Jean le Baptiste en prison. Manuscrit médiéval du 12e siècle provenant d’Alsace. British Library (MS 42497), Londres.

Le plus grand des hommes

Béatrice BérubéBenoît Lambert | 3e dimanche de l’Avent (A) – 15 décembre 2019

Question de Jean et réponse de Jésus : Matthieu 11, 2-11
Les lectures : Isaïe 35, 1-6a.10; Psaume 145 (146); Jacques 5, 7-10
Les citations bibliques sont tirées de la Traduction liturgique officielle.

Durant l’Avent, l’Église a pour objectif de préparer les cœurs à la célébration de Noël. Le Sauveur de l’humanité va naître. Le propre Fils du Père va adopter la condition humaine et assurer le salut des êtres humains. Jean Baptiste voulait aussi préparer Israël à la venue du Messie, l’envoyé de YHWH supposé délivrer le peuple élu de ses ennemis. La Bonne Nouvelle nous le montre en train de douter du bien-fondé de l’action qu’il a accomplie. Il envoie donc ses émissaires vers Jésus pour l’interroger.

Celui qui vient

Les Évangiles contiennent de nombreuses références à l’Ancien Testament. Dans la question posée par les envoyés du Baptiste, on trouve l’expression « Celui qui vient ». Elle désigne le Messie, le Sauveur d’Israël dans les psaumes et les prophètes (Dn 7,13-14 ; Za 9,9 ; Ps 118,26). Jean Baptiste partage la conception messianique des prophètes. Il est un envoyé de Dieu puissant qui interviendra par la puissance de son bras et qui jettera les puissants en bas de leur trône (Lc 1,51-52).

Le doute

Jean Baptiste est déconcerté devant l’action de Jésus : il ne délivre pas Israël de l’envahisseur romain, il ne corrige pas les injustices sociales en dépouillant les riches pour redonner aux pauvres. Pour y voir plus clair, Jean envoie donc ses disciples vers le Maître pour lui demander de bien s’identifier. Le plus grand des prophètes expérimente ce que plusieurs croyants et croyantes ont traversé : une nuit de la foi. Après la joie de la rencontre et des premiers moments avec Dieu, le silence survient dans la conscience. Dieu semble se taire. Le doute peut alors s’installer et les personnes peuvent se questionner.

La réponse de Jésus

Jésus va répondre à la question du Baptiste en allant puiser lui aussi dans l’Ancien Testament. Il citera les propos d’Isaïe qui ont été proclamés dans la première lecture. Dans ce texte, YHWH prouve sa toute-puissance en repoussant le mal physique. L’aveugle, le sourd, le boiteux et le lépreux vont être guéris lorsque YHWH va se lier de nouveau avec le peuple élu en les ramenant en terre promise après l’Exil à Babylone. Depuis qu’il a commencé son ministère, Jésus a aussi éliminé le mal physique en accomplissant tous les miracles mentionnés dans la prophétie d’Isaïe. Les émissaires ont donc ici un signe que Jésus est un envoyé de Dieu. Mais le Christ ajoute un autre signe absent des propos d’Isaïe : il annonce la Bonne Nouvelle aux pauvres. Ainsi, le Seigneur veut aussi faire reculer le mal spirituel.

L’évangélisateur des pauvres

En ajoutant qu’il est venu annoncer l’Évangile aux démunis, Jésus tente d’expliquer au Baptiste que sa conception messianique est dépassée. Désormais l’être humain ne s’appuiera plus, pour être sauvé, sur une Loi inscrite sur un support matériel. Avec Jésus, c’est l’Esprit de Dieu lui-même qui sauvera l’humanité. L’intermédiaire de la Loi mosaïque n’est plus nécessaire. Et Dieu, dans cette nouvelle dynamique spirituelle, ne veut pas agir avec force pour imposer sa volonté. Il désire plutôt inciter les pauvres à venir vers Lui. La douceur est maintenant la stratégie employée pour assurer le salut de gens qui ont souvent subi des contraintes non-choisies qui leur ont apporté humiliations et souffrances. Dieu ne veut pas rajouter d’autres contraintes. Désormais, Dieu respecte la liberté des personnes d’accepter sa grâce ou de la refuser. Jean Baptiste doit maintenant entrer dans cette nouvelle ère spirituelle que Jésus va inaugurer en mourant sur la croix et en ressuscitant.

