Dieu le Père et l’Esprit. Giovanni Francesco da Rimini, circa 1460. Tempera et or sur panneau. Diamètre : 46,3 cm. Brooklyn Museum, New York (Wikimedia).

La promesse du Paraclet

Béatrice BérubéBéatrice Bérubé | 6e dimanche de Pâques (A) – 17 mai 2020

Le Paraclet : Jean 14, 15-21
Les lectures : Actes 8, 5-8.14-17 ; Psaume 65 (66) ; 1 Pierre 3, 15-18
Les citations bibliques sont tirées de la Traduction liturgique officielle.

Dans le texte d’évangile de ce dimanche, Jésus promet un autre Paraclet à ses disciples, promesse caractérisée par la venue nouvelle de Jésus aux siens. Cette arrivée et son effet – l’inhabitation mutuelle du Fils et du disciple et l’expérience de l’amour dont le disciple sera aimé par le Père – sont les traits dominants de cet écrit. La péricope se compose donc de deux scènes : la venue prochaine de Jésus/Paraclet, puis le retour et la manifestation de Jésus à ses disciples.

La venue de Jésus/Paraclet (vv. 15-17)

Au v. 15, Jésus déclare : Si vous m’aimez, vous obéirez à mes commandements déclaration qui revient au v. 21, puis au v. 23 en ces termes : Si quelqu’un m’aime, il observera ma parole. Ce donné textuel invite à identifier « obéir à mes commandements » avec « observer ma parole ». Les expressions « m’aimer » et « garder mes commandements/ma parole », fréquentes dans l’Ancien Testament, sont toujours en relation mutuelle de sorte que l’une reflète l’autre, quel que soit l’ordre. Ces deux formules se retrouvent jumelées dans le Deutéronome (5,10; 6,5-6; 10,12-13; 11,13.22).

Garder la Parole de Jésus

L’énoncé « garder ma parole » a un grand relief dans l’enseignement de Jésus : Si quelqu’un garde ma parole, il ne verra jamais la mort (Jean 8,51). Garder cette parole, c’est demeurer fidèle dans la foi en accomplissant toutes les exigences qu’une telle foi demande et croire en celui qui est la vérité et la vie (Jn 6,29), c’est-à-dire l’envoyé de Dieu. En quoi consistent les commandements de Jésus que le disciple aimant doit garder? Il pourrait s’agir, soit du Décalogue puisque Jésus fait siens les commandements de Dieu, tout comme « sa » parole est celle qu’il a entendue du Père (Jn 8,26), soit, plus précisément, du commandement de l’amour fraternel énoncé lors de son dernier repas avec ses apôtres (Jn 13,34-35) et dans le discours d’adieu (Jn 15,12-13). À ceux qui aiment Jésus et qui gardent ses commandements/sa parole, Jésus annonce qu’il interviendra auprès du Père afin qu’il leur donne un autre Paraclet qui restera avec eux pour toujours (Jn 14,16).

L’autre Paraclet

Le terme grec paráclētos, traduit par « Paraclet », « Défenseur », désigne en grec tout homme qui est appelé auprès d’un accusé pour l’aider et le défendre. Dans un autre écrit johannique, le vocable paráclēton désigne Jésus d’intercesseur céleste (1 Jn 2,1); d’où le sens de consolateur ou d’intercesseur. Mais le sens premier du mot paráclētos est avocat, auxiliaire, défenseur. S’il est dit « autre » (v. 16b), c’est par rapport à quelqu’un qui porte le même titre, manifestement Jésus qui a fait connaître Dieu comme un Père amour et miséricordieux contrairement au Dieu vengeur et punitif de l’Ancien Testament. Quel est ce Paraclet dont aucun autre évangéliste ne parle? Il est l’« Esprit de vérité » (v. 17a), tournure propre aux écrits johanniques (Jn 15,26; 16,13; 1 Jn 4,6; 5,6) pour désigner l’Esprit de Dieu/Jésus.

Ce terme caractérise le rôle d’assistant que l’Esprit Saint exercera auprès des disciples après le départ de Jésus auprès de son Père. Ce rôle d’assistant et de protecteur était celui que Jésus s’attribuait vis-à-vis de ses apôtres (Jn 10,11-12; 17,12) et où il lui faut être remplacé par un autre, l’Esprit de vérité. Envoyé par le Père sur l’intervention de Jésus, le Paraclet est donné aux apôtres sans limitation de temps. L’Esprit aidera les disciples à progresser dans la connaissance (Jn 16,13), à glorifier Jésus (Jn 16,14), à lui rendre témoignage (Jn 15,27) et à continuer sa mission : les disciples devront, comme Jésus, accomplir la volonté du Père, c’est-à-dire son dessein de salut à l’égard des êtres humains. La figure de l’« Esprit de vérité » est à son tour précisée par le contraste dans l’accueil à son égard entre les incrédules, le « monde » (v. 17b), et les croyants : ceux qui refusent de croire au Fils sont incapables de recevoir l’Esprit, tandis que, grâce à leur foi et à leur amour pour Jésus, l’Esprit demeurera auprès des disciples et sera en eux (v. 17d).

