L’incrédulité de saint Thomas, Bernardo Strozzi, circa 1620. Huile sur toile, 89 x98,2 cm. Compton Verney Art Gallery (Wikipedia).

De la peur à la joie…

Lorraine Caza Lorraine Caza | 2e dimanche de Pâques (A) – 19 avril 2020

Jésus apparaît à ses disciples : Jean 20, 19-31
Les lectures : Actes 2, 42-47 ; Psaume 117 (118) ; 1 Pierre 1, 3-9
Les citations bibliques sont tirées de la Traduction liturgique officielle.

En ce dimanche-octave de Pâques, l’Église nous propose toujours un récit d’apparitions pascales. Pour cette année A, la liturgie nous place devant deux venues de Jésus-Ressuscité.

La paix soit avec vous!

Lors de la première apparition, située au soir du premier jour de la semaine, un des disciples, Thomas, est absent. On comprend facilement qu’après la crucifixion de Jésus, les disciples ont une grande peur des juifs, ce qui explique qu’ils ont verrouillé les portes du lieu où ils sont réunis. Étonnement, grande surprise : Jésus paraît au milieu d’eux. Est-ce pour calmer leur frayeur qu’Il leur dit : La paix soit avec vous! (Jean 20,19)? Est-ce pour les rassurer sur son identité qu’Il leur montre ses mains et son côté?

Toujours est-il que ce groupe d’hommes, jusque-là remplis de peur, éclatent de joie. Mais, au juste, qu’est-ce qui les a fait passer si rapidement de la crainte à la joie? Sans doute, la présence de Jésus-Ressuscité ; sans doute aussi son souhait de paix comme aussi son geste de montrer ses mains et son côté. La scène ne se termine pas là. Jésus répète son merveilleux souhait : La paix soit avec vous (v. 21) ; puis, il confie une mission à ses disciples : Comme mon Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie. Avant de poursuivre son énoncé de mission, Jésus pose un nouveau geste : Il répand son souffle sur les disciples. Recevez l’Esprit-Saint. Tout homme à qui vous remettrez ses péchés, ils lui seront remis; tout homme à qui vous maintiendrez ses péchés, ils lui seront maintenus (v. 23).

Être envoyé par le Maître Jésus, vainqueur de la mort, et s’entendre dire par ce Maître que son geste d’envoi se compare à celui que le Maître a reçu du Père. Plus encore, apprendre de Jésus lui-même, que l’incroyable pouvoir de remettre les péchés, la possibilité d’apporter le pardon de Dieu leur est octroyé. Qu’est-ce que ces disciples ont compris de ce qui leur a été annoncé; quels sentiments les ont habités? L’Évangile de ce dimanche pourrait se terminer avec l’octroi de cette indicible mission, mais il s’ouvre plutôt sur une seconde apparition du Ressuscité où, cette fois, Thomas, le disciple absent huit jours plus tôt, est présent. Sans doute, les témoins de la première rencontre l’ont informé de leur si étonnante expérience et Thomas s’est montré éminemment sceptique face à leur témoignage : ne se montraient-ils pas très naïfs? Prenaient-ils leurs désirs pour la réalité? Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt à l’endroit des clous, si je ne mets pas la main dans son côté, NON, je n’y croirai pas (v. 25).

La prévenance de Jésus

On est dans la même maison. Les portes sont toujours verrouillées afin de se protéger des juifs. Jésus surprend de nouveau les disciples en paraissant au milieu d’eux. Son message s’ouvre avec le même souhait : La paix soit avec vous! (v. 26). Puis Jésus s’adresse à Thomas : Avance ton doigt ici et vois mes mains; avance ta main et mets-la dans mon côté. Cesse d’être incrédule, sois croyant (v. 27).

N’y a-t-il pas quelque chose de très touchant dans cette initiative de Jésus à venir au Thomas incrédule et à lui offrir de poser les gestes qu’il réclamait de faire pour donner sa foi? Puis, ce Jésus présent, vivant, victorieux de la mort lui commandera clairement de croire : Cesse d’être incrédule ; sois croyant (v. 27). Très émouvante aussi, la réponse croyante de Thomas qui semble jaillir spontanément de son cœur : Mon Seigneur et mon Dieu (v. 28). Qu’est-ce qui a permis à Thomas de passer si rapidement de l’incroyance à la foi? Sans aucun doute, l’initiative conduisant Jésus à rencontrer l’attente de Thomas de mettre son doigt dans le trou de la main et sa main dans son côté. Il a vu. Et que dire de la parole si incisive de Jésus de cesser d’être incrédule et de croire.

