Un faible pour un prophète des temps anciens

Comment peut-on arriver droit au cœur, au corps, par un récit ou des paroles appartenant à Moïse? Le récitatif biblique m’a donnée d’entrer dans mon pays intérieur, celui de me laisser visiter par une vieille parole de 2000 ans… D’être touchée cœur à corps pour me mettre en accord avec ma vérité sur mon chemin d’humanité.

     Mes premier pas avec le récitatif biblique furent en 1994-95 avec le récit : Jésus et les petits enfants. À cette époque j’enseignais à de jeunes enfants multi-handicapés et je devais faire beaucoup de gestes et de mouvements pour leur permettre d’exprimer une certaine « parole » corporelle… À cette soirée, j’ai réalisé que je venais de faire des gestes pour la première fois et que c’était dans ce sens que je justifiais ma présence dans ce groupe.

     Jusqu’en 2005, avant ma rencontre avec le récit de Moïse au buisson ardent (Ex 3,13-15), je participais pleinement à toutes les sessions du récitatif qui se présentaient à moi… Je baignais tout naturellement dans tous les gestes comme tous et chacun sans me poser de questions sur l’effet, le sens et l’impact qu’ils avaient sur mon corps. Du moins, je n’en avais pas trop conscience… et je reproduisais le mouvement de tous les gestes comme si j'étais droitière. Il faut savoir qu'en récitatif, le côté du corps qui fait les gestes a un sens symbolique, ce qui nous aide à faire l'expérience du sens du texte. À l’origine, celui qui les a créés était droitier; le côté droit est symboliquement représenté par le côté habile, fort, bon, d'avenir, c’était d’un naturel évident pour un droitier.

     Je ressentais presque toujours un inconfort émotif dont je ne tenais pas toujours compte, car le vocabulaire des gestes du côté gauche représentent symboliquement la mort, le passé, la géhenne, les ténèbres, le mauvais, le malhabile, etc. Alors je recevais une dimension assez triste de mon côté gauche.

     Écrivant de la main gauche et portant dans mon histoire personnelle une blessure importante du côté gauche, j’étais touchée du vocabulaire de cette gestuelle qui assombrissait une incompréhension en moi… J'ai donc été amenée à essayer de faire ces gestes comme une gauchère, mais cela n'était pas facile et tout se mélangeait.

     Lors d’une activité d’intégration donnée par Louise Bisson sur la Parole : Dieu dit à Moïse : JE SUIS QUI JE SERAI, il fallait se situer en vérité dans la lumière de cette affirmation, de cette réponse de Dieu à soi-même.

     J’ai souvenance et je me revois marcher seule et faire la gestuelle de cette parole avec mon bras gauche (il fallait partir du centre de soi avec notre main tournée vers l’intérieur et la ressortir en poussant le bras vers l’extérieur et ouvrir la main droit devant soi…)

     Je récitais cette parole qui venait de Dieu et la fit mienne tout doucement en la reliant à moi. Je pleurais, je continuais à ressentir l’inconnu de mon mouvement sans trop savoir où cela me mènerait…

     À partir de cette expérience corporelle, j’ai pu « déposer » du côté gauche de mon corps tous les gestes qui sont identifiés à ceux de droite. Imaginez « gestuer » Dieu et Jésus à gauche, c’est déstabilisant face au savoir faire orthodoxe cependant je commence à me tenir telle que je suis dans ma présence à Dieu.

     J’ouvre un chemin d’une soif inaltérable de connaître cette partie gauche de mon être. Elle devient vivante parce que je me laisse toucher par ces paroles de récits bibliques que j’assimile avec beaucoup plus de saveur…

     Je ne mesure pas encore toute la beauté et les bouleversements apportés à ma vie… Je sais que suis pleinement vivante en m’ouvrant et en me laissant doucement modeler par le récitatif biblique qui me berce au gré d’un pas à la fois.

Josette McNicoll

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Ce n’est pas de pain seul que vivra l’être humain