Le retour de Jésus et sa manifestation (vv. 18-21)

Dans ce deuxième volet, Jésus reprend la parole à son propre sujet. Il affirme : Je ne vous laisserai pas orphelins (v. 18a). Par ces mots, Jésus évoque sa mort et, en même temps, il informe ses apôtres qu’ils ne resteront pas seuls puisqu’il reviendra vers eux (v. 18b). Ici, il ne s’agit pas du retour de Jésus tel que conçu en Jean 14,1-3, mais d’une présence spirituelle. Puis, il continue son discours et leur déclare : Vous verrez que je vis et vous vivrez (v. 19b), déclaration qui fait allusion aux apparitions pascales (voir 20,19.24). Ayant traversé la mort, Jésus ressuscité se montrera aux apôtres qui le reconnaîtront, qui, par leur foi, pourront expérimenter sa présence et partager sa vie nouvelle. Les paroles   Vous connaîtrez que je suis en mon Père et vous en moi et moi en vous (v. 20) signifient que les disciples pourront découvrir la réalité de la relation qui unit Jésus, comme Fils, à son Père et de la relation qui les unit à Jésus et au Père. Rapport si étroit que la foi ne peut se limiter au Fils; en l’atteignant, elle atteint aussi le Père, car le Père est en lui et lui dans le Père et qui le voit, voit le Père (14,9); qui vient au Fils vient au Père dont il est la vivante révélation (1,18; 3,16; 13,20; 17,6); qui croit en lui, ce n’est pas en lui qu’il croit, mais en celui qui l’a envoyé (12,44). Ainsi, les liens entre Jésus et les disciples seront analogues à ceux qui unissent Jésus au Père (6,57; 10,14-15; 15,9; etc.). Enfin, il leur dit : Celui qui retient mes commandements et leur obéit, c’est celui-là qui m’aime; et celui qui m’aime sera aimé de mon Père et moi aussi je l’aimerai (v. 21). La rencontre avec Jésus ressuscité est promise à tout être qui l’aime. Le Père entre en dialogue d’amour avec le disciple qui, par la foi, est devenu un avec le Fils.

Qu’en est-il pour le croyant d’aujourd’hui?

Dans cet exposé, Jésus a manifesté aux apôtres que son départ leur ouvrait l’accès au Père, l’Esprit de vérité, et leur a annoncé qu’une union avec lui-même allait transformer leur existence. Par deux fois, il a présenté sa venue aux disciples (14,3.18). Qu’est-ce que ce discours laisse entendre au croyant du 21e siècle? Rappelons-nous les rôles de l’Esprit auprès des apôtres : il devait les aider à progresser dans la connaissance, à glorifier Jésus, à lui rendre témoignage (15,27) et à continuer sa mission. Le disciple d’aujourd’hui n’est plus simplement celui qui suit (voir Mt 5,18-22) le Christ. Pour le décrire, Jésus a projeté en lui des traits de son existence propre : comme le Fils, le croyant, quelle que soit l’époque, est orienté vers le Père et il garde les paroles reçues (voir Mt 28,20a), exprimant ainsi son amour. Comme au Fils (Jn 1,32), l’Esprit Saint lui est donné de manière permanente (voir Mt 28,20b) pour exercer une mission, apostolat qui, d’après Paul, est accompli selon le charisme reçu (voir 1 Corinthiens 12,4-11). À ne pas oublier aussi, qu’à l’instar des apôtres, tout  croyant peut voir Jésus ressuscité parce qu’il est vivant en lui et que Jésus vit en lui. Et c’est précisément lorsque le croyant vit sa foi que l’amour de Dieu (Jn 16,27; 17,23) manifesté en Jésus (Jn 3,16) le rencontre.

Béatrice Bérubé a fait ses études à l’Université du Québec à Montréal où elle s’est spécialisée en études bibliques. Elle a obtenu son doctorat en 2014 et collabore au Feuillet biblique depuis 2015.

Source : Le Feuillet biblique, no 2664. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l’autorisation du Diocèse de Montréal.

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