L’Annonciation. John William Waterhouse, 1914.Huile sur toile, 99 x 135 cm. Collection privée (Wikipédia).

Rien n’est impossible à Dieu

Lorraine CazaLorraine Caza | 4e dimanche de l’avent (B) – 24 décembre 2023

Annonce de la naissance de Jésus : Luc 1, 26-38
Les lectures : 2 Samuel 7,1-5.8b-12.14a.16 ; Psaume 88 (89) ; Romains 16, 25-27
Les citations bibliques sont tirées de la Traduction liturgique officielle.

En cette année 2023, l’Avent est vraiment très court puisque la quatrième semaine est réduite au seul dimanche, 24 décembre, veille de la fête de Noël. Au moment d’ouvrir les fêtes de la naissance de Jésus, la liturgie romaine nous plonge dans le récit de l’annonce de la conception de Jésus, nous invitant donc à nous remettre en mémoire l’événement que nous appelons l’Annonciation.

Dès le début du texte retenu dans l’Évangile de ce dimanche, on nous réfère au sixième mois. Or, ce qui précède immédiatement, c’est le récit de l’annonce de la conception de Jean Baptiste. On comprend donc que c’est du sixième mois de la grossesse d’Élisabeth dont il s’agit. Dans le monde helléniste du temps, le parallélisme est un procédé littéraire bien connu et Luc l’utilise abondamment. Pour introduire Jésus, on présente sa conception, sa naissance et sa circoncision, l’imposition du nom, le chant le concernant, en parallèle aux mêmes éléments de l’itinéraire de Jean Baptiste.

Quel contraste entre la présentation de la conception de Jean et celle de Jésus. Le récit de cette dernière, qui retient notre attention en cette liturgie, nous montre l’archange Gabriel dans le bourg rural si peu connu de Nazareth, dans la maison d’une jeune fille simple et inconnue, alors que c’est au temple de Jérusalem, au cœur d’une cérémonie liturgique dans le sanctuaire, à un homme qui est prêtre que ce même Gabriel annonce la conception de Jean.

L’annonce de la naissance du Saint, du Fils de Dieu

Il est intéressant de noter que ce Gabriel est l’ange qui se tient devant Dieu (Luc 1,19), l’ange de la révélation des derniers temps (Daniel 9,21s, et les 70 semaines), l’ange de l’eschatologie.

Selon le Talmud de Babylone, un homme ne doit pas saluer une femme. Surprenante donc cette salutation de Gabriel à Marie. Que dit l’ange à cette jeune femme présentée à la fois comme vierge et comme fiancée à un homme de la maison de David nommé Joseph. À cette époque, dans ce coin du monde, une jeune fille pouvait épouser un homme à 12 ans. Elle continuait alors de vivre dans la maison de ses parents pendant une année avant d’aller habiter avec son époux. Dans le milieu de la Galilée, il était habituel que la jeune femme n’ait pas de relations maritales pendant qu’elle demeurait sous l’autorité de son père. Qu’il nous soit dit que Joseph était de la maison de David nous permet aussi de comprendre un élément de l’identité que Gabriel attribuera à Jésus. Ne nous y trompons pas : Gabriel affirmera de façon forte la place de la grâce dans la vie de Marie : « elle est comblée de grâce ; le Seigneur est avec elle ; elle a trouvé grâce devant Dieu », mais ce récit est d’abord et avant tout une proclamation christologique. Gabriel dit en effet de Jésus : Il sera grand et on l’appellera Fils du Très-Haut. Le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père ; il règnera sur la maison de Jacob à jamais et son règne n’aura pas de fin (Lc 1,31-33).

À la question de Marie sur le comment cela pourrait se faire puisqu’elle ne connaît pas d’homme, Gabriel répond par ce sommet de révélation de l’identité de Jésus : L’Esprit Saint viendra sur toi et la puissance du Très-Haut te couvrira de son ombre ; c’est pourquoi l’enfant sera saint et sera appelé Fils de Dieu (Lc 1,35). Au sujet de cet éminent titre de Fils de Dieu, Charles Perrot a ces lignes importantes : « Le titre de Fils de Dieu, qui résume la foi de Luc dans la divinité de Jésus est mis ici sur les lèvres de l’ange. Dans tout l’évangile de Luc, ce titre sera toujours prononcé par mode de révélation (1,35 ; 3,22 ; 9,35) et cela, à la différence de Marc et de Matthieu (Mc 15,39 ; Mt 16,16). En d’autres termes, dans le récit d’enfance comme dans celui de la Résurrection, c’est finalement Dieu qui peut révéler qui est vraiment son Christ. Ce n’est pas l’homme livré à lui-même, mais Dieu qui le lui manifeste ».

