Le baptême du Christ (détails). Joachim Patinir, entre 1510 et 1515. Huile sur toile, 59,7 x 76,3 cm. Musée d’Histoire de l’art de Vienne (Wikimedia).

Les cieux sont déchirés, l’Esprit peut passer

Jean-Chrysostome ZoloshiYvan Mathieu | Baptême du Seigneur (B) – 10 janvier 2021

Le baptême de Jésus : Marc 1, 7-11
Les lectures : Isaïe 55, 1-11 ; Isaïe 12 ; 1 Jean 5, 1-9
Les citations bibliques sont tirées de la Traduction liturgique officielle.

La fête du baptême du Seigneur marque à la fois la fin du temps de Noël et le début du temps « ordinaire », le temps de l’Église, le temps de la fidélité au quotidien. En venant vers Jean pour se faire baptiser dans le Jourdain, Jésus met un terme à sa vie cachée à Nazareth et entre dans son ministère public. Nous sommes invités à le suivre dans cette transition pour entrer à notre tour dans notre mission de baptisés, dans notre vie de disciples missionnaires.

Le baptême de Jean

Pour bien comprendre le geste que pose Jésus dans l’Évangile d’aujourd’hui, il importe de revenir un peu en arrière pour saisir le sens du baptême administré par Jean. Il est écrit dans Isaïe, le prophète : « Voici que j’envoie mon messager en avant de toi, pour ouvrir ton chemin.Voix de celui qui crie dans le désert : Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers ».Alors Jean, celui qui baptisait, parut dans le désert. Il proclamait un baptême de conversion pour le pardon des péchés (Mc 1,2-4). Contrairement à notre baptême chrétien, le baptême de Jean ne confère pas le pardon des péchés, mais il y prépare par la conversion. C’est ce qu’indique la traduction de la TOB : Jean le Baptiste parut dans le désert, proclamant un baptême de conversion en vue du pardon des péchés (1,4).

Une réponse enthousiaste

L’appel à la conversion et au baptême signifiant le désir d’être pardonné par Dieu a été entendu de manière étonnante. Toute la Judée, tous les habitants de Jérusalem se rendaient auprès de lui, et ils étaient baptisés par lui dans le Jourdain, en reconnaissant publiquement leurs péchés (1,5). La ville devient déserte et le désert devient ville. Tous veulent être prêts pour la venue du Règne de Dieu que l’on sent imminente. Jean proclame : « Voici venir derrière moi celui qui est plus fort que moi ; je ne suis pas digne de m’abaisser pour défaire la courroie de ses sandales. Moi, je vous ai baptisés avec de l’eau ; lui vous baptisera dans l’Esprit Saint » (1,7-8).

Jésus a-t-il besoin de conversion ?

En tant que chrétiens, nous savons que celui qui vient derrière Jean est Jésus. Nous ne sommes donc pas surpris qu’en ces jours-là, Jésus vint de Nazareth, ville de Galilée (1,9a) pour venir trouver Jean. Ce qui surprend grandement par contre est qu’il fut baptisé par Jean dans le Jourdain (1,9b). Jésus avait-t-il donc besoin de se convertir en vue d’être pardonné? Certainement pas. Il est celui qui n’a pas connu le péché (2 Corinthiens 5,21), nous dit saint Paul. Et l’épître aux Hébreux de renchérir : En Jésus, le Fils de Dieu, nous avons le grand prêtre par excellence […]. En effet, nous n’avons pas un grand prêtre incapable de compatir à nos faiblesses, mais un grand prêtre éprouvé en toutes choses, à notre ressemblance, excepté le péché (He 4,14-15). Il n’y a pas de péché en lui (1 Jn 3,5).

Une solidarité qui mène au salut

Mais alors, pourquoi donc Jésus, qui n’avait pas besoin de conversion, est-il venu se faire baptiser par Jean? Rappelons d’abord le sens du mot « baptême ». Il s’agit d’un plongeon, d’une immersion dans l’eau. Or, chose étrange, celles et ceux qui viennent vers Jean ne semblent pas sortir de l’eau! Ils étaient baptisés par lui dans le Jourdain, en reconnaissant publiquement leurs péchés (Mc 1,5). Mais rien n’indique qu’ils remontent du Jourdain. Tel n’est pas le cas avec Jésus : il fut baptisé par Jean dans le Jourdain. Et aussitôt, en remontant de l’eau, il vit les cieux se déchirer (1,9-10a). Les seules choses que pouvait accomplir le baptême de Jean étaient la conversion et le repentir. Parce que Jésus se fait solidaire des hommes et des femmes qui reconnaissent leur besoin de salut en se faisant baptiser par Jean, le pardon devient possible. Jésus remonte des eaux et entraîne avec lui celles et ceux qui se convertissent dans l’espoir d’être pardonnés.

