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Les Psaumes

 

David
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chronique du 16 mars 2007
 

Le Psaume 148 : un hymne de louange

Le Psaume 148 est l’un de ces poèmes qui concluent le livre des psaumes. Il condense en lui-même un des thèmes principaux de tout le psautier, celui de la louange. Dans la version de la liturgie des heures qui est proposée ici, on notera la beauté du style, la « géométrie » de ses éléments. Un appel est lancé aux créatures dont l’ordre de présentation est descendant : les anges (v. 2), les astres (v. 3), les éléments cosmiques (« cieux des cieux », « eaux des hauteurs des cieux » v. 4). Dans la deuxième partie, les créatures interpellées apparaissent comme aux détours d’un voyage : « monstres marins, tous les abîmes » (v. 7), « les montagnes et toutes les collines, les arbres des vergers, tous les cèdres; » (v. 9) « les bêtes sauvages et tous les troupeaux, le reptile et l’oiseau qui vole » v. 10.  Enfin, l’homme fait son apparition, depuis les rois jusqu’aux vieillards et aux enfants (v. 11-12). Israël, en dernier lieu, occupe une place spéciale parmi ceux qui chantent la louange de Dieu (v. 14).

1 Louez le Seigneur du haut des cieux,
Louez-le dans les hauteurs.
2 Vous, tous ses anges, louez-le,
Louez-le, tous les univers.

3 Louez-le, soleil et lune,
Louez-le, tous les astres de lumière;
4 Vous, cieux des cieux, louez-le,
Et les eaux des hauteurs des cieux.

5 Qu’ils louent le nom du Seigneur :
Sur son ordre ils furent créés;
6 c’est lui qui les posa pour toujours
Sous une loi qui ne passera pas.

7 Louez le Seigneur depuis la terre,
monstres marins, tous les abîmes;
8 Feu et grêle, neige et brouillard.
Vent d’ouragan qui accomplis ses paroles;

9 Les montagnes et toutes les collines,
Les arbres des vergers, tous les cèdres;
10 Les bêtes sauvages et tous les troupeaux,
Le reptile et l’oiseau qui vole;

11 Les rois de la terre et tous les peuples,
Les princes et tous les juges de la terre;
12 Tous les jeunes gens et jeunes filles,
Les vieillards comme les enfants.

13 Qu’ils louent le nom du Seigneur,
Le seul au-dessus de tout nom;
Sur le ciel et sur la terre, sa splendeur :
14 Il accroît la vigueur de son peuple.

Louange de tous ses fidèles,
Des fils d’Israël, le peuple de ses proches!

     Ce qui donne de la valeur à chaque être évoqué dans le psaume, c’est d’avoir été créé par Dieu : « sur son ordre, ils furent créés » (v. 5). Le verbe employé dans la version hébraïque originale est « bara » qui n’est utilisé qu’à propos de Dieu. Lui seul peut appeler à l’être. Les philosophes diront plus tard que bara-créer, c’est faire de rien mais assurément il désigne déjà une action sur la formation du monde qui est propre à Dieu, unique en son genre, prodigieuse et dûment impossible à tout être créé. L’acte de créer émane de son Être même en tant que Dieu se révèle en exclusive l’Auteur de l’univers.

     Les spirituels voient une lumière particulière qui se dégage de chaque être en tant que créature. Si la plupart des êtres humains ne voient pas cela, c’est que leur cécité est due au péché. Ils ne reconnaissent pas la véritable nature de ce qui les entoure à savoir un effet de la bonté de Dieu. Le péché les aveugle dans la perception d’un aspect pourtant essentiel  de ce qui existe, la relation à Dieu.

     Les saints, par ailleurs, échappent à ce défaut. Saint François d’Assise parce qu’il était un homme entièrement envahi par l’amour de Dieu et adonné à la mortification, a composé un poème très semblable au psaume 148, c’est le cantique des créatures : Loué sois-tu, Seigneur, pour toutes les créatures, spécialement pour le soleil notre frère…Saint François s’approchait des animaux avec douceur et sans crainte pour la même raison : il voyait en eux des créatures de Dieu. Recherchons la pureté du cœur et nous découvrirons que du fait même de leur existence, toutes les créatures « louent  » déjà Dieu.

     Lorsque l’esprit d’adoration habite celui qui prie, le trop plein rejaillit sur la nature. C’est la seule explication possible de l’originalité du psaume 148. Plusieurs psaumes (ex. : Ps. 8) s’adressent aux hommes pour qu’ils comprennent le témoignage qui émane du monde à la gloire de Dieu. Mais alors que ces psaumes en tirent au nom des créatures muettes l’objet d’une louange, ici pour la première fois, le psalmiste s’adresse directement aux créatures pour que d’elles-mêmes, elles louent leur créateur. Le psalmiste a fait école puisque, dans le livre de Daniel, les jeunes gens condamnés à la peine du feu chantent dans la fournaise : O vous, froidure et ardeur, bénissez le Seigneur! (Daniel 3, 67)

     Le rapport entre l’homme et la nature reçoit un enrichissement du psaume 148. La vision du monde prend le contre-pied de deux visions du monde à rejeter parce qu’à jamais inadéquates : la conception mythologique primitive selon laquelle les forces naturelles dominent l’homme qui, effrayé, essaie de les amadouer en les évoquant et en leur offrant des sacrifices, et la conception technocratique moderne suivant laquelle c’est l’homme qui domine la nature et froidement, en dispose à sa guise.

     Le psaume 148 préconise plutôt une vision du cosmos où l’homme et les autres créatures, tant célestes que terrestres, sous le regard de Dieu, vivent en interrelation mutuelle, un peu comme des pairs dont chacun se voit assigner un rôle particulier. Ainsi, dans ce contexte de compagnonnage et de fraternité cosmique, l’homme ne possède pas davantage le monopole de la prière que celui de la vie et de l’existence. Son seul rôle est un rôle « invitatoire », qui consiste à secouer la léthargie des créatures subhumaines pour que, par lui comme médiateur, elles puissent remplir adéquatement leur mission de louange et de service cultuel.

Pierre Bougie, PSS

 

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Dieu est bon pour Israël: le Psaume 72 (73)