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Rendez à Dieu ce qui est à Dieu

Julienne CôtéJulienne Côté | 29e dimanche du temps ordinaire (A) – 18 octobre 2020

L’impôt dû à César : Matthieu 22, 15-21
Les lectures : Isaïe 45, 1.4-6 ; Psaume 95 (96) ; 1 Thessaloniciens 1, 1-5
Les citations bibliques sont tirées de la Traduction liturgique officielle.

Au 6e avant Jésus-Christ, le roi Cyrus unifia différents clans pour former la nation perse, puis conquit le royaume des Mèdes ainsi que celui de Lydie, la grande puissance d’Asie mineure. Sa dernière conquête fut celle de Babylone en 539, où les Juifs avaient été déportés après la prise de Jérusalem et la destruction du Temple en 589. Ce roi d’une grande sagesse respectait la vie des vaincus ainsi que leurs convictions religieuses. Il mit fin à la déportation des Juifs à Babylone et permit leur retour en Israël, avec les biens qu’on leur avait volés. Ainsi parle Yahvé à son Oint, à Cyrus (Isaïe 45,1).

Dans l’extrait du prophète Isaïe, choisi pour ce dimanche (Isaïe 45,1.4-6), on découvre l’espoir qu’Isaïe veut insuffler à son peuple abattu et désespéré. Dieu reste fidèle à son Alliance : À cause de mon serviteur Jacob et d’Israël, mon élu, je t’ai appelé par ton nom… Je suis le Seigneur, Il n’y en a pas d’autre : en dehors de moi, il n’y a pas de Dieu (v. 3.5). Dieu est maître des événements. Dieu est le maître souverain de tous les hommes. Il prend à son service qui il veut, à l’intérieur du peuple élu ou à l’extérieur. Le roi Cyrus est dans sa main, et les victoires de ce roi païen qui libèrent les exilés, servent le projet de Dieu pour son peuple.

Nous rendons grâce à Dieu à cause de vous tous

L’activité apostolique de Paul est dense, il va d’une cité à une autre, bien au-delà de la Judée où il annonce le Christ avec ferveur et intensité [1]. Après sa conversion, l’apôtre séjourna à Damas où il reçut le baptême (Actes des Apôtres 9,18). Il commença à y prêcher (9,19-25). Étant trop exposé à la haine des Juifs, il partit pour l’Arabie et y séjourna quelques années de 34 à 37, comme l’indique l’Épitre aux Galates (1,15-23). De retour à Damas, iI poursuivit son ministère et fit face à un complot : on était sur le point de l’assassiner. Il monta à Jérusalem pour une visite (9,26-29), puis s’éloigna, car les Hellénistes, des juifs de langue grecque, machinaient sa perte (9,26). Désormais, il ira évangéliser les païens : Le Seigneur me dit alors : Va; c’est au loin, vers les païens, que moi, je veux t’envoyer (22,21). Il partit pour Tarse, sa ville natale (9,30). De 46 à 51, au cours d’un deuxième voyage, il évangélisa la Syrie et la Cilicie, se rendit à Philippe et en Thessalonie (15,41–16,15). À un moment, Barnabé vint chercher Paul à Tarse pour le conduire à Antioche de Pisidie – capitale de la Syrie – où il enseigna pendant un an (11,25 ; 13,14). Après une traversée de l’Asie Mineure, avec différents arrêts dans les communautés d’Iconium (14,1), de Lystres et de Derbé (14,6-20), ils se rendirent à Philippe (16,11-38) puis à Thessalonique (17,1-10). À la suite d’une vision d’un macédonien, il part avec Luc et Silas en Macédoine, au nord de la Grèce (16,10). Puis, il se rendra au concile de Jérusalem en l’an 51, ou 49 pour certains spécialistes. Pendant les dix-sept premières années d’évangélisation, l’apôtre Paul aura connu difficultés, persécutions, dangers qui ne l’auront jamais anéantis. Depuis sa conversion au Christ, il n’aura cessé de servir généreusement, avec passion, ferveur et tendresse Celui qui l’avait appelé et envoyé vers le monde païen.

Son passage à Thessalonique fut de courte durée, car des juifs lui causèrent des difficultés. De Philippe, il écrira à cette communauté naissante. La Lettre aux Thessaloniciens est la première lettre envoyée à cette communauté fondée avec des collègues ; c’est le premier écrit du Nouveau Testament, datant de l’an 50 ou 51, soit vingt ans après la mort du Seigneur Jésus. À ce moment, l’apôtre Paul, avec tendresse, salue cette jeune Église qui vit dans une ambiance de grâce et de paix. Ilse souvient de leur foi active, de leur charité qui se donne de la peine, de leur espérance qui tient bon (1 Thessaloniciens 1,1.3). La foi commande toute la vie chrétienne. Elle agit par la charité, comportant fatigues et labeurs, par l’espérance qui est constance, persévérance et fidélité. Le rassemblement de cette petite communauté de chrétiens qui est en Dieu le Père et en Jésus Christ le Seigneur repose sur l’amour gratuit de Dieu. Nous le savons… vous avez été choisis par lui … Notre annonce de l’Évangile a été puissance, action de l’Esprit Saint (1,4-5). Cette communauté si vivante, qui est en Dieu le Père et en Jésus Christ le Seigneur (1,1) réjouit l’apôtre qui fait éclater sa reconnaissance : À tout instant, nous rendons grâce à Dieu à cause de vous tous (1,2). Cette prière de l’apôtre Paul constitue, en ce début du 21e siècle, une invitation à recevoir tout de Dieu et à le remercier pour tout apostolat qui fait connaître l’agir de Dieu dans nos communautés ecclésiales.

