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chronique du 5 avril 2005
 

Nous parlerons des arbres

Jésus s'approcha et fit route avec eux (Luc 24, 15).

 

Abel ne veut plus me voir ni voir personne. Super-actif, la maladie l'a d'abord rivé à un fauteuil puis cloué au lit.

     Il me fait dire par sa femme : « Je ne veux pas laisser à André l'image de ma déchéance et de mon désespoir ».

     Nous avons fait tant de choses ensemble. J'aimerais lui dire qu'il y a trop de puissance de vie pour sombrer si profondément. Je voulais au moins essayer de lui écrire, mais il ne me venait que des banalités. En repensant à notre commune passion pour les arbres, je lui ai envoyé un texte de Paul Valéry:

De ton front voyageur, les vents ne veulent pas;
La terre tendre et sombre,
O platane, jamais ne laissera d'un pas
S'émerveiller ton ombre!
Ce front n'aura d'accès qu'aux degrés lumineux
Où la sève l'exalte;
Tu peux grandir, candeur, mais non rompre les noeuds
De l'éternelle halte!"

     Je n'ai ajouté qu'un mot : « Je t'aime assez pour savoir que même immobile tu peux grandir ».

     Il m'a téléphoné : « Viens, nous parlerons des arbres » (André Sève, 365 matins, p. 223).

LIEN : Quand la désillusion saisit au plus profond de son être le jeune qui ne voit aucun débouché dans la vie; quand une amère déception serre le coeur de la femme qui avoue avoir échoué dans sa relation de couple ou dans l'éducation de ses enfants; quand un homme en vient à songer au suicide parce qu'il n'entrevoit pas de porte de sortie des impasses qui l'emprisonnent; quand on est le témoin impuissant de cette multiple désespérance vécue dans l'isolement ou le rejet, on finit par envier les disciples d'Emmaüs. Eux, ils étaient deux pour vivre le tragique de leur existence: la dormition de leur espérance. Ils pouvaient se dire l'un à l'autre : « Nous espérions... » partager leur lassitude, leur profonde douleur d'avoir perdu leur Maître et qui sait, peut être bien leur rage d'avoir été trompés par lui.

     Si ce jeune, cette femme, ou cet étranger pouvaient avoir la chance d'être rejoints par un étranger qui se ferait proche, empathique, « écoutant ». Si tous trois, et tant d'autres qui leur ressemblent, pouvaient dire la nostalgie, la peur, la colère qui les habitent à celui qui les rejoint sur la route, là où ils sont rendus, sans les brusquer, sans suggérer trop rapidement des solutions dont ils ne sauraient que faire. S'ils pouvaient libérer leur cri pour qu'il devienne parole! Cela ne creuserait-il pas en eux l'espace libre pour accueillir leur propre histoire comme porteuse de sens? Ne commenceraient-ils pas à reconnaître en eux la renaissance d'une difficile espérance qui peut rejaillir même au creux du plus profond désespoir?

     Pouvoir manger ainsi le pain de la communion profonde, boire le vin en partage de vie, ne permet-il pas de reconnaître que le Ressuscité opère une brèche dans tous les tombeaux du monde? Et s'ouvrir ainsi à la puissance de l'Amour qui invite à la paix, aux dépassements, à la marche vers les autres même s'il faut rebrousser chemin pour les rejoindre.

     Si pour ce jeune, pour cette femme, pour cet homme, nous ne pouvons être l'Étranger qui se fait reconnaître comme Seigneur, ne pouvons-nous pas être pour eux les disciples qui venant leur annoncer l'espérance, la découvrent aussi en eux qui, à leur manière, sont des témoins de la mort terrassée par le Vivant? (Denise Lamarche, Présence, 1993)

* * * * *

Excellent pronostic

Notre cœur n'était-il pas tout brûlant au-dedans de nous (Luc 24, 35).

     Une jeune femme, qui vient de recevoir des traitements contre un cancer curable, reçoit son congé de l'hôpital et retourne chez elle embarrassée par la perte de cheveux qu'a entraînée la radiothérapie. Au moment où elle s'assoit au comptoir de la cuisine, son fils se pointe et l'examine avec curiosité.

     La mère, qui s'est préparée à cela, explique à son fils pourquoi elle a perdu ses cheveux. Pendant qu'elle continue de lui parler, le petit garçon s'approche d'elle et monte sur ses genoux. Il appuie sa tête contre sa poitrine sans bouger.

     « Un jour, bientôt j'espère, je retrouverai mon apparence d'avant et tout ira mieux » conclut-elle.

     Le bambin reste assis sur les genoux de sa mère, l'air songeur.

     Puis, avec toute la franchise dont un enfant de six ans est capable il déclare : « Les cheveux sont pas pareils, mais le cœur est pareil ». La mère n'a plus eu à se dire qu'« un jour » elle irait mieux. Elle se sentait déjà beaucoup mieux. (M. Pennington, Bouillon de Poulet pour l'âme d'une mère).

LIEN : Voilà un petit garçon qui dépasse l'apparence pour rejoindre sa mère par le cœur. Ce qui est étrange, différent n'est plus un obstacle à la reconnaissance de l'essentiel : l'amour bienveillant et chaleureux qui émane d'elle peut prendre toute la place. Les marcheurs d'Emmaüs ont ressenti et accueilli l'amour infini qui irradiait de l'étranger. Ils ont alors pu le reconnaître à la fraction du pain.

     Jésus a pris l'initiative de la rencontre, il a mis la table en quelque sorte mais l'accueil est entièrement de notre décision. « Tant que nous ne disons pas: Viens, reste avec nous, nos yeux ne reconnaissent pas le Ressuscité ».

Chronique précédente :
L'athée et le croyant