Icône de la Trinité. Andrei Rublev, 1411 ou c. 1425-27. Tempera, 142 x 114 cm. Galerie Tretyakov, Moscou (Wikipédia).

Dieu est amour

Alain FaucherRodolfo Felices Luna | 6e dimanche de Pâques (B) – 9 mai 2021

Le commandement de l’amour : Jean 15, 9-17
Les lectures : Actes 10, 25-26.34-35.44-48 ; Psaume 97 (98) ; 1 Jean 4, 7-10
Les citations bibliques sont tirées de la Traduction liturgique officielle.

Cheminant vers la fin du temps pascal, l’Église nous invite à méditer sur le grand commandement de l’amour que Jésus nous a laissé, pour guider nos pas dans la vie de foi de tous les jours, notre temps « ordinaire ». C’est aussi en quelque sorte une percée du mystère pascal : c’est l’amour de Dieu pour nous (1 Jn 4,9) qui nous a rejoints par le Fils (Jn 15,9), dans l’acte suprême de donner sa vie pour nous (Jn 15,13). Cet amour reçu est la force qui nous transforme en enfants de Dieu et disciples capables d’aimer à notre tour : Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés (Jn 15,12bc).

L’amour de Dieu et du prochain au cœur de l’Alliance

Nous les chrétiens, nous aimons à nous rappeler que « Dieu est amour » (1 Jn 4,8) et que tous les commandements bibliques peuvent se résumer, dans la bouche de Jésus, à : Ce que je vous commande, c’est de vous aimer les uns les autres (Jn 15,17). C’est vrai, et c’est tout simple à mémoriser et à s’en rappeler.  Or, c’est aussi très difficile à réaliser avec l’intensité, l’étendue et l’authenticité de notre maître Jésus : comme je vous ai aimés (Jn 15,12c).

Nous oublions trop souvent que le judaïsme dont Jésus et les apôtres sont issus en prêche autant. Nos propres évangiles nous montrent Jésus en train de citer les Écritures d’Israël en ce sens (Matthieu 19,16-19 ; Marc 10,17-19 ; Luc 18,18-20). Le résumé des commandements en amour de Dieu et amour du prochain vient aussi de ce que nous, les chrétiens, nous appelons l’Ancien Testament, et qui continue à ce jour de guider la foi juive : Tu aimeras le Seigneur ton Dieu… (Deutéronome 6,4-5) et Tu aimeras ton prochain comme toi-même (Lévitique 19,8), textes cités dans Mt 22,34-40 ; Mc 12,28-34 et Lc 10,25-28.

Dans Mt 22,40, Jésus dit qu’à ces deux commandements se rattachent toute la Loi de Moïse et les écrits des prophètes. Dans Mc 12,34, Jésus répond au scribe qui cite ces textes qu’il n’est pas loin du Royaume de Dieu. Dans Lc 10,28, Jésus félicite son interlocuteur : Tu as bien répondu… fais ceci et tu vivras! Visiblement, Jésus croyait que déjà à son époque, avant les évangiles, Israël disposait du cœur de la révélation divine et pouvait, ainsi guidé, marcher vers la joie de la vie éternelle.

Aimer par des actes et en vérité

Si le judaïsme et le christianisme s’entendent sur le cœur de ce que Dieu nous offre et nous demande, les divergences surgissent sur comment y répondre. Au risque de trop simplifier deux traditions religieuses très riches, il est quand-même possible d’avancer ceci : le judaïsme a misé sur une codification des comportements (les commandements), pour aider les gens au quotidien à avancer vers la justice et la sainteté ; tandis que le christianisme a misé sur l’imitation du Seigneur Jésus et l’inspiration de l’Esprit, qui en appelait au discernement du bon comportement dans une situation donnée. La voie chrétienne tâche d’éviter ce qui pourrait devenir un excès de législation casuistique, mais la voie juive s’efforce d’éviter ce qui pourrait devenir un manque de cohérence dans l’agir. En effet, comme il est facile de dire « je t’aime » ou encore « j’aime mon prochain »! Comme il est difficile de s’entendre sur ce qui devrait être le comportement « aimant » responsable! Ce n’est pas un hasard si la deuxième lecture du dernier dimanche insistait à ce sujet :

