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Vous êtes la lumière du monde

Julienne CôtéJulienne Côté | 5e dimanche du Temps ordinaire (A) – 9 février 2020

Le sel et la lumière : Matthieu 5, 13-16
Les lectures : Isaïe 58, 7-10 ; Psaume111 (112) ; 1 Corinthiens 2, 1-5
Les citations bibliques sont tirées de la Traduction liturgique officielle.

La communauté chrétienne qui accueille les malheureux et partage ses biens avec les démunis, reflète la présence de Dieu qui illumine leur vie.

En ce jour du Seigneur, la thématique de la lumière établit une unité entre les trois lectures, le psaume et l’acclamation. Les deux sentences choisies par Jésus constituent une déclaration sur la mission des disciples (Mt 5,13-16). Ayant reçu les enseignements de leur Maître, les disciples sont en « situation missionnaire ». Par leurs paroles et leurs œuvres, ils sont appelés à transfigurer la vie ecclésiale et la vie sociale.

Le sel est indispensable à la vie humaine (Siracide 39,28). Dans le monde ancien, les nomades l’utilisaient dans les repas d’alliance, on payait les soldats avec une ration de sel. Chez le peuple hébreu, on déposait du sel sur les offrandes offertes en sacrifice (Lévitique 2,13). Quant à Jésus, Il confie un ministère à ses disciples où ils devront éviter tout affadissement. Sans cesse, ils sont appelés à transfigurer la vie de ceux et celles qu’ils côtoient, à rayonner le bonheur de vivre en conformité avec l’enseignement et la vie de Jésus qui donnent saveur à leur apostolat.

La symbolique de la lumière est fréquente dans le Premier Testament et dans les synoptiques (Marc 4,21; 9,50; Luc 8,16.33; 14,34-35; Matthieu 5,14.16). Dans l’extrait évangélique de ce dimanche, à qui s’adresse le propos? Les versets précédents (5,1-12) fournissent la réponse : Heureux les pauvres de cœur, les doux, ceux qui pleurent, ceux qui ont faim, les miséricordieux, les cœurs purs, les artisans de paix, les persécutés. On constate que Jésus fait une affirmation : Vous êtes... Il emploie le temps présent et non le conditionnel. Les disciples qui vivent les béatitudes sont-ils lumière en raison de leurs vertus et des œuvres qu’ils accomplissent (6,1-8)? Ne serait-ce pas plutôt que ce rayonnement est en lien avec l’appel de Jésus invitant à marcher à sa suite, en lien avec cette promesse inconditionnelle qu’Il fait de les établir héritiers de Dieu et cohéritiers du Christ (Romains 8,17.29)? Ce qui est premier, c’est la tendresse du Père qui voit dans le secret, qui envoie son Fils, source de lumière, et l’Esprit. Celui-ci, à l’intime de l’être, recrée toute personne de bonne volonté lui permettant d’œuvrer sans relâche, dans la louange et le service, dans l’entraide et le partage. Les disciples sont définitivement « en situation missionnaire ». Toute parole réconfortante, tout service du prochain éveillera au Royaume de Dieu présent, reflétera le visage de Dieu, deviendra émetteur de lumière. « Là où il y a un regard, une présence d’amour, là est Dieu. »

La gloire du Seigneur t’accompagnera...