La confession de foi de Thomas

Très beau dénouement de cette seconde apparition que cette ferme confession de foi de Thomas. Pourtant, cette confession de foi ne constitue pas la finale de l’événement. Thomas a cru parce qu’il avait vu, mais Jésus ajoute : Bienheureux ceux qui croient sans avoir vu (v. 29). Or, si quelqu’un croit sans avoir vu, c’est qu’il a fait confiance à un témoignage, qu’il a cru en la parole de quelqu’un. N’est-ce pas ce qui est demandé à chacun, chacune de nous? Nous accueillons le témoignage que les Écritures nous ont transmis sur la vie et l’enseignement de Jésus. Et ce n’est qu’avec la grâce de l’Esprit Saint que nous pouvons être ouverture, accueil à ce témoignage, à ces témoins. Que faisons-nous pour nourrir, pour cultiver cette confiance dans le témoignage qui a traversé les siècles?

À notre tour de vivre dans la foi

La liturgie d’aujourd’hui va encore plus loin. Elle nous dit : Surtout, n’allez pas penser que ce livre contient tous les signes que Jésus a donnés, mais n’oubliez jamais que ceux qui sont contenus dans ce livre vous sont offerts pour que vous croyiez que Jésus est le Messie, le Fils de Dieu et afin que, par votre foi, vous ayez la vie en son nom. En quoi la liturgie de ce dimanche nourrit-elle notre foi en ce Jésus qui sauve nos vies, qui est le Sauveur du monde, en ce Jésus qui est le Fils de Dieu? En quoi la liturgie de ce dimanche nourrit-elle en nous la vie en son Nom?

Dans ce texte évangélique, Jean nous a bien parlé de la foi, mais le Luc des Actes et le Pierre de la première lettre sont des témoins précieux : En première lecture (Actes 2,42-47), Luc nous rappelle que notre foi, comme celle des premiers disciples, a grand besoin d’être nourrie par les quatre fidélités : fidélité à l’enseignement des Apôtres, à la vie en communion fraternelle, au partage du pain, à la participation aux prières. Nos premiers frères et sœurs dans la foi rompaient le pain ensemble, dans l’allégresse et la simplicité, se souciaient de partager les biens selon les besoins de chacun, louaient Dieu.

Tout près de nous, en 2019, vient tout juste de paraître, chez Novalis, Demain l’Église. Lettres aux Catholiques qui veulent espérer. Brigitte Bédard y signe ces lignes qui renvoient à Actes 2,42-47 : « Le père Jean-Hubert Thieffry révèle ce qu’il appelle ‘l’ADN de tout chrétien et de toute communauté chrétienne’ la prière, la vie fraternelle, la formation, le service mutuel et l’évangélisation. » C’est ce même ADN qui, dit Thieffry, « est évoqué au Baptême de tout chrétien, au moment de la Chrismation quand il est appelé à être Prêtre (prière), Prophète (évangélisation et formation), et Roi, à la manière du Christ (fraternité et service) ».

En seconde lecture (1 Pierre 1,3-9), l’apôtre Pierre nous invite à considérer la Résurrection de Jésus comme ce qui nous permet de renaître en vue d’une vivante espérance et d’un héritage qui ne connaîtra ni destruction, ni souillure, ni vieillissement. Pierre voit un lien très fort entre cette espérance que nous ouvre notre foi en la Résurrection de Jésus, l’héritage qui nous est réservé dans les cieux et la joie dont nous tressaillons déjà malgré le temps d’épreuves. La fin de ce passage de la lettre de Pierre semble bien harmonisé avec l’évangile de ce jour. Pierre présente Jésus comme Celui que vous aimez sans l’avoir vu, en qui vous croyez sans le voir encore, et vous tressaillez d’une joie inexprimable qui vous transfigure, car vous allez obtenir votre salut, qui est l’aboutissement de votre foi. Vraiment, ces dernières lignes de Pierre rejoignent merveilleusement la conclusion de l’Évangile de Jean : Afin que, par votre foi, vous ayez la vie en son nom (Jean 20,31).

Membre de la Congrégation de Notre-Dame, Lorraine Caza est bibliste et professeure honoraire du Collège dominicain de philosophie et de théologie (Ottawa).

Source : Le Feuillet biblique, no 2660. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l’autorisation du Diocèse de Montréal.

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