Je suis la vigne. Icône russe du 15e siècle. Tempera sur panneau de bois, 38 x 48 cm (marché des arts).

Attachés les uns aux autres, comme au Seigneur

Alain FaucherRodolfo Felices Luna | 5e dimanche de Pâques (B) – 2 mai 2021

L’image de la vigne et des branches : Jean 15, 1-8
Les lectures : Actes 9, 26-31; Psaume 21 (22); 1 Jean 3, 18-24
Les citations bibliques sont tirées de la Traduction liturgique officielle.

Après sa conversion, saint Paul cherche à se joindre au groupe des disciples, nous dit Luc dans son récit des Actes des apôtres. Bien sûr, à l’époque, il n’était ni « saint » ni « Paul », puisqu’il était connu plutôt comme Saul le pharisien, persécuteur de l’Église. C’est compréhensible qu’on en ait eu peur et qu’on ait fuit sa compagnie. Il a fallu que Barnabé le prenne avec lui pour le présenter aux apôtres, témoignant de l’authenticité de sa conversion. Seulement alors est-il reconnu disciple, autant par ses nouveaux frères que par ses anciens alliés devenus adversaires, cherchant maintenant à le supprimer (Actes 9,29-30). Le persécuteur d’avant est maintenant caché et sauvé par ses victimes, devenues ses frères et sœurs dans la foi.

Ensemble

Il n’existe pas de disciple du Christ isolé des autres. Même après une rencontre personnelle extraordinaire avec le Christ ressuscité, Paul ne pouvait pas devenir disciple tout seul. Il avait besoin de Barnabé, des apôtres, des frères et sœurs qui l’accueillent dans l’Église, dans l’Assemblée du Seigneur, dans la communauté des croyants. L’Évangile nous dit qu’il faut demeurer attaché à Jésus comme un sarment à la vigne, pour que la vie du Christ circule en nous et nous fasse porter du fruit. « Demeurez en moi, comme moi en vous » (Jn 15,3), c’est le secret bien gardé de toute vie chrétienne. Or cette vérité est bonne pour chacune et chacun d’entre nous, de sorte que c’est ensemble que nous formons la vigne, corps du Christ. Détachés les uns des autres, nous nous détachons du Christ! Les sarments détachés se dessèchent et brûlent, sans porter de fruit (Jn 15,6). Pour que la parole et la vie du Christ fassent de nous d’authentiques disciples (Jn 15,7-8), il nous faut demeurer « attachés » les uns aux autres, comme au Seigneur. C’est ensemble que nous portons le fruit escompté par Dieu, le vigneron (Jn 15,1-2). C’est ensemble que nul défi ne paraît impossible à surmonter, puisque le secours divin est obtenu à même la vigne (Jn 15,7), pas en dehors de celle-ci (Jn 15,4-5). Notre relation à Jésus vit et se nourrit de la relation de tous les autres sarments à la vigne. Saint Paul savait que seul, il ne deviendrait jamais disciple du Christ qu’il avait rencontré sur le chemin de Damas. Le doux souvenir de la rencontre se serait desséché avec le temps, et ce nouveau sarment aurait péri sans porter de fruit. Voilà pourquoi il s’est fait insistant auprès des apôtres : comme un sarment assoiffé de sève, Paul cherchait à se joindre à la vie de l’Église, qu’il reconnaissait animée et assistée par l’Esprit Saint (Ac 9,31).

Un seul Corps, plusieurs membres

Paul écrira aux chrétiens de Corinthe qu’il leur faut discerner le corps du Christ lorsqu’ils se réunissent ensemble pour célébrer l’eucharistie (1 Corinthiens 11,29). Il comparera la communauté de fidèles à un corps ayant besoin de tous ses organes et parties (1 Co 12,12-26), et il identifiera ce corps communautaire comme étant celui du Christ (1 Co 12,27). Plus tard, il écrira aux chrétiens de Rome qu’Israël est comme un « olivier franc », d’où sont tombées des branches juives naturelles, de sorte que des branches païennes d’« olivier sauvage » peuvent y être greffées (Romains 11,13-26). Non seulement Paul adopte l’analogie de l’olivier – similaire à celle de la vigne – pour parler de l’Église organique, mais encore il innove en parlant des greffes, pour promouvoir l’accueil de la diversité au sein de l’Église. Tout son ministère missionnaire consistera à déployer l’appel du Christ aux non-juifs et à persuader les premiers chrétiens d’origine juive, comme lui, d’accueillir les nouveaux chrétiens d’origine non-juive au sein d’une seule Église fraternelle. Il ne manquera pas de souligner l’interdépendance des deux groupes, les derniers ayant besoin de puiser à mêmes les racines, et les premiers réveillés de leur léthargie par l’arrivée des nouvelles greffes.

Que ce soient des parties d’un corps, des sarments ou des branches, chrétiens et chrétiennes ont besoin les uns des autres pour se « brancher » sur le Christ. Ils et elles ne sont plus des ennemis distants, en vibrant combat pour revendiquer la vérité de Dieu comme si elle était l’apanage d’un seul groupe de personnes de même culture et de même origine ethnique. Deux millénaires ont passé depuis les premières greffes! Aujourd’hui la vigne de saint Jean est multicolore, l’olivier de saint Paul est bien plus « sauvage » que « franc », comment alors pourrions-nous savoir et oser affirmer qu’il s’agit du même plant?

Le lien de la charité

La réponse nous vient de la deuxième lecture d’aujourd’hui, tirée de la Première lettre de saint Jean. Les vrais disciples du Christ se reconnaissent aux fruits qu’ils portent : ils aiment « non pas avec des paroles et des discours, mais par des actes et en vérité » (1 Jn 3,18-19). Ils ne sont pas parfaits, mais ils ont le cœur en paix, car ils croient en la miséricorde de Dieu (1 Jn 3,19-20). S’ils et elles tissent ensemble une fraternité aimante (1 Jn 3,23), c'est qu’ils et elles manifestent l’amour reçu de Dieu dans l’offrande de son propre Fils Jésus, qui a donné sa vie pour tous (1 Jn 3,16). Saint Paul dira bien aux Galates :

Je vis, mis ce n’est plus moi, c’est le Christ qui vit en moi. Ma vie dans la condition humaine, je la vis dans la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et qui s’est livré pour moi. (Ga 2,20).

Ainsi, l’air de famille chez les chrétiennes et les chrétiens ne tient pas à la couleur de la peau, la culture, ni la langue parlée, mais bien à l’Esprit reçu – l’Esprit du Christ – qui se manifeste par des gestes bienveillants envers les autres, et qui atteste qu’ils et elles « demeurent » la même vigne, le même olivier franc, la même souche issue du Fils de Dieu.

Rodolfo Felices Luna est professeur à l’Oblate School of Theology (San Antonio, Texas).

Source : Le Feuillet biblique, no 2709. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l’autorisation du Diocèse de Montréal.

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