Mes enfants, nous devons aimer : non pas avec des paroles et des discours, mais par des actes et en vérité. (1 Jn 3,18)

Dans le discernement de ce qu’est un comportement « aimant » de ce qui ne l’est pas, l’Évangile de ce dimanche nous rappelle le sommet d’authenticité laissé par Jésus :

Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. (Jn 15,13)

Dieu nous a aimés le premier

La seconde lecture d’aujourd’hui (1 Jn 4,7-10) nous guide aussi dans ce discernement. Dieu nous a aimés le premier. Il a envoyé son Fils dans le monde pour que nous vivions par lui (Jn 4,9), alors que ce même Fils allait mourir pour nous (1 Jn 4,10). C’est à l’aune de ce don originel que nous pouvons reconnaître l’amour (1 Jn 4,10a). L’amour est don de soi, offrande et sacrifice pour la vie des autres que nous aimons. C’est à l’opposé de l’égoïsme et du chacun pour soi ou du chacun pour les siens seulement. C’est bien d’aimer les siens (conjoint/conjointe, enfants, parents, amis). Plus le cercle est proche de soi, moins difficile est de donner sa vie pour ces gens que nous chérissons. Jusqu’où ira mon amour du prochain? S’étendra-t-il aux voisins? Aux gens de ma paroisse? Aux compatriotes? Aux personnes qui partagent ma langue et ma culture, mon métier? À ceux et celles qui se disent eux aussi chrétiens et qui partagent mes valeurs? Qu’en est-il des immigrants et des concitoyens d’origine différente de la mienne? Qu’en est-il de ceux et celles au loin, dans d’autres régions et pays, appartenant à d’autres groupes ethniques, religions ou croyances? Nous sommes plus de sept milliards de personnes sur Terre, toutes aimées de Dieu…

Dieu a l’Esprit ouvert

Nous lisons dans la première lecture (Actes 10,25-26.34-35.44-48) qu’en entrant dans la maison du centurion romain Corneille, l’apôtre Pierre s’exclame :

En vérité, je le comprends : Dieu ne fait pas de différence entre les hommes ; mais, quelle que soit leur race, il accueille les hommes qui l’adorent et font ce qui est juste.  (Ac 10,34-35).

Très tôt après Pâques, l’Église de Jésus a été appelée à ouvrir ses portes et à serrer d’autres mains que celles d’une même couleur de peau, d’une même langue, de la descendance d’Abraham, ou encore habitant d’autres terres que la seule Terre Sainte. Ce fut un grand pas pour l’Église, mais qui demeure tellement difficile pour nous parfois. Il y a tellement de besoins sur Terre qu’il devient facile de prioriser nos semblables. Peut-être que la différence nous fait peur. Imaginez saint Pierre franchissant le seuil de porte d’une demeure païenne, d’un centurion romain, un chef du pouvoir militaire ayant envahi son propre pays. Il devait être soit mort de peur, soit dégoûté d’avoir à fréquenter l’ennemi impur, ou encore anxieux d’imaginer comment ses coreligionnaires juifs et chrétiens le prendraient.

Il n’y a pas de solution magique, il faut juste oser faire les premiers pas. Par contre, nous sommes assurés de l’assistance de l’Esprit Saint, l’Audacieux! (Ac 10,44). Aussi, le tout premier pas est de reconnaître dans son cœur l’amour que Dieu a eu pour nous (1 Jn 4,7ab.10), de laisser cet amour nous envahir et de demeurer dans cet amour (Jn 15,9-10). Le fil d’eau qui nous abreuve deviendra un torrent débordant vers les autres. Plus nous irons vers les autres comme Pierre, plus nous découvrirons que nous, les chrétiens, nous n’avons pas le monopole de l’amour et que tous ceux qui aiment sont enfants de Dieu et ils connaissent Dieu (1 Jn 4,7c).

Rodolfo Felices Luna est professeur à l’Oblate School of Theology (San Antonio, Texas).

Source : Le Feuillet biblique, no 2710. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l’autorisation du Diocèse de Montréal.

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