Le texte d’Isaïe remonte à la fin du 6e siècle av. J.-C., après l’exil à Babylone. Le peuple juif après la souffrance vécue à l’étranger, s’attendait à une restauration rapide. Hélas, ce ne fut pas le cas. Dans les faits, la communauté israélite était déchirée par des luttes sociales, des querelles de familles. C’est une société désillusionnée à laquelle le prophète s’adresse, une société constituée d’étrangers, de Juifs issus de la diaspora, de ceux restés au pays, de ceux revenus de la déportation. Isaïe fait des reproches sévères aux Juifs pieux quant à leurs querelles et à leurs brutalités, leur appât du gain et leurs comportements injustes, ne s’accompagnant pas de compassion pour le pauvre et le malheureux (58,4-5). Oui! le prophète livre une parole exigeante, un appel percutant où le symbole de la lumière rejoint le message de l’extrait évangélique. Il appelle à des actions concrètes de justice, indiquant par là en quoi consiste le jeûne authentique. Il convoque ses frères et sœurs à imiter Dieu, à laisser Dieu agir en eux, à laisser Dieu être présent à leur côté ; il les invite à être à l’image de Dieu : Partage ton pain avec celui qui a faim, recueille chez toi le malheureux sans abri... ne te dérobe pas à ton semblable (v. 7). Si tu fais disparaître de ton pays le joug, le geste de menace, la parole malfaisante, si tu donnes de bon cœur à celui qui a faim, si tu combles le désir du malheureux, ta lumière se lèvera dans les ténèbres... (v. 9). Ce rayonnement atteindra les nations avoisinantes (aussi Ézéchiel 18,5-9; Siracide 3,30 - 4,10; Matthieu 25,35-36).

Heureux l’homme qui craint le Seigneur...

Le psaume, pour une part, invite les croyants à louer Dieu pour le don de l’Alliance, pour l’envoi de son Fils, le Juste parfait. Arrêtons-nous à quelques mots. Heureux! le mot résonne comme une béatitude. André Chouraqui indique que la racine hébraïque de ce mot signifie « la marche, le pas de l’homme sur la route sans obstacle qui conduit vers le Seigneur ». Nous rencontrons la même démarche dans le Psaume 1 où est décrit les comportements positifs suivis des agissements négatifs. L’autre mot, c’est la crainte du Seigneur. Elle occupe une place importante dans le Premier Testament, plus développée que celle qui exprime l’amour (Psaume 2,11; 18,10; 33,12; Proverbes 2,5; 10,27; 14,26; 15,33; 23,17; Siracide 1,11; 2,7.23; 9,22; 23,27; 40,26.28; Baruch 5,4 ; etc.). Est-ce que la crainte évoque la peur? Bibliquement, non. Le terme renvoie au respect, à l’amour, à l’obéissance confiante à Dieu, pour tout ce qu’il accomplit pour ses créatures :

Heureux l’homme qui craint le Seigneur et qui aime ses commandements...
le cœur assuré, il compte sur le Seigneur : le cœur ferme, il ne craindra rien (vv. 1.7.8)

Ne rien connaître d’autre que le Christ crucifié

Paul, de Paulos « le petit, le peu de chose », missionnaire à Corinthe, explique comment il annonce le mystère de Dieu qui diffère totalement de la sagesse humaine (1 Co 2,1.4), laquelle veut convaincre avec brio, éloquence et puissance. C’est humblement, dans le dépouillement qui convient au mystère de la croix, dans la faiblesse, craintif et tout tremblant (v. 3) qu’il entretient les siens « du dessein bienveillant de Dieu », manifesté en Jésus, le Messie serviteur. Le Messie crucifié, centre du projet de Dieu et centre de sa foi! L’apôtre affirme : Parmi vous, je n’ai rien voulu connaître d’autre que Jésus Christ crucifié (v. 2). Et, c’est par la puissance de l’Esprit qu’il peut le proposer : mais c’est l’Esprit et sa puissance qui se manifestaient pour que votre foi ne repose pas sur la sagesse des hommes, mais sur la puissance de Dieu (v. 4).

Membre de la Congrégation de Notre-Dame, Julienne Côté a fait ses études supérieures en théologie et en études bibliques à l’Institut catholique de Paris. Elle a écrit pour la revue Vie liturgique de 1985 à 1990 et collabore au Feuillet biblique depuis 1987.

Source : Le Feuillet biblique, no 2650. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l’autorisation du Diocèse de Montréal.

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