(Lucas Clara / Unsplash)

Le dimanche des « sommets » !

Patrice Bergeron Patrice Bergeron | dimanche de la sainte trinité (A) – 7 juin 2020

Le fils médiateur : Jean 3, 16-18
Textes : Exode 34,4b-6.8-9 ; Daniel 3,52-56 ; 2 Corinthiens 13,11-13
Les citations bibliques sont tirées de la Traduction liturgique officielle.

Vous aimez les randonnées en montagne ? Certains de nos magnifiques parcs nationaux nous proposent des sentiers de crêtes montagneuses, nous faisant passer de sommet en sommet. Marchant d’une élévation à une autre, nous sont offerts des perspectives différentes, des paysages à couper le souffle ! Eh bien, les textes bibliques de ce dimanche de la sainte Trinité nous font gravir de ces hauteurs et les paysages qu’ils nous font contempler sont à « donner du souffle » ! En ce dimanche, nous atteignons deux sommets de révélations sur le mystère de Dieu !

Le sommet du Premier Testament

Un premier sommet, où nous montons avec Moïse sur le Sinaï (première lecture), nous fait voir ce qui constitue peut-être la quintessence de ce que nous apprendra le Premier (Ancien) Testament sur Dieu, car c’est Dieu lui-même qui nous dit son nom !

Mais situons d’abord l’extrait dans son contexte au livre de l’Exode. Après la sortie d’Égypte, Moïse avait reçu le don de la Loi, inscrite sur des tables de pierre, sur la montagne de Dieu. Proposant au peuple d’entrer en alliance avec son Dieu sur la base de ces paroles, celui-ci accepta (Ex 24,1-11). Peu de temps après, pourtant, le peuple rompt cette alliance en suivant d’autres dieux, faits de main d’hommes : c’est l’épisode bien connu du veau d’or (Ex 32). La rupture d’alliance avec Dieu provoquera éloquemment la rupture des tables de pierre gravées des paroles de Dieu (Ex 32,19). Après que Moïse eut intercédé auprès de Dieu pour que la faute idolâtre de « ce peuple à la nuque raide » lui soit pardonnée, Dieu permet à Moïse de remonter sur le Sinaï pour recevoir de lui de nouvelles tables gravées des mêmes paroles d’alliance de Dieu. C’est là où nous en sommes dans l’extrait de ce dimanche, sur la montagne où Moïse, qui avait exprimé à Dieu son désir de voir sa face (Ex 33,18) fait une expérience tout à fait unique. Dieu « passe » et lui révèle son nom !

Nul ne peut voir Dieu et vivre (Ex 33,20). Dieu, pour se révéler à Moïse, ne pouvait accéder à sa demande de lui faire connaître sa face. Toutefois, il pouvait lui révéler son nom. Or, le nom dans la Bible « dit » la nature et la vocation d’une personne. Portons donc attention à ce nom ! Ce nom, déjà dévoilé à Moïse au buisson ardent est repris mais déployé en un florilège évocateur.

Le nom de Dieu, c’est d’abord le tétragramme divin [1] que plus personne ne sait vraiment comment prononcer à force que, par respect pour Dieu, on ne le prononce plus dans les synagogues depuis des millénaires. Un juif qui lit les Écritures, quand il tombe sur le nom de Dieu, prononce simplement « Adonaï », c’est-à-dire « Seigneur », ce qui est rendu, en majuscule, par la traduction liturgique. On observe toutefois que ce tétragramme contient la racine du verbe être en hébreu. Dieu est l’Être par excellence, l’Être non « causé », non « devenu », l’Être en soi.

Mais loin d’être le dieu des philosophes grecs, impassible et inatteignable, ce Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob se dévoile attentif aux cris de souffrance de son peuple et libérateur, voici que nous en apprenons les raisons.

« LE SEIGNEUR, LE SEIGNEUR,
Dieu tendre et miséricordieux,
lent à la colère, plein d’amour et de vérité. »

Ce Dieu se révèle avoir des entrailles de mère [2] pour aimer tendrement, pardonner, abonder en bonté et en fidélité. Un Dieu au cœur de mère qui nous aime viscéralement : cela l’humanité n’aurait jamais pu le découvrir si Dieu lui-même n’avait pas pris l’initiative de le lui révéler. Voilà un premier sommet de révélation.

Le sommet des sommets

L’évangile de ce dimanche ne nous emmène pas sur une montagne, mais il ne nous entraîne pas moins sur un autre sommet, encore plus élevé et vertigineux ! Trois courts versets mais combien théologiquement chargés !

Rappelons le contexte : initialement une rencontre nocturne entre Nicodème et Jésus donne lieu à une conversation entre les deux protagonistes. Mais, comme c’est souvent le cas dans l’évangile de Jean, l’interlocuteur de Jésus a tôt fait de disparaître au profit d’un discours de révélation. Nous en sommes ici, au milieu de ce qui est devenu un soliloque de Jésus aux accents théologiques récurrents et reconnaissables de l’évangile de Jean : l’origine divine de Jésus, son incarnation, la vie éternelle qui consiste à croire en lui comme Fils unique de Dieu et le jugement qui s’exerce, dès maintenant, par l’accueil ou le rejet du Fils.

Car Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais obtienne la vie éternelle. (Jn 3,16)

Ce verset puissant, à lui seul, résume l’entièreté du mystère du salut accompli en Jésus Christ. C’est bien la raison pour laquelle il est si prisé de nos frères et sœurs des églises protestantes et évangéliques qui l’apprennent par cœur et en saupoudrent abondamment – et avec raison – leur témoignage.

Si un Dieu, pris aux entrailles, avait autrefois vu la misère d’un peuple, tendu l’oreille à ses gémissements, suscité un Moïse, fendu des eaux tumultueuses pour sauver Israël d’un esclavage temporaire, révélant ainsi son amour, le même Dieu tendre et miséricordieux pouvait-il laisser le reste de l’humanité en proie à une autre servitude, celle du mal et de la mort ? Ne fallait-il qu’il ouvre encore un passage, plus vaste, vers une vie plus abondante, la vie éternelle ? Ce qu’il fait par le don de son Fils, manifestant ainsi de façon parfaite son amour.

Que Dieu nous aime à tel point de venir lui-même en notre monde, dans la personne de son Fils, endossant la condition humaine dans toute sa fragilité, venant y souffrir et y mourir pour que nous ayons la vie en plénitude, cela non plus, l’humanité n’aurait jamais pu le découvrir si Dieu lui-même n’avait pas pris l’initiative de le lui révéler. Voilà le sommet des sommets vers lequel l’humanité entière est conviée. Un sommet de révélation, un paysage extraordinaire à « donner du souffle » !

Détenteur d’une licence en Écritures Saintes auprès de l’Institut biblique pontifical de Rome, Patrice Bergeron est un prêtre du diocèse de Montréal, curé de paroisses. Il collabore au Feuillet biblique depuis 2006.

[1] Nom composé de quatre consonnes non vocalisées יהוה qu’on rend habituellement en français par YAHVÉ.
[2] En effet, le mot hébreu qui est traduit ici par le mot « tendre » est formé de la même racine que le substantif hébreu « entrailles », « matrice ».

Source : Le Feuillet biblique, no 2667. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l’autorisation du Diocèse de Montréal.

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