Voici que je contemple les cieux ouverts

N’est-ce pas ce salut devenu possible par la solidarité de Jésus que signifient les deux premiers signes qui accompagnent le baptême de Jésus? Et aussitôt, en remontant de l’eau, il vit les cieux se déchirer et l’Esprit descendre sur lui comme une colombe (1,10). C’était là une réponse de Dieu à un cri, une prière lancée par un prophète plusieurs siècles auparavant : Ah ! Si tu déchirais les cieux, si tu descendais (Isaïe 63,19)! À ces deux signes visibles s’ajoute un signe audible. Il y eut une voix venant des cieux : “Tu es mon Fils bien-aimé ; en toi, je trouve ma joie” (Mc 1,11). Au moment où Jésus entre dans sa mission, le Père lui confirme son identité. Et la joie du Père se communique à nous qui, avec Jésus, entendons cette parole venue des cieux.

Lui vous baptisera dans l’Esprit Saint

En nous montrant Jésus venir vers Jean, se faire baptiser, puis remonter des eaux, l’évangéliste Marc atteste qu’il est bel et bien celui qui vient derrière Jean Baptiste, celui qui est plus fort que Jean. Jean ne pouvait que conduire ses auditeurs à la conversion et à la confession publique de leurs péchés. Jésus, lui, les entraîne à sa suite hors de l’eau pour les baptiser, les plonger dans l’Esprit Saint. Nous avons été plongés dans ce baptême d’Esprit Saint en recevant le baptême chrétien. Nous acceptons bien le témoignage des hommes ; or, le témoignage de Dieu a plus de valeur, puisque le témoignage de Dieu, c’est celui qu’il rend à son Fils (1 Jean 5,9). Or, depuis le jour de notre baptême, nous ne cessons d’accueillir le témoignage du Père à l’endroit de son Fils Jésus. Nous reconnaissons en lui le bien-aimé du Père. Nous trouvons notre joie profonde lorsque nous marchons sur ses pas.

Marcher sur les traces du Christ

Jésus est la Parole vivante de Dieu. En sa personne se réalise la promesse de Dieu prophétisée par Isaïe dans la première lecture. La pluie et la neige qui descendent des cieux n’y retournent pas sans avoir abreuvé la terre, sans l’avoir fécondée et l’avoir fait germer, donnant la semence au semeur et le pain à celui qui doit manger ; ainsi ma parole, qui sort de ma bouche, ne me reviendra pas sans résultat, sans avoir fait ce qui me plaît, sans avoir accompli sa mission (Is 55,10-11). Par son incarnation, sa naissance et son baptême, le Fils de Dieu est descendu des cieux. Par sa passion, sa mort et sa résurrection, il est remonté aux cieux. Et il nous entraîne dans ce mouvement de descente et de montée.

Proclamer l’Évangile par toute notre vie

Comme Jésus, nous pouvons nous faire solidaires de nos frères et sœurs. Nous pouvons les inviter au repentir et à la conversion pour recevoir le pardon accordé par Dieu en son Fils. Pour que cela soit possible, il importe que la joie du Père, qui resplendit sur le visage de Jésus, transfigure nos propres visages. Nous pourrons alors être fidèles à l’Esprit reçu au baptême. Nous serons de véritables disciples missionnaires. Laissons le cantique d’Isaïe nous inspirer. Exultant de joie, vous puiserez les eaux aux sources du salut. Ce jour-là, vous direz : “Rendez grâce au Seigneur, proclamez son nom, annoncez parmi les peuples ses hauts faits !” Redites-le : “Sublime est son nom !” (Is 12,3-4).

Père mariste, Yvan Mathieu est professeur à l’Université Saint-Paul (Ottawa).

Source : Le Feuillet biblique, no 2691. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l’autorisation du Diocèse de Montréal.

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