Noé. Détail d’un vitrail d’une église victorienne de Fringford (hospitalera / 123RF).

Trois mises en scène : trois appels

Jean GrouJean Grou | 1er dimanche de l’avent (A) – 27 novembre 2022

Exhortation à la vigilance : Matthieu 24, 37-44
Les lectures : Isaïe 2, 1-5 ; Psaume 121 (122) ; Romains 13, 11-14a
Les citations bibliques sont tirées de la Traduction liturgique officielle.

L’évangéliste Matthieu situe, au cours de son séjour à Jérusalem, les paroles de Jésus sur les signes de la fin des temps. Le contexte est fortement marqué par la polémique avec les autorités religieuses de la ville sainte. Le discours de Jésus s’en prend ici aux tendances de la tradition apocalyptique à chercher à déterminer le jour de la grande libération du peuple d’Israël. De plus, les premières communautés sont inquiètes car les jours passent sans que le retour du Christ ne se manifeste. Il devient donc nécessaire d’insister sur le caractère imprévisible du plan de salut de Dieu.

À l’intérieur de son discours, Jésus fait référence à trois mises en situation : le déluge, les deux hommes et les deux femmes, le voleur. Un appel à la vigilance s’insère entre la deuxième et la troisième situation et revient en guise de conclusion. Cela constitue donc, sans contredit, le cœur de ce passage.

Voici quelques questions utiles à une lecture attentive de l’évangile de ce dimanche :

  • Pourquoi Jésus fait-il référence à l’épisode du déluge pour parler de la venue du Fils de l’homme?
  • Qu’est-ce que Jésus reproche aux gens de la génération de Noé?
  • Quelles attitudes humaines face à l’avenir Jésus met-il en opposition?
  • Pourquoi Jésus insiste-t-il tellement sur le fait que le moment de la venue du Fils de l’homme est imprévisible?

L’attente chrétienne

Dans son discours concernant les signes de la fin des temps (Matthieu 24), Jésus dénonce deux excès. Le premier est l’inquiétude fébrile, teintée de peur : Car beaucoup viendront sous mon nom, et diront : « C’est moi le Christ » ; alors ils égareront bien des gens. Vous allez entendre parler de guerres et de rumeurs de guerre. Faites attention ! ne vous laissez pas effrayer, car il faut que cela arrive, mais ce n’est pas encore la fin (24,5-6). Le deuxième excès fait l’objet de la lecture évangélique de ce premier dimanche de l’Avent. Il s’agit de l’insouciance. Pour l’illustrer, Jésus a recours à trois mises en scène qui mettent en évidence trois données caractérisant l’attente chrétienne.

Vigilance

La première illustration, l’expérience de la génération de Noé, souligne la vigilance. Les chrétiens et les chrétiennes vivent dans l’espérance de la venue du Seigneur. Pas question de la rater ! L’attitude qui convient s’oppose donc à celle des gens du temps de Noé. Jésus ne condamne pas leurs comportements – manger, boire, se marier – en eux-mêmes, mais le fait que cela semble être leur seule raison de vivre. Leur existence est marquée par l’insouciance. Les fidèles du Christ ne peuvent adopter une attitude semblable. Avec la venue sur terre du Fils de l’homme, une nouvelle étape de l’histoire du salut a débuté. Il est impossible de ne pas en tenir compte. Les gestes quotidiens de la vie ne sont pas répréhensibles. Mais ils prennent leur sens à la lumière de l’espérance du Royaume tel qu’inauguré par la mort et la résurrection du Christ.

Imprévisibilité

La deuxième image, celle des deux hommes et des deux femmes, semble révéler l’arbitraire du jugement de Dieu. Mais elle en souligne plutôt le caractère soudain. Il ne dépend pas de l’humeur d’un dieu imprévisible. Dieu, en effet, sait sonder le cœur des hommes et des femmes (Mt 15,8-9). Il sait à qui il a affaire. De l’extérieur, rien ne distingue ces personnes. Le jugement de Dieu échappe aux opinions et aux catégories établies par les êtres humains. Il n’est pas donné à quiconque de déterminer le sort de son prochain.

Persévérance

La troisième illustration, celle du voleur dans la nuit, met en valeur la nécessité de persévérer. La seule manière de se prémunir d’un vol serait de demeurer éveillé toute la nuit. Voilà une façon de parler typiquement sémitique. Il est, en effet, impossible de demeurer debout toutes les nuits, quand bien même ce serait pour protéger sa propriété. En exagérant au point de rendre le récit invraisemblable, Jésus attire l’attention sur l’essentiel. Il s’agit de demeurer persévérant comme quelqu’un qui veillerait toute une nuit afin de ne pas rater un visiteur potentiel. La foi passe par des hauts et des bas. Des périodes d’endormissement et de somnolence. Quoi de plus normal ? Comment demeurer en éveil devant la diversité des messages que nous entendons aujourd’hui ? Jésus nous invite à la vigilance et à la persévérance dans les choix qui découlent de notre foi.

Jean Grou est bibliste et rédacteur en chef de Vie liturgique et Prions en Église.

Source : Le Feuillet biblique, no 2777. Ce texte est dabord paru dans Le Feuillet biblique 1600 (3 décembre 1995). Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l’autorisation du Diocèse de Montréal.

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