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chronique du 28 février 2014

 

Honorine Carrel et Marie, mère de Jésus

Ma mère [Honorine Carrel] m’a appris le sens du balancement intelligent et mémorisant. C’est le plus beau souvenir que j’ai de cette petite paysanne illettrée qui n’avait été à l’école que trois hivers et qui m’a élevé et m’a instruit. (Baron, p. 15)

     Marcel Jousse fut pratiquement orphelin de père. Cet homme était un gros travailleur, mais il était dur et avare, et son épouse le quitta quand Marcel avait douze ans. Le père aurait voulu mettre son fils au travail. Honorine lui abandonna le peu qu’elle possédait et s’en alla vivre seule avec Marcel, afin qu’il puisse étudier et devenir prêtre, comme il le désirait. Comme elle a travaillé, et comme Marcel lui en fut reconnaissant! Il se souvient :

Il est deux heures du matin. Là-bas, dans la petite chambre froide, une mère travaille pour son fils. Elle a dormi à peine un quart d’heure pour pouvoir continuer plus longtemps. Il faut cela pour faire instruire le fils, et cela pendant des années et des années. (Baron, p. 31)

     Mais aussi comme il a appris! Jousse fait remonter à sa mère sa méthode scientifique, le goût de toucher, d’explorer, de comprendre. Surtout, il a reçu d’elle l’évangile transmis oralement, accompagné du bercement qui favorise la mémoire. Son ambition de retrouver la parole vivante de Jésus est née à la maison. En fait, Jousse dira que sa mère savait lire et écrire, mais elle savait son catéchisme par cœur, de même que la mère Guespin, une voisine qui, elle, ne savait pas lire, mais qui savait son catéchisme et son évangile mieux que le curé (Jousse 1, p. 348).

     Après que Jousse fut parti au séminaire, sa mère se retira à Fresnay-sur-Sarthe, une quinzaine de kilomètres au nord-ouest de Beaumont. Marcel allait lui rendre visite là, déjà lorsqu’il était en permission pendant la guerre de 1914, puis après qu’il fut devenu prêtre, jésuite et professeur à Paris. Quelques mois avant sa mort, elle fut accueillie à l’hospice tenu par les sœurs de la Charité d’Évron, celles mêmes qui avaient tenu l’école maternelle de Beaumont que le petit gars Marcel avait fréquentée. Honorine mourut là en  décembre 1930.

     Après la deuxième grande guerre, pendant ses dernières années, Jousse passait ses vacances à Fresnay, et c’est là que lui-même mourut et fut enterré trente ans plus tard.
La tendresse de Marcel Jousse pour sa mère nourrissait sa dévotion à la Vierge Marie. Ce qu’avait été Honorine pour lui dans son apprentissage des récitatifs l’aidait à imaginer ce qu’avait pu être Marie dans l’apprentissage de Jésus. Jousse disait :

nous avons dans l’Évangile :
                  “Et Mâriâm retenait toutes ces Paroles
                              et se les récitait en son cœur.”

     Deux fois dans saint Luc, vous avez la marque d’authenticité des Récitatifs de l’enfance de Iéshoua. Vous voulez savoir quelles sont les sources de Luc? C’est le cœur-mémoire de la mère récitante (Baron, p. 101).

     Ailleurs, voici comment Jousse décrit la crèche à la lumière des paroles de Jean : « Et le Verbe s’est fait chair et il habita chez nous » :

Et nous le voyons, ce Memrâ incarné, au centre, dans la mangeoire de Bethléem, sous la forme d’un petit enfant. Puis, d’une part, la mère, la grande rythmeuse qui a été pour moi l’occasion de ma plus belle découverte : l’origine araméenne du Magnificat, d’autre part, le père adoptif, l’homme aux mains calleuses, le paysan-artisan qui a eu l’habileté manuelle par le maniement des outils » (Baron, p. 119).

     Jousse rejoue à sa manière la scène de Bethléem. Il fait de même pour l’image de Marie au pied de la croix :

Dans les calvaires bretons, vous voyez dressé, au milieu, le Maître, l’Enseigneur qui s’est donné jusqu’à la limite. A ses pieds, debout, sa mère et près d’elle, l’appreneur de prédilection. Et nous entendons ces paroles araméennes : “Mère”. Ah, comprenez bien le sens araméen qui n’est ni français, ni latin, ni grec: Immâ, c’est-à-dire enseigneuse, institutrice, formatrice:
« Immâ, voilà ton fils, ton instruit, ton enseigné, ton berâ. »
« Berâ, fