Initiale B – psaume 33. Psautier de Saint-Alban, vers 1130, Dombibliothek Hildesheim (photo © Hildesheim, St Godehard).

Debout, les humbles : Psaume 34 (33)

Jean GrouJean Grou | 25 janvier 2021

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Le Psaume 34 fait partie de ce qu’on appelle les psaumes alphabétiques, c’est-à-dire que le premier verset commence par la première lettre de l’alphabet hébraïque, le deuxième verset par la deuxième lettre et ainsi de suite.

Dans cette prière se déploie une longue exhortation à faire confiance à Dieu appuyée par le rappel de sa bienveillance qui s’exerce de multiples façons. Contrairement à beaucoup d’autres psaumes, celui-ci ne s’adresse jamais au Seigneur, mais parle néanmoins abondamment de lui. On peut reconnaître dans sa forme l’influence des courants littéraires de la sagesse avec une série de conseils, de recommandations et d’aphorismes. Sa parenté avec le livre des Proverbes, qui se plait à mettre en opposition le sort des « justes » et celui des « méchants », est assez évidente. Il se présente comme une sorte de guide pour réussir sa vie et demeurer sur le chemin qui conduit au bonheur.

Si le Psaume 34 ne s’adresse jamais à Dieu, il interpelle cependant un « public » appelé dès le départ « les humbles » (v. 3).  Il s’agit ici de ceux que la Bible désigne comme les anawim, c’est-à-dire les pauvres, les laissés-pour-compte, les cœurs blessés. Ces gens apparemment les plus à plaindre sont invités à rendre grâce au Seigneur tandis que « les puissants ne sont pas à l’abri de la disette et de la faim » (v. 11). Ce genre de paradoxe rappelle les béatitudes, alors que Jésus proclame « heureux » ceux qui ont faim, qui pleurent, qui sont détestés ou exclus… (Luc 6,21-23) Un autre passage des évangiles va dans le même sens, le Magnificat, qui proclame : « Le Tout-Puissant […] a montré son pouvoir en déployant sa force : il a mis en déroute les hommes au cœur orgueilleux, il a renversé les rois de leurs trônes et il a placé les humbles au premier rang. Il a comblé de biens ceux qui avaient faim, et il a renvoyé les riches les mains vides. » (Luc 1,49.51-53) L’évangéliste Luc avait peut-être le Psaume 34 en tête lorsqu’il a rédigé ces deux épisodes…

Dans un autre ordre d’idée, mais toujours en lien avec les évangiles, le récit de la Passion du Seigneur selon saint Jean comporte une référence directe au Psaume 34. En effet, au moment où les soldats se rendent pour briser les jambes des trois crucifiés afin d’accélérer leur mort, ils constatent que Jésus a déjà rendu l’âme. L’évangéliste apporte alors cette précision : « Cela est arrivé pour que ce passage de l'Écriture se réalise : “On ne lui brisera aucun os.” » (Jean 19,36) L’auteur voit sans doute dans la conclusion du supplice de Jésus l’accomplissement de ce que dit le Psaume : « Le fidèle endure de nombreux maux, mais le Seigneur le délivre de tous, il veille sur tous les membres de son corps, pour qu’on ne lui brise aucun os. » (v. 20-21) Cette allusion furtive permet à saint Jean de signaler que même dans ce qui semble un abandon total, le Père continue de veiller sur son Fils et l’heure viendra où il le délivrera non seulement « de nombreux maux » mais aussi de la mort.

Mais revenons aux anawim, aux humbles à qui le Psaume 34 s’adresse au départ (v. 3). Tout un programme leur est proposé : « Réjouissez-vous » (v. 3), « dire la grandeur du Seigneur […] proclamons bien haut qui il est » (v. 4), « constatez combien le Seigneur est bon » (v. 9)… Tous ces appels sont fondés sur la confiance en la bienveillance divine dont le psalmiste énumère de nombreux signes : « Je me suis adressé au Seigneur et il m’a répondu » (v. 5), « ceux qui lèvent les yeux vers lui rayonnent de joie » (v. 6), « un pauvre […] a crié au secours ; le Seigneur l’a entendu » (v. 7), « l’ange du Seigneur monte la garde » (v. 8), etc. Toutes ces belles affirmations pourraient presque passer pour de la pensée magique. N’est-ce pas un peu facile, en effet, d’inviter les plus malheureux, les éprouvés à se réjouir et à faire la fête parce que Dieu est bon et entend leurs plaintes? Raisonner ainsi serait cependant passer sous silence ce bref mais essentiel passage du Psaume 34 : « Si quelqu’un aime la vie et s’il désire vivre heureux, il doit se garder de médire, se garder de mentir, s’écarter du mal, pratiquer le bien et rechercher la paix avec persévérance. » (v. 13-15) Pour que la bienveillance divine puisse se déployer dans le concret de l’existence, il importe de repousser tout ce qui peut lui barrer la route – la médisance, le mensonge, le mal – et mettre tout en œuvre pour que le bien et la paix triomphent. Alors seulement les paroles du Psaume 34 pourront résonner en toute vérité.

Jean Grou est bibliste et rédacteur en chef de Vie liturgique et Prions en Église.

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Psaumes et cantiques

Trésors de la prière juive et chrétienne, les psaumes n'en demeurent pas moins des textes qui demandent parfois d'être apprivoisés. Cette chronique propose une initiation aux psaumes et à la prière avec les psaumes.