Gabriel avait rejoint le père de Jean au sanctuaire du temple de Jérusalem, mais c’est dans l’humble logement de Marie, à Nazareth, qu’il avait parlé à Marie.

L’humble village de Nazareth

Nazareth… J’ai relu avec empressement ce que la revue Bible et Terre Sainte (numéro 110 d’avril 1969) disait de cet obscur bourg de Galilée :

Perdu dans les collines galiléennes, existait, depuis environ le 8e siècle avant notre ère un humble village à demi troglodyte du nom de Nazareth. Sans fortification, le village regroupait une vingtaine de grottes-maisons où pressoir et silo à grains étaient creusés dans le roc. Ce village dont le nom évoque celui d’une « tour de garde » pour la protection des récoltes (la racine nzr signifie garder) était peu connu : l’Ancien Testament ne le mentionne pas et Nathanaël déclare : « De Nazareth, peut-il sortir quelque chose de bon ? » (Jean 1, 46). Il faut attendre le 3, 4e siècle de notre ère pour lire son nom (à prononcer Nozerath ou Nazara, comme dans Lc 4 ,16 et Mt 4,13, sur une inscription juive découverte en 1962, à Césarée.

L’humble service de Marie

Présentation de l’œuvre de la grâce en Marie ; extraordinaire confession de foi de Luc en la divinité de Jésus. Oui, tout cela dans ces quelques versets et que dire de cette finale, sommet d’espérance pour nous ? Gabriel proclame que rien n’est impossible à Dieu et Marie conclut : Je suis la servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon ta Parole.

Le TOUT-GRAND s’est fait LE TOUT-PETIT, car rien n’est impossible à Dieu. Le VERBE s’est fait chair, car rien n’est impossible à Dieu. Ayant accueilli la Parole, la VIERGE A ENFANTÉ, car rien n’est impossible à Dieu. La maison et la royauté de David subsisteront toujours devant Dieu. Son trône sera stable à jamais (2 Samuel 7,16), car rien n’est impossible à Dieu.

Par l’ordre de Dieu et grâce aux écrits des prophètes, le mystère de l’amour infini de Dieu pour l’humanité, resté jusque-là dans le silence, est porté à la connaissance de toutes les nations pour les conduire à l’obéissance de la foi (Romains 16,26), car rien n’est impossible à Dieu.

Marie, l’épouse de Joseph, la vierge, celle qui porte Jésus, la mère de Jésus. Notre texte parle de tout cela. Ajoutons : Marie est notre sœur, notre mère, notre modèle dans l’accueil de la Parole et dans l’obéissance de la foi.

Dans sa longue marche, inspirée de Marie, se rendant de Nazareth à Aïn Karem, Luc Lannoye écrit : 

Celui par qui l’univers entier a été fait est là, dans son grain de chair humaine. On reste confondu devant cette géométrie nouvelle. Une étrange « dimension » spirituelle échappe totalement à nos dimensions ordinaires… Ni la science ni l’imagination ne pourront jamais dire comment se fit cette conception de Jésus-Christ sous l’action de l’Esprit, ni comment fut uni à la chair le Verbe de Dieu. C’est aussi impensable que de vouloir comprendre la nature divine… Le paradoxe de Jésus, le Fils du Très-Haut, si petit et si grand, nous invite à reconsidérer le mystère de l’homme. Dans la tradition juive, l’homme renvoie à l’univers et inversement. Il est lui-même un monde. Celui qui sauve un être humain, dit le Talmud, sauve le monde entier. Dans notre tradition chrétienne aussi, l’homme est un microcosme. Il porte en lui l’image du monde et, inversement, le monde est son image… Jésus le vrai homme est le vrai microscope de l’univers. Contempler Jésus, c’est aussi contempler l’univers sous ses pieds [1].

Membre de la Congrégation de Notre-Dame, Lorraine Caza est bibliste et professeure honoraire du Collège dominicain de philosophie et de théologie (Ottawa).

[1] Luc Lannoye, Le Tout-petit, Éditions jésuites (Fidélité), 1997, pp. 32-33.

Source : Le Feuillet biblique, no 2826. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l’autorisation du Diocèse de Montréal.

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