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Les Psaumes

 

David
     

chronique du 8 mai 2015

 

Bénis le Seigneur, ô mon âme : Psaume 104 (103)

Psaume 145

Initiale B – psaume 104
Psautier de Saint Albans, vers 1130, Dombibliothek Hildesheim
Image © Hildesheim, St Godehard

Bénis le Seigneur, ô mon âme;
Seigneur, mon Dieu, tu es si grand!
Revêtu de magnificence,
tu as pour manteau la lumière!

Comme une tenture, tu déploies les cieux,
tu élèves dans leurs eaux tes demeures;
des nuées, tu te fais un char,
tu t’avances sur les ailes du vent;
tu prends les vents pour messagers,
pour serviteurs, les flammes des éclairs.

Tu as donné son assise à la terre :
qu’elle reste inébranlable au cours des temps.
Tu l’as vêtue de l’abîme des mers :
les eaux couvraient même les montagnes;
à ta menace, elles prennent la fuite,
effrayées par le tonnerre de ta voix.

Elles passent les montagnes, se ruent dans les vallées
vers le lieu que tu leur as préparé.
Tu leur imposes la limite à ne pas franchir :
qu’elles ne reviennent jamais couvrir la terre.

Dans les ravins tu fais jaillir des sources
et l’eau chemine aux creux des montagnes;
elle abreuve les bêtes des champs :
l’âne sauvage y calme sa soif;
les oiseaux séjournent près d’elle :
dans le feuillage on entend leurs cris.

De tes demeures tu abreuves les montagnes,
et la terre se rassasie du fruit de tes œuvres;
tu fais pousser les prairies pour les troupeaux,
et les champs pour l’homme qui travaille.

De la terre il tire son pain :
le vin qui réjouit le cœur de l’homme,
l’huile qui adoucit son visage,
et le pain qui fortifie le cœur de l’homme.

Les arbres du Seigneur se rassasient,
les cèdres qu’il a plantés au Liban;
c’est là que vient nicher le passereau,
et la cigogne a sa maison dans les cyprès;
aux chamois, les hautes montagnes,
aux marmottes, l’abri des rochers.

Tu fis la lune qui marque les temps
et le soleil qui connaît l’heure de son coucher.
Tu fais descendre les ténèbres, la nuit vient :
les animaux dans la forêt s’éveillent;
le lionceau rugit vers sa proie,
il réclame à Dieu sa nourriture.

Quand paraît le soleil, ils se retirent :
chacun gagne son repaire.
L’homme sort pour son ouvrage,
pour son travail jusqu’au soir.

Quelle profusion dans tes œuvres, Seigneur!
Tout cela, ta sagesse l’a fait;
la terre s’emplit de tes biens.

Voici l’immensité de la mer,
son grouillement innombrable d’animaux grands et petits,
ses bateaux qui voyagent,
et Léviathan que tu fis pour qu’il serve à tes jeux.

Tous, ils comptent sur toi
pour recevoir leur nourriture au temps voulu.
Tu donnes : eux, ils ramassent;
tu ouvres la main : ils sont comblés.

Tu caches ton visage : ils s’épouvantent;
tu reprends leur souffle, ils expirent
et retournent à leur poussière.
Tu envoies ton souffle : ils sont créés;
tu renouvelles la face de la terre.

Gloire au Seigneur à tout jamais!
Que Dieu se réjouisse en ses œuvres!
Il regarde la terre : elle tremble;
il touche les montagnes : elles brûlent.

Je veux chanter au Seigneur tant que je vis;
je veux jouer mon Dieu tant que je dure.
Que mon poème lui soit agréable;
moi, je me réjouis dans le Seigneur
Que les pécheurs disparaissent de la terre!
Que les impies n’existent plus!

Bénis le Seigneur ô mon âme!

Traduction officielle liturgique

Dieu et son œuvre

     Nous connaissons un lointain ancêtre du psaume 104. Un poème, composé par Aménophis IV, rend hommage au dieu Soleil, Aton-Râ. « Le vieux chant païen, authentiquement religieux, mérite le sort que lui a fait  le psalmiste quand il l’a jugé digne de servir de modèle à un hymne des enfants d’Israël louant IHWH, l’auteur du monde, pour la beauté de sa création. » (M. Mannati, Les psaumes, Cahiers de la Pierre-qui-vire, Paris, Desclée de Brouwer, 1967, tome 3, p. 276.)

