Jésus et le petit enfant. James Tissot, 1886-1896. Aquarelle opaque et graphite, 14,6 x 23,8 cm. Brooklyn Museum, New York.

Persévérants et humbles

Benoît LambertBenoît Lambert | 25e dimanche du Temps ordinaire (B) – 19 septembre 2021

Deuxième annonce de la Passion : Marc 9, 30-37
Les lectures : Sagesse 2, 12.17-20 ; Psaume 53 (54) ; Jacques 3, 16 – 4, 3
Les citations bibliques sont tirées de la Traduction liturgique officielle.

Jésus a été acclamé par plusieurs foules durant sa vie. Mais il a aussi été contesté par l’élite religieuse d’Israël de son époque. Malgré ce rejet, il a continué sur la voie indiquée par son Père. Et ce chemin l’a conduit au sort qu’il a annoncé aux apôtres : la mort.

La persécution

Depuis toujours les croyants et les croyants ont enduré diverses tribulations. Israël n’a pas été épargné par ses adversaires. Au 1er siècle avant Jésus-Christ, la prestigieuse culture grecque s’est répandue partout dans le monde antique. L’art et la philosophie hellénistique éblouissaient les gens qui entraient en contact avec elle. Alexandrie, centre important de diffusion de la civilisation grecque et lieu de résidence de l’auteur du livre de la Sagesse, a attiré plusieurs membres du peuple élu qui ont abandonné la religion de leurs ancêtres et adopté les mythes grecs. Ces nouveaux convertis se moquent de leurs frères et de leurs sœurs qui sont restés fidèles à Yhwh, le Seigneur. Ces hommes et ces femmes loyaux à l’héritage mosaïque sont dérangeants, car ils constituent un reproche constant pour les Israélites qui ont trahi le Dieu Très-Haut. Ces anciens coreligionnaires ont même l’intention de tuer les fils et les filles d’Abraham. S’ils mouraient, cela prouverait que le Seigneur à l’évidence n’existe pas puisqu’il ne les a pas sauvés de la mort.

Les propos du rédacteur semblent décourageants. Mais le livre de la Sagesse est là pour redonner courage aux personnes qui ont continué d’obéir à la Loi. Le Seigneur est le plus fort et il le montrera. Jésus a expérimenté cette situation durant sa Passion. Les évangélistes présentent dans la relation de cet événement de l’histoire du salut des gens qui disaient au Seigneur de se sauver lui-même. Si cet homme était vraiment le Fils de Dieu, il aurait pu employer sa puissance et anéantir ses ennemis. Mais Jésus ne l’a pas fait. Il a plutôt endossé l’habit du Serviteur souffrant qui a accepté les pires outrages que lui ont fait subir ses tortionnaires. Il a vécu ce qu’il avait annoncé à ses proches dans la Bonne Nouvelle de ce jour ; « Le Fils de l’homme est livré aux mains des hommes et ils le tueront » (v. 31).

L’incompréhension

L’Évangile de Marc montre l’incompréhension des disciples lorsque Jésus évoque sa Passion. Pour eux, le Maître est le Messie qui a démontré sa puissance lorsqu’il accomplissait des miracles. Avec cette force qui vient du Père, il va chasser l’envahisseur romain. Ils sont donc déconcertés devant l’annonce de Jésus.

L’aveuglement des apôtres est un symptôme du fait que l’Esprit n’a pas encore pénétré leur conscience. Les discussions autour de leur place dans la cour du futur roi d’Israël prouvent notamment cette absence du Paraclet dans leur for intérieur. Il faut dire que le Seigneur semblait privilégier Pierre, Jean et Jacques le Majeur (pour le distinguer de Jacques le Mineur, un autre membre des Douze, qui a écrit l’épître du même nom). Ils avaient assisté à des événements majeurs (la transfiguration, Marc 9,2-10 ; la résurrection de la fille de Jaïre, Marc 5,21-43) auxquels n’avaient pas été conviés les autres apôtres. Jésus transformera la perspective de ses proches, comme l’indique la suite du récit aux versets 35-37.