Il faut aussi ajouter que Jésus donne un nouveau sens à la pauvreté. Il ne la réduit plus seulement à la pauvreté matérielle. Il arrive que des riches marchands ou des gouvernants ressentent une grande indigence intérieure. Ils ne trouvent plus goût à la vie malgré leurs richesses matérielles. Jésus souhaite aussi sauver ces personnes. Il inclura dans son cercle le plus intime, Matthieu, un riche percepteur d’impôts, un collaborateur de Rome méprisé par les membres de la société judéenne de l’époque.

Une nouvelle époque

Jésus affirme que le Baptiste est le plus grand des hommes, mais qu’il ne vaut pas la plus humble des personnes qui l’ont suivi. Jésus tente encore d’éclairer le Précurseur sur son messianisme. Toute personne qui, comme le Baptiste, reste sous l’emprise de la Loi mosaïque se ferme au salut. Dorénavant, les hommes et les femmes doivent entrer en relation avec le Christ et recevoir son Esprit pour entrer dans le Royaume éternel. De plus, le Christ promet une joie sans bornes aux gens qui l’accepteront comme Sauveur et Seigneur. « Bienheureux » réfère au sentiment de plénitude évoqué dans les Béatitudes. Le Baptiste doit donc se détacher de ses conceptions traditionnelles pour accueillir le salut de Dieu.

Un modèle

Jésus reconnaît l’importance du Précurseur bien qu’il soit un homme du passé, appartenant à la première alliance. Jésus donne les raisons de son immense valeur. D’abord, il était un homme de conviction qui n’a pas changé de croyances malgré les vents contraires de la persécution. Il avait la force d’âme évoquée par Jacques dans la deuxième lecture. Isolé dans sa cellule, désorienté, il trouve encore l’énergie d’envoyer des gens auprès du Christ. Un autre motif de sa valeur est sa totale dévotion à sa mission. Il n’a pas été intéressé par l’argent et le prestige comme les personnes qui habitent les palais. Dans sa prédication future, Jésus dénoncera ce travers présent chez les pharisiens, des hommes puissants réputés les plus pieux au sein des contemporains du Christ. Et Jésus en paiera le prix en étant condamné par les mêmes autorités et en mourant violemment comme le Baptiste.

Jésus conclut son exposé sur l’importance du Baptiste en le désignant comme le Précurseur. Le Seigneur adapte deux références de l’Ancien Testament (Ex 23,20 ; Mal 3,1) pour expliquer ce rôle. Cet Ange qui conduit le nouveau peuple élu vers Dieu serait Jean Baptiste. Il a préparé la venue de Jésus, le nouveau Messie qui va délivrer Israël et le monde entier du péché, cette résistance humaine qui empêchait le salut des enfants de Dieu.

Aujourd’hui

L’attente est parfois un moment difficile car on souffre de l’absence de l’objet de l’attente. Le doute, l’impatience peuvent naître et envahir complètement l’esprit des gens. Le Baptiste reste encore aujourd’hui un modèle de force intérieure capable d’inspirer ceux et celles qui désespèrent dans nos temps troublés. Durant cette période de l’Avent, tous les chrétiens et les chrétiennes sont invités à se préparer pour célébrer la naissance du Seigneur et retrouver dans cette fête de Noël l’espoir qui fait vivre.

Détenteur d’une maîtrise ès arts (théologie) de l’Université Laval, Benoît Lambert a rédigé des articles et des brochures pour plusieurs revues religieuses (Vie liturgique, Revue Notre-Dame-du-Cap). Il collabore au Feuillet biblique depuis 1995.

Source : Le Feuillet biblique, no 2642. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l’autorisation du Diocèse de Montréal.

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