     Par ailleurs, le psaume a un frère qui lui ressemble beaucoup. Il s’agit du récit de la création aux premières pages de la Bible (voir Genèse 1 – 2,4). Le psaume a probablement été rédigé avant le premier chapitre de Genèse. Le psalmiste n’a donc pas été  inspiré par le récit des six jours de la création. Le récit de la Genèse a été écrit pour honorer la création à l’occasion du jour qui lui est particulièrement consacré au début de l’année dans le calendrier d’Israël. « Or le psaume 104 répond à cette même destination en chantant la victoire du Roi IHWH à l’origine du monde et sa victoire finale. » (M. Mannati, Les psaumes, p. 278)

     Les deux frères ne sont pas des jumeaux cependant. Le récit de la Genèse présente les œuvres du créateur comme une liste qui se répartit sur six jours consécutifs. Le psaume présente les mêmes éléments mais placés dans un ordre différent. La Genèse se contente d’énumérer. Le psaume dit le pourquoi des choses et il met les éléments en relation les uns avec les autres.

     Le psalmiste adresse sa louange à Dieu qu’il présente comme le créateur et le roi de la création. Dès les premiers versets, le psaume loue la grandeur et la magnificence de Dieu (v. 1). Celui-ci porte un manteau qui est tout en lumière (v. 2), un manteau royal : « Le Seigneur a revêtu sa force », dit un autre psaume (Psaume 93,1). Il habite un palais royal dans les eaux des cieux (v.  2-3). Il se déplace « sur les ailes du vent » (v. 3). Les vents comme les éclairs sont à son service et forment sa cour royale (v. 3-4). Tout est gigantesque dès les premiers versets du poème. Dieu évolue dans un immense jardin. Déjà, il règne en roi victorieux même si le psaume laisse entendre qu’il s’apprête à partir en guerre contre le chaos. « À ta menace, (les eaux) prennent la fuite, effrayées par le tonnerre de ta voix. » (v. 7) Il n’y aura plus de déluge : « Tu leur imposes la limite à ne pas franchir : qu’elles ne reviennent jamais couvrir la terre. » (v. 9)

     Notons en passant : « Il ne faut pas être dupe de l’anthropomorphisme. En toute rigueur de termes, Dieu n’a rien à conquérir, mais le langage biblique sait que les hommes ne peuvent exprimer ce qui concerne Dieu que d’une façon humaine. Il vaut mieux parler de Dieu comme d’un roi qui acquiert la royauté et conquiert la suprématie – quoique cela ne soit pas exact – que de renoncer à exprimer par ces inexactitudes une vérité, la transcendance de Dieu, sa puissance victorieuse. » (M. Mannati, Les psaumes, p. 278)

     « Je veux chanter au Seigneur tant que je vis; je veux jouer mon Dieu tant que je dure. Que mon poème lui soit agréable; moi, je me réjouis dans le Seigneur. » (v. 33-34) Avec le psalmiste, nous laissons éclater notre joie de vivre au milieu de la création de Dieu. Nous ne cessons de nous émerveiller devant l’œuvre du créateur. Nous allons plus loin encore : nous nous sentons invités à prendre le relais de Dieu et à poursuivre son action créatrice. « L’homme sort pour son ouvrage, pour son travail, jusqu’au soir. » (v.  23) Ainsi, il obéit au créateur qui lui propose une mission incontournable : « Soyez féconds et multipliez-vous, remplissez la terre et soumettez-la. Soyez les maîtres des poissons de la mer, des  oiseaux du ciel, et de tous les animaux qui vont et viennent sur la terre. » (Genèse 1,28) Nous sommes donc responsables de la terre et de tout ce qui vit et fait vivre sur la planète. Proclamer le psaume 104, c’est s’engager à promouvoir une terre qui respecte l’environnement. L’écologie n’est pas une mode passagère. Elle appelle à une constante prise en charge de la création de Dieu.

     Terminons en rappelant  que le verset 30 du psaume se retrouve dans la vie de prière des chrétiens et des chrétiennes pour évoquer le souffle  de l’Esprit Saint. « Tu envoies ton souffle (ton Esprit) : ils sont créés; tu renouvelles la face de la terre. » Petit détour qui associe le psaume à la liturgie pascale et à la Pentecôte (voir Jean 20,22).

Denis Gagnon

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Mon Dieu, je t’exalterai : Psaume 145