Jacques, dans l’extrait de son épître proclamé durant cette célébration, va détailler les effets causés par l’absence de l’Esprit dans le cœur humain. Les hommes et les femmes vont vivre selon leurs appétits primaires dont le plus puissant est la survie. Ils vont oublier les autres et faire tout ce qui est en leur pouvoir pour assurer leur bien-être individuel. La convoitise et la jalousie constituent les mouvements habituels de la conscience des personnes quand elles n’ont pas le soutien spirituel de l’Esprit. Quand une réalité est considérée comme un bien, toutes les stratégies sont utilisées, même celle d’écraser l’autre qui veut aussi se procurer cette réalité. Dans l’épître, Jacques spécifie le moyen de ne pas rester prisonnier des appétits humains égoïstes : la prière. Il faut se tourner vers Dieu et lui demander sa grâce qui nous rend capables d’aimer l’autre sans mesure comme Jésus aime ses frères et ses sœurs.

Présentement, une grande partie de l’humanité refuse le Christ. Les enfants de Dieu sont encore persécutés. Certains adversaires du Seigneur ont tenté de prouver que le Christ n’a jamais existé et que les Évangiles seraient la création de rabbins qui avaient pour objectif de perfectionner le judaïsme. Mais il y a, répartis partout dans les Évangiles, des détails qui prouvent l’historicité de ces livres sacrés. D’abord, Matthieu (Mt 17,24-25) et Marc (Mc 9,33) mentionnent Capharnaüm, une ville bien réelle, comme lieu stratégique dans la mission du Christ. De plus, les apôtres sont souvent dépeints de manière négative dans le Nouveau Testament. Un ouvrage relatant le parcours de personnages religieux importants réels ou fictifs va rarement dépeindre ces personnes sous un jour défavorable. Voilà un autre argument qui peut prétendre prouver la véracité historique du Nouveau Testament.

Le plus grand!

Jésus profite de l’incompréhension des disciples pour leur prodiguer un enseignement important. Marc, par sa formule « Celui qui veut » utilisée dans d’autres épisodes (Marc 8,34-35 ; 10,44), présente certaines conditions formulées par le Maître pour le suivre. Les apôtres devront se consacrer au bien commun et abandonner leurs comportements égoïstes. Ils ne devront plus chercher les prérogatives attachées à une fonction dans une institution humaine. Désormais, ils sont les acteurs d’une hiérarchie établie par Jésus où les forts seront les derniers et les plus vulnérables les premiers. Et pour appuyer son enseignement, le Maître pose un geste. Il amène un enfant dans le cercle des Douze. L’enfant n’a aucun statut juridique dans la société juive antique. Il devra être majeur (12 ans pour les filles et 13 ans pour les enfants masculins) pour acquérir un tel statut. Les individus mineurs ne sont donc pas responsables devant la Loi et ne sont pas tenus de respecter ses prescriptions. Les jeunes sont des personnes en devenir entièrement sous la responsabilité de leurs parents. Les personnes qui sont les plus prestigieuses dans la Nouvelle Alliance sont comme les enfants en Israël, les êtres les plus vulnérables dans une société. Et Jésus en remet. Il s’identifie aux déshérités quand il déclare qu’en accueillant un laissé-pour-compte, c’est lui qu’on accueille. Et, à travers lui, le Père est aussi accueilli.

Jésus appelle donc les apôtres à l’humilité et au service des plus faibles. L’Église continue cette action. Elle intègre dans ses rangs tous les enfants du Créateur sans aucune discrimination. Elle n’est pas élitiste comme certaines organisations ésotériques où les adhérents doivent traverser un long parcours initiatique avant d’être admis. L’Église souhaite seulement que ses adeptes reconnaissent le Christ comme leur Sauveur et Seigneur. Ainsi, en acceptant le Ressuscité, ils recevront l’Esprit qui les inspirera à aimer Dieu et, par conséquent, le prochain.

Détenteur d’une maîtrise ès arts (théologie) de l’Université Laval, Benoît Lambert a rédigé des articles et des brochures pour plusieurs revues religieuses (Vie liturgique, Revue Notre-Dame-du-Cap). Il collabore au Feuillet biblique depuis 1995.

Source : Le Feuillet biblique, no 2720. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l’autorisation du Diocèse de Montréal.

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