Siméon et l’enfant Jésus au Temple. Benjamin West, circa 1796. Huile sur toile, 122 x 90 cm. Flint Institute of Arts, Flint (WikiArt).

Paroles d’expérience, fruits d’alliance

Alain FaucherAlain Faucher | la Sainte famille (B) – 27 décembre 2020

Jésus est présenté au Seigneur dans le Temple : Luc 2, 22-40
Les lectures : Genèse 15, 1-6 ; 21, 1-3 ; Psaume 104 (105) ; Hébreux 11, 8.11-12.17-19
Les citations bibliques sont tirées de la Traduction liturgique officielle.

Deux grands personnages bibliques, Abraham et Sara, retiennent notre attention dans les deux premières lectures. D’autres figures vénérables entrent en scène dans l’évangile. Deux croyants d’expérience, Syméon et Anne, y proposent un portrait vigoureux du destin de Jésus. Dieu est intervenu dans l’histoire humaine. Le temps de la réponse décisive à son projet d’alliance est arrivé avec Jésus, le dernier mot de Dieu. La double bénédiction prononcée sur l’enfant dans l’évangile par Syméon et Anne nous invite à trancher dans le vif du débat actuel au sujet de Jésus. Et le choix à vivre, à notre tour, est aussi douloureux qu’une épée qui transperce, selon l’image forte véhiculée par Syméon. Prolongeons à notre époque l’implication quotidienne des personnes engagées de l’évangile. Relisons notre vécu familial pour y détecter les traces permanentes du passage de Dieu. Car nos familles peuvent croiser les chemins de la sainteté. Difficile à croire en certains moments de pandémie… et pourtant vérifiable dans la vie de tant et tant de maisonnées!

Genèse 15, 1-6 ; 21, 1-3

  • La première lecture amalgame deux épisodes du livre de la Genèse. Ils sont séparés par six chapitres dans le récit complet. Malgré la fluidité apparente de ce texte biblique simplifié, Abraham et Sara ne l’ont pas eu facile avant de connaître les joies de l’engendrement… L’héritier naît après un lent cheminement d’Abraham et de Sara.
  • Étonnement et malaise pour nous : Abraham négocie le rendement de l’alliance offerte par Dieu. Cela nous indispose, car pour nous le rendement de la foi ne se calcule pas. L’attitude d’Abraham reflète la nature des alliances du temps, qui sont des offres réfléchies de donnant-donnant. Quand Dieu utilise ce véhicule pour exprimer ses générosités, la transaction est habituellement plus que favorable pour le bénéficiaire humain. Ici, Dieu offre une descendance innombrable à un couple déjà très marqué par son grand âge.
  • La porte est ainsi ouverte sur des questions importantes. Par exemple : quelle est la qualité de notre engagement dans l’alliance? Et que se passe-t-il lorsque nous rencontrons la sainteté de Dieu dans notre vie ordinaire? Quel impact a cette rencontre sur cette terre d’alliance quotidienne que sont nos familles diversifiées?

Psaume 104 (105)

  • Dans la continuité avec la première lecture, le refrain et le texte du psaume sont centrés sur l’alliance donnée par Dieu à Abraham.
  • Nous constatons que Dieu a la mémoire longue : il offre une « parole édictée pour mille générations ».
  • Les hauts faits du Seigneur méritent d’être racontés. Cela sera esquissé dans l’évangile du jour.
  • Les piliers de la nation sont mentionnés : Abraham, Isaac, Jacob. En quoi ces personnages sont-ils inspirants? Abraham est passé un peu partout où les descendants du Peuple de Dieu vont trimballer leur existence de sédentaires ou d’exilés. Isaac, plus stable, représente le droit à la terre. Et Jacob est relié à la promesse du retour d’exil. Nomades autant que résidants sédentaires ont leur place dans l’alliance offerte par Dieu.

Hébreux 11, 8.11-12.17-19

  • Le texte enrichit et précise notre perception de l’aventure de foi d’Abraham et Sara.
  • Le lâcher-prise du patriarche a un effet paradoxal : la descendance s’en trouve multipliée car c’est Dieu qui a pris le contrôle.
  • Nous sommes à notre façon les fruits de cette aventure de confiance, de ce lâcher-prise.
  • Nous avons intérêt à l’intégrer à notre propre comportement, dans la communauté de foi comme dans la vie familiale.

Luc 2, 22-40

  • Jésus mène à terme les promesses et les projets de Dieu : il comble les plus grandes attentes du Peuple de Dieu symbolisé par deux personnages, Syméon et Anne.
  • Les rencontres avec la famille de Jésus se déroulent dans un temps (un rite de passage) et un espace (le Temple) qui mettent en scène l’aboutissement des promesses antiques.
  • Les noms de ces personnages sont déjà un programme pour l’action divine. Les noms des saints personnages qui s’adressent aux parents de Jésus, muets devant la portée de leurs propos, évoquent les largesses de Dieu. « Syméon » propose une attitude d’écoute. « Anne » évoque, pour les oreilles sensibles aux sonorités de l’hébreu, l’idée de la grâce divine enfin distribuée. Même le nom de la tribu de la veuve contribue au climat d’allégresse, puisque Aser évoque en hébreu la félicité, le bonheur.
  • Notre engagement de foi favorise la réalisation de ces promesses.
  • Le sacrifice présenté par les parents de Jésus témoigne de leur modestie dans l’échelle sociale. Ce pauvre présent est pourtant reçu comme un don valable aux yeux de Dieu. Cela nous réconforte : la moindre parcelle de ce que nous transformons dans nos vies à cause de Dieu peut s’avérer réponse à son projet d’alliance et d’amour.

Des paroles qui rencontrent le quotidien de nos familles

Familles, lieux de rencontre avec la sainteté

Quel paradoxe! La semaine intensive de célébrations familiales en fin d’année risque d’occulter les trésors bibliques offerts par le dimanche de la Sainte Famille. Chaque année, c’est la même chose : la probabilité est forte que ce dimanche passe sous le radar et ne soit pas très couru. Nous n’allons pas pour autant nous priver du plaisir de déballer ses contenus et de méditer sur ses richesses. Car notre vie de famille d’aujourd’hui peut y trouver du souffle! C’est un cadeau bienvenu en cette saison complexe où s’affrontent au plus intime des personnes des sentiments intenses et des expériences contradictoires. Ces émotions et ces souvenirs concernent tantôt notre famille d’origine, tantôt notre famille d’appartenance, notre famille désirée ou notre impossible famille…

Ces émotions et ces souvenirs se sont sans doute enrichis lors du récent épisode de confinement. Il a permis de vérifier avec une intensité sans égale la portée réelle de nos liens familiaux! Cette intensité incarnée dans notre quotidien familial fut peut-être le moment d’une grande rencontre avec Jésus, messager de Dieu par excellence. La sainteté croise la trivialité. Le mystère de Dieu vient illuminer les obscurités du quotidien. Profonde est la source de la fête du jour : voici venu le temps d’arrimer cette expérience du temps présent avec des événements marquants du passé biblique.

Familles, points d’accueil du Dieu très saint

Notre foi chrétienne prolonge les espoirs du Premier Testament. Elle donne corps à la nouveauté absolue introduite lors de la prise en chair du Fils de Dieu. Pour saisir cette nouveauté, nous devons devenir plus sensibles aux pages de la Bible qui précèdent le Nouveau Testament. Jésus est le dernier mot de Dieu. Pour entendre cette Parole chargée d’élan et de dynamisme, il faut savoir comprendre le langage qui a servi à la prononcer. Abraham, Sara, Syméon, Anne : bienvenue dans notre parenté! Vous arrivez dans nos vies avec vos originalités, vos lenteurs, vos stupéfactions. Et merci pour votre contribution à notre foi!

Certes, Dieu est intervenu souvent dans l’histoire humaine. Cela s’est parfois passé dans le cadre d’une famille. Les exemples de ce jour, la famille d’Abraham et de Sara et la Sainte famille de Jésus, nous démontrent que Dieu n’attend pas la perfection avant de prendre corps dans les réseaux humains. L’évangile de ce jour met en scène le temps du choix décisif. Il est arrivé en Jésus, le dernier mot de Dieu.

Il est juste et bon de découvrir que la révélation de Jésus, Fils de Dieu, veut s’exprimer jusque dans les échos des relations et des coutumes familiales. La bénédiction jadis prononcée sur l’enfant-Dieu est exigeante : elle invite à trancher dans le vif du débat au sujet de Jésus. Le choix qui nous est proposé est aussi douloureux qu’une épée qui transperce. À nous de poursuivre l’engagement d’Anne et Syméon, ces aînés confiants de l’évangile. Et n’oublions pas de mettre en valeur les personnes d’expérience qui nous aident à goûter les fruits de l’alliance dans notre vie actuelle.

Alain Faucher est prêtre du Diocèse de Québec. Professeur d’exégèse biblique à la Faculté de théologie et de sciences religieuses de l’Université Laval, il est directeur général des programmes de premier cycle.

Source : Le Feuillet biblique, no 2688. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l’autorisation du Diocèse de Montréal.

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