(Ramiro Martinez / Unsplash)

La vie des justes est dans la main de Dieu – AT9

Paul-André DurocherPaul-André Durocher | 15 janvier 2021

Dans la liturgie, ce cantique est scindé en deux mais puisqu’ils forment une unité dans le livre de la Sagesse, ils sont traités ensemble dans cet article.

Référence biblique : Sagesse 3, 1-7a (AT9a)
Liturgie des Heures : Vigile — Commun des Martyrs

1 L’âme des justes est dans la main de Dieu ;  
aucun tourment n’a prise sur eux.
2 Aux yeux de l’insensé, ils ont paru mourir ;  
leur départ est compris comme un malheur,
3 et leur éloignement, comme une fin :  
mais ils sont dans la paix.   

4 Au regard des hommes, s’ils ont subi un châtiment,
leur espoir est plein d’immortalité.
5 Après de faibles peines,
de grands bienfaits les attendent,
car Dieu les a mis à l’épreuve
et trouvés dignes de lui.

6 Comme l’or au creuset, il les a éprouvés ; †
comme une offrande parfaite il les accueille.
7 Au temps de sa visite, ils resplendiront.

Référence biblique : Sagesse 3, 7b-9 (AT9b)
Liturgie des Heures : Vigile — Commun des Apôtres

7 En ce jour-là, les justes resplendiront :
comme le feu dans les chaumes, ils avancent.

8 Ils jugeront les nations, ils auront pouvoir sur les peuples,
et le Seigneur règnera sur eux pour les siècles.

9 Qui met en lui sa foi comprendra la vérité,
et les croyants resteront dans l’amour près de lui.

Pour ses amis, grâce et miséricorde :
il visitera ses élus.

À l’origine. Avant l’Exil, les auteurs bibliques ne s’inquiétaient pas trop de ce qui se passerait après la mort. Mais la persécution qu’ont subie les Juifs sous le roi grec Antiochos IV au 2e siècle av. J.-C. a soulevé une question lancinante : comment Dieu a-t-il pu permettre la mort violente des Juifs fidèles à leur foi? Au contact des cultures perses et grecques, les auteurs bibliques ont engagé une réflexion qui a mené à diverses réponses. Ces approches n’ont été intégrées dans une vision commune qu’après la destruction du Temple en l’an 70 de notre ère.

Le livre de la Sagesse a été rédigé en grec par un ou plusieurs auteurs anonymes – probablement en Alexandrie – dans les décennies précédant la naissance de Jésus. Le passage duquel sont tirés les cantiques 9A et 9B de la Liturgie des heures nous présente une réponse possible à la question de la mort des martyrs. Il y aurait dans l’être humain un principe vital – l’âme – qui survivrait au corps. Dieu peut alors combler les âmes des martyrs juifs au-delà de leur mort.

Les cantiques 9A et 9B soulignent le contraste entre la violence de la martyrisation de ces justes et leur félicité après la mort. Leur supplice est comparé à une épreuve qui vérifie la qualité de leur fidélité, récompensée par Dieu.

Quoique le texte ne parle pas de résurrection, il évoque un jour où Dieu interviendra dans l’histoire pour juger les nations. Les martyrs seront alors appelés à gouverner les peuples, alors que Dieu établira son propre règne sur le monde. L’attente de cette « visite de Dieu » qui viendra récompenser les martyrs fonde l’espérance de tout le peuple.

À la lumière de l’Évangile. Les philosophes grecs comme Aristote étaient convaincus de l’immortalité de l’âme. Ils auraient donc compris la pensée du livre de la Sagesse sur ce point. Mais la foi des premiers chrétiens n’était pas fondée sur une philosophie, elle jaillissait de l’expérience de la résurrection de Jésus, phénomène qui concerne son corps autant que son âme. Paul s’est buté à l’incompréhension des Grecs sur ce point, comme on peut le voir dans le récit de sa discussion avec les philosophes d’Athènes (voir Actes 17,16-23).

Ces premiers chrétiens ont repris la conviction du livre de la Sagesse en lui donnant un nouveau souffle. Ce qui était annoncé comme une possibilité était devenue une réalité dans la résurrection de Jésus. Oui, Dieu a relevé le Juste qui, à cause de sa fidélité, a été martyrisé. « Dieu l’a exalté : il l’a doté du Nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse au ciel, sur terre et aux enfers. » (Philippiens 2,9-10)

Ils étaient aussi convaincus de ressusciter eux-mêmes à la fin des temps, afin de partager sa gloire. Comme l’explique saint Paul : « C’est dans le Christ que tous recevront la vie, mais chacun à son rang : en premier, le Christ, et ensuite, lors du retour du Christ, ceux qui lui appartiennent… Car c’est lui qui doit régner jusqu’au jour où Dieu aura mis sous ses pieds tous ses ennemis. » (1 Corinthiens 15,22-26)

Dans ma vie. Je ne sais pas de quoi aura l’air ma résurrection. Tout effort de me l’imaginer me semble une perte de temps. Mais la transformation des disciples de Jésus par leur expérience du matin de Pâques fonde ma foi : le Christ a triomphé de la mort, et nous pouvons en triompher avec lui!

Cette double conviction donne sens à mes désirs profonds de justice, de fraternité et de paix, ainsi qu’à tous les efforts que je consacre à les réaliser. J’ai la conviction qu’en suivant Jésus, en essayant tant bien que mal de vivre à sa manière, je pourrai à mon tour être ouvert à la puissance de Vie de laquelle jaillit l’univers, mystère insondable auquel je donne le nom de Dieu. L’espérance du livre de la Sagesse, concrétisée dans la résurrection de Jésus, devient ainsi mon espérance.

Dans le plan de Dieu. Les cantiques 9A et 9B trouvent un écho saisissant dans le chapitre 7 du livre de l’Apocalypse. Au cours d’une vision, Jean voit une foule rassemblée autour du trône de Dieu. Une figure mystérieuse lui explique qui sont ces gens : « Ceux-là viennent de la grande épreuve ; ils ont lavé leurs robes, ils les ont blanchies par le sang de l’Agneau. C’est pourquoi ils sont devant le trône de Dieu… Ils n’auront plus faim, ils n’auront plus soif, ni le soleil ni la chaleur ne les accablera… Et Dieu essuiera toute larme de leurs yeux. » (7,13-17) Cette vision nourrit notre propre espérance de partager un jour la joie et l’amour de Dieu. Oui, « pour ses amis, grâce et miséricorde : il visitera ses élus ».

Mgr Paul-André Durocher est archevêque de Gatineau (Québec).

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