corps qui échappe toutefois aux conditions habituelles de la vie terrestre (voir v. 19). Cependant, celui qui est là au milieu d'eux est la même personne qu'ils ont connue et aimée, mais désormais transfigurée par la résurrection. Ce « voir » accomplit la promesse de Jésus : Le monde ne me verra plus, mais vous, vous verrez que moi je vis et, vous aussi, vous vivrez (Jn 14,19). Tournés vers Jésus de Nazareth qu’ils reconnaissent dans le Seigneur exalté, les disciples sont comblés de joie (v. 20b). Ils ont maintenant la certitude que Jésus est vivant. Pour la première fois, s’accomplit la parole que Jésus leur a adressée avant sa mort en leur annonçant que la joie suivra de près la douleur (Jn 16,33). Cette joie ne doit pas être confondue avec un sentiment humain, mais signifie l’épanouissement d’une expérience unique et définitive : Cette joie, nul ne vous la ravira (16,22), elle « est parfaite » (15,11). Dans l’Ancien Testament, la « joie » était considérée comme la caractéristique du temps du salut et de la paix eschatologique (Is 9,2 ; 35,10 ; etc. ; So 3,14 ; Ps 126,3-5) ; chez Jean, la joie de Jésus ressuscité est partagée, dès maintenant, par les disciples qui expérimentent la présence de Jésus.

La mission confiée aux disciples (vv. 21-23)

L'apparition du Ressuscité n'est pas une fin en soi. Elle débouche sur une tâche. En renouvelant le don de la paix (v. 21), Jésus signifie qu’un temps nouveau a débuté. Il investit les disciples d’une mission : Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous  envoie (v. 21). De son vivant, Jésus les avait envoyés devant lui (Lc 10,1) pour proclamer le Règne de Dieu et guérir (Lc 9,2 et parallèles) ; ils sont aussi les ouvriers envoyés à la moisson par le Maître (Mt 9,38 et parallèles ; Jn 4,38) et les serviteurs envoyés par le roi pour amener les invités aux noces de son Fils (Mt 22,3 et parallèles). Ici, le mandat conféré aux disciples s'enracine dans la mission que le Père a confiée à Jésus selon le vocabulaire usuel de Jean (13,20 ; 17,17-19). La parole d’envoi comporte une autre implication.

L’Esprit, un souffle intérieur pour la mission

Pour accomplir cette fonction missionnaire, les disciples ne sont pas laissés à leurs seules forces humaines : il souffle sur eux et leur donne l’Esprit Saint (v. 22). Le geste de Jésus évoque divers passages bibliques. À l'exemple de Dieu qui a insufflé son esprit de vie sur Adam (Gn 2,7; Sg 15,11), à l'instar de l'Esprit qui est descendu sur Jésus (Jn 1,33-34), le Christ ressuscité insuffle la puissance de l'Esprit sur les apôtres (Jn 14,26), puissance de salut que les disciples manifesteront désormais en communion avec Jésus (Jn 15,26-27; 17,17.19). Le Seigneur Jésus les crée donc à nouveau et leur confie la responsabilité de rendre Dieu présent dans le monde.

Jour de Pâques, jour de Pentecôte

Comme Jésus a confessé son Père par toute sa vie (Jn 5,41 ; 8,50 ; 12,49), ainsi les disciples auront à rendre témoignage au Seigneur (Jn 15,27 ; voir Mc 13,9). L’Esprit ramènera les disciples aux gestes et aux paroles de Jésus et leur en donnera l’intelligence (Jn 14,26). Ils iront annoncer l’évangile (Mc 16,15), faire des disciples de toutes les nations (Mt 28,19), porter partout leur témoignage (Ac 1,8). Ainsi, la mission de Jésus atteindra tous les êtres humains. Leur « envoi » et la communication de l’Esprit Saint sont donc intrinsèquement liés. Dans l’évangile johannique, la mission des disciples commence dès le jour de Pâques tandis que dans les Actes des apôtres, Luc situe le début de leur apostolat au jour de la Pentecôte (Ac 2,4) que le judaïsme considérait comme commémorant l’accomplissement de la Pâque et le don de l’Alliance. Quoi qu’il en soit, le don de l’Esprit est pour la communauté des disciples la condition indispensable pour prolonger la mission de Jésus dans le monde.

Missionnaires de la miséricorde

Au v. 23, Jésus ajoute : Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis. Ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus. Cette déclaration, qui a une grande ressemblance avec la parole de Jésus que Matthieu situe au cours de sa vie publique : Tout ce que vous lierez sur la terre sera lié au ciel, et tout ce que vous délierez sur la terre sera délié au ciel (Mt 18,18), signifie la totalité du pouvoir miséricordieux transmis par le Ressuscité aux disciples. L’Esprit les relie tellement étroitement au Ressuscité, que lorsqu'ils pardonnent aux hommes ou maintiennent leurs péchés, c'est Jésus lui-même qui à travers les siens exerce le ministère du pardon (14,12.20). Le salut divin atteint désormais tout homme à travers la médiation des disciples. Dans la communauté johannique, l’expression « remettre/retenir » veut dire que les disciples ont l’autorité de décider qui peut devenir ou rester un membre de la confrérie. 

La communication de l’Esprit Saint ne se limite pas à la génération des témoins à qui Jésus s’est montré. À l’instar de Jésus qui reçut l’Esprit à son baptême (Mt 3,13-17 et parallèles), par la suite, tous les individus qui adhèrent au christianisme reçoivent le don de l’Esprit lors de leur baptême. Tous les baptisés, quels que soient leur état de vie, leur genre et l’époque, ont une mission dans l’Église puisqu’il y a une « diversité de ministères » (1 Co 12,5) et une variété de charges pastorales (Ep 4,11). Ainsi, tous peuvent faire fructifier leurs dons ou talents selon les divers besoins.

Béatrice Bérubé a fait ses études à l’Université du Québec à Montréal où elle s’est spécialisée en études bibliques. Elle a obtenu son doctorat en 2014 et collabore au Feuillet biblique depuis 2015.

Source : Le Feuillet biblique, no 2577. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l’autorisation du Diocèse de Montréal.

Célébrer

Célébrer la Parole

Depuis l’automne 2017, le Feuillet biblique n’est disponible qu’en version électronique et est publié ici sous la rubrique Célébrer la Parole. Avant cette période, les archives donnent des extraits du feuillet publiés par le Centre biblique de Montréal.