À qui payer l’impôt?

À l’approche de la fête de Pâque, l’évangéliste Matthieu relate les discussions qui s’engagent entre Jésus et les différents groupes religieux, tels les Pharisiens, les Sadducéens, les Zélotes, les Hérodiens, les grands prêtres et les anciens. Tantôt, il est question de l’autorité de Jésus (Matthieu 21,23-27), tantôt de ceux qui font la volonté du Père (21,28-32), ou encore du plus grand commandement (22,34-46) et de la résurrection des morts (22,23-32). La lecture évangélique de ce dimanche présente l’exigence de l’impôt à payer à César (22,15-21).

 Au sujet du pouvoir qu’exerce l’autorité, qui sont-ils les opposants à Jésus? Les partisans d’Hérode, favorables aux Romains et aux impôts sont attentifs aux propos de ceux qui oseraient contester le pouvoir. Les Zélotes, eux, luttent activement pour chasser l’occupant et considèrent que payer l’impôt à l’empereur constitue un geste d’idolâtrie. Les Pharisiens, proches de la pensée des Zélotes, se méfient du pouvoir tout en s’y accommodant; ils refusent de s’engager activement; ils pensent qu’ils obtiendront l’indépendance de leur peuple par leur piété. Ils connaissent bien la Loi, s’efforcent d’en vivre, la diffusent à la synagogue. Leur influence sur le peuple, leur engagement et leur attitude de respect pour le grand prêtre conduit ce dernier à se soumettre à leurs décisions.

Rendez à Dieu ce qui est à Dieu

Les adversaires de Jésus, en ce jour, veulent prendre Jésus en défaut et estiment que Jésus ne pourra s’en sortir ; alors on le dénoncera aux autorités, à Tibère, le César du moment. Ils commencent donc une autre controverse par des compliments, par un hommage avant de tendre leur piège, avant de le surprendre en parole (v. 15). Puis, ils se permettent d’appeler Jésus, Maître (v. 26) tout comme Judas au jardin des Oliviers, alors que les vrais disciples ne s’adressent pas à Jésus de cette façon. Dans cette rencontre, il va être question d’impôts. On demande donc à Jésus : Dis-nous donc ton avis : Est-il permis ou non de payer l’impôt à César? (v. 16). Les interlocuteurs croient vraiment qu’ils vont enfermer Jésus dans un dilemme, l’obligeant à distinguer ce qui est permis de ce qui est défendu. Quelle position va-t-il choisir? La libération politique de son peuple ou l’asservissement à l’autorité d’un souverain étranger? À l’époque de César, l’empereur gérait les affaires de l’État, ainsi que le culte et les dogmes. Les rois se considèrent comme des puissances sacrées et revendiquent des attributs divins.

Dans sa réponse, Jésus ne donne pas de recette. Il invite tous les citoyens à être de bons citoyens et non des tricheurs : Rendez donc à César ce qui est à César (v. 21). Il ne prône ni un rejet de l’ordre établi, ni une résignation face à l’ordre impérial quand celui-ci décrète des lois injustes ou impose des décisions qui ne respectent pas la dignité humaine. Jésus poursuit : Rendez à Dieu ce qui est à Dieu (v. 21). Il distingue alors le temporel du spirituel et n’oppose pas les deux instances, mais les hiérarchise.

La question posée par les Pharisiens se réfère, en fait, à la mission de Jésus. Elle laisse apparaître une référence à la messianité de Jésus, au royaume qu’il annonce, un royaume de justice et de paix, au cœur d’un monde sécularisé. Par son enseignement, Jésus désacralise le pouvoir des rois. Dieu est le seul Seigneur. À l’époque, selon la doctrine juive, les rois doivent leur autorité à Dieu. Tout pouvoir humain, même païen, est dans les mains de Dieu, tel qu’illustré, ce dimanche, dans l’attitude de Cyrus (Isaïe 45,4-6a). À l’heure de sa Passion, Jésus dira à Ponce-Pilate : Tu n’aurais sur moi aucun pouvoir, s’il ne t’avait été donné d’en-haut (Jean 19,11). L’homme a été créé à l’image de Dieu et non à celle d’Hérode, de Néron ou de Pilate. Dieu est à l’origine de tout ce qui est et s’Il conduit toute chose à son achèvement, il en découle que toute décision concerne Dieu. Ce qui, chez Jésus, lui tient à cœur, c’est que tous les instants de la vie d’un croyant reviennent à Celui qui est la source de toute vie : Tout ce qui est au ciel et sur terre est à toi… Tout vient de toi et nous t’offrons ce que ta main nous a donné (1 Chroniques 29,11.14). Soyons empressés à rendre à Dieu ce qui lui revient, c’est-à-dire toute notre personne.

Membre de la Congrégation de Notre-Dame, Julienne Côté a fait ses études supérieures en théologie et en études bibliques à l’Institut catholique de Paris. Elle a écrit pour la revue Vie liturgique de 1985 à 1990 et collabore au Feuillet biblique depuis 1987.

[1] Les dates sont tirées de Michel A. Hubaut, Paul de Tarse, Paris, Desclée, 1999, p. 47.

Source : Le Feuillet biblique, no 2677. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l’autorisation du Diocèse de Montréal.

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