Le Bon Pasteur. Mosaïque, première moitié du 5e siècle. Mausolée de Galla Placidia, Ravenne (Wikipedia).

Jésus, le bon Berger

Julienne CôtéJulienne Côté | 4e dimanche de Pâques (C) – 12 mai 2019

Jésus le prophète par excellence : Jean 10,27-30
Les lectures : Actes des apôtres 13,14.43-52 ; Psaume 99 (100) ; Apocalypse 7,9.14b-17
Les citations bibliques sont tirées de la Traduction liturgique officielle.

Le Bon Berger qui donne sa vie pour tous les humains est le Ressuscité qui guide et protège, sur un chemin d’espérance.

Le court extrait évangélique porte sur la mission du Bon Berger. Pour bien saisir la densité du message, il est bon d’aller en amont du texte, aux chapitres 7 à 10. Lors de la célébration de la fête des Tentes, vers la fin de septembre, Jésus prononce un discours où Il évoque sa doctrine. Alors qu’il enseigne aux foules dans les parvis du Temple, des gens croient en lui et se demandent s’Il est le Messie (7,27) ; d’autres, des Pharisiens, manifestent leur désaccord et le cherchent, pour l’arrêter (7,14-52). Plus tard, lors de la fête de la Dédicace, à la fin-décembre, où on commémorait la restauration et la nouvelle consécration du Temple, après la victoire de Judas Maccabée sur le roi Antiochus IV (164 avant J-C), Jésus dévoile qui Il est : Je suis. Cette affirmation renvoie au nom de Dieu : Moi, Je Suis (8,58), tel qu’il est mentionné dans le dialogue avec Moïse, au livre de l’Exode (3,13-14). La réaction est vive et entraîne l’hostilité de certains auditeurs juifs qui prennent la décision de faire périr le prophète (8,30.33.37.40.44; 8,50). Ces gens ne peuvent consentir que des étrangers puissent avoir une part au salut qu’ils considèrent réservé à Israël. Puis, Jésus se révèle à nouveau en guérissant l’aveugle-né (9,1-17) et, encore, beaucoup refusent de croire (9,18-34). Dans ce climat tendu, Jésus affirme qu’Il est le vrai berger (10,11.14), qu’il va se dessaisir de sa vie (10,10-18), et aller jusqu’à la croix pour rassembler ceux et celles qui écoutent sa voix.

La métaphore du Pasteur

Jésus se sert de cette figure du Bon Berger pour signifier sa personne et sa mission, ainsi que sa relation au Père. Dans le Premier Testament, cette métaphore n’est employée que pour parler de Dieu (Ézéchiel 34,11-24; Jérémie 7,9; 40,10-11; Psaume 22,1-4). Ici, Jésus l’utilise pour lui. Ses ennemis juifs qui le contestent osent une question provocante : Si tu es le Messie. dis-le nous ouvertement! (10,24). Jésus ne répond pas directement, mais Il évoque sa parole nourrissante pour la vie spirituelle (6,35), les actes prophétiques qu’il accomplit au nom de son Père et qui lui rendent témoignage (14,10-21). Il affirme : Mais vous ne croyez pas, parce que vous n’êtes pas de mes brebis (10,26).

Mes brebis écoutent ma voix; je les connais, et elles me suivent. Je leur donne la vie éternelle : jamais elles ne périront, personne ne les arrachera de ma main. Mon Père qui me les a données, est plus grand que tout, et personne ne peut rien arracher de la main du Père. Le Père et moi, nous sommes Un (10, 27-30).

Jésus insiste sur la relation de confiance qui l’unit à ses brebis : Personne ne les arrachera de ma main. Cet attachement et ce dévouement à l’égard des croyants rejoignent l’attitude de Dieu telle qu’elle est décrite au livre de la Sagesse : Les âmes des justes sont dans la main de Dieu (3,1; voir aussi Deutéronome 33,3; Jérémie 18,16; Qohélet 9,1; Isaïe 43,13). Le texte évangélique culmine dans cette ultime vérité que le Fils est à l’égal du Père, qu’il y a unité de pouvoir et d’action – affirmation considérée comme blasphématoire par les Juifs. Ceux qui écoutent sont introduits dans l’intimité du Père qui leur assure une protection absolue afin qu’ils ne périssent pas : Le Père et moi, nous sommes un (v. 30). À ces mots, les Juifs, dans un climat tendu d’opposition, apportèrent des pierres pour le lapider (10,31.39). Par la grâce de Jésus qui traversera la mort sur la croix, manifestant l’infinie miséricorde du Père, les chrétiens d’aujourd’hui, comme d’hier, sont appelés à partager cette communion du Père et du Fils, à être des signes visibles de la présence invisible et agissante de l’unique Berger.

Pour les disciples, la vie éternelle, c’est être dans la main de Dieu

Tourné vers le Père qui l’envoie, Jésus est soucieux de ses brebis, appelées à vivre en plénitude la vie éternelle dont Il les comble. Il les connaît, elles écoutent sa voix et le suivent. Connaître, c’est entrer en relations personnelles, existentielles avec l’autre. Écouter, c’est accueillir en sa vie les paroles de Dieu (8,47), c’est accueillir autrui, lui offrir un signe d’attachement authentique, une communion intime, une attention bienveillante, un accompagnement fraternel dans une gratuité totale. On « fait route avec » le prochain, comme l’a fait le Ressuscité avec les disciples d’Emmaüs (Luc 24,9-35). Mes brebis... me suivent, elles sont don du Père (10,29) et s’abreuvent à la Source d’eau vive, se nourrissent de la Parole du Maître qui transforme leur vie. Elles puisent leur force d’agir et leur dévouement au prochain dans l’amour inconditionnel du Fils et du Père agissant en elles. Leur espérance, aux heures d’aspérité qui traversent la vie, est dans la parole du Père et du Fils : Jamais elles ne périront, personne ne les arrachera de ma main (vv. 28-29).

L’Église missionnaire, sa dimension universelle
Actes 13, 14.43-52

Alors que la lecture évangélique s’adressait aux croyants de la communauté de Jean, vers l’an 95, Paul et Barnabé, lors de leur premier voyage missionnaire, vers l’an 46, communiquent avec des Juifs de la diaspora et des païens, à Antioche de Pisidie, dans le territoire de la Turquie actuelle.

Après sa conversion (9,1-19), Paul proclama, dans les synagogues de Damas, en Syrie, que Jésus est le Fils de Dieu. Il confondait les Juifs, qui, après un certain temps, se concertèrent pour le faire périr. L’apôtre partit alors pour Jérusalem, et plus tard, avec Barnabé, se rendit en Asie mineure. Là, à la synagogue, il est invité, comme Jésus le fut jadis (Luc 4,16-30), à s’adresser aux Juifs, et aux craignant-Dieu, ces non-juifs sympathisants du judaïsme, non circoncis. Paul ne leur parle pas de la loi de Moïse, mais les invite à donner leur foi au Christ Jésus et à lui rester fidèles. Le plan de Dieu, c’est d’annoncer l’Évangile, en premier aux descendants d’Abraham, puis ensuite aux païens, selon l’annonce du Serviteur de Yahvé : J’ai fait de toi la Lumière des nations pour que grâce à toi, le salut parvienne jusqu’aux extrémités de la terre (Isaïe 49,6). Au sabbat suivant, la foule se rendit nombreuse, mais les Juifs, jaloux et irrités, devant la conversion des Grecs, rejetaient les affirmations de Paul et Barnabé qui furent expulsés, en secouant leurs sandales (13,50-51; Luc 9,5; 10,11). Tel est le départ de l’évangélisation des autres nations, chez les populations non-juives, dont Paul et Barnabé sont bien conscients d’accomplir : C’est à vous d’abord qu’il fallait adresser la parole de Dieu. Puisque vous la rejetez et que vous-mêmes ne vous jugez pas dignes de la vie éternelle, eh bien! nous nous tournons vers les païens (13,46). La fécondité de la Parole que les premiers disciples expérimentent se poursuit, aujourd’hui, par les communautés chrétiennes, car le Seigneur veut que nous portions le salut jusqu’aux extrémités de la terre (13,47).

Une foule innombrable
Apocalypse 7, 9.14b-17

Cet extrait relate une vision apaisante où une grande liturgie se déroule au ciel. La foule innombrable, au caractère universel, est constituée des douze tribus d’Israël, de tous les peuples et nations de la terre, de races et de langues différentes. Cette foule est possiblement constituée des persécutés qui ont traversé la grande épreuve (v14), morts en martyrs pour leur foi, ou encore des nombreux élus qui célèbrent à la fois le Père et le Fils. Cette grande assemblée, dans un état de béatitude (v. 16), connaît le bonheur avec Dieu et l’Agneau-Pasteur, ce bonheur qui est à la fois une réalité vécue et une promesse, un présent et un futur, car l’Agneau les conduira vers la vie définitive : Et Dieu essuiera toute larme de leurs yeux (7,17; Isaïe 25,8).

Membre de la Congrégation de Notre-Dame, Julienne Côté a fait ses études supérieures en théologie et en études bibliques à l’Institut catholique de Paris. Elle a écrit pour la revue Vie liturgique de 1985 à 1990 et collabore au Feuillet biblique depuis 1987.

Source : Le Feuillet biblique, no 2619. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l’autorisation du Diocèse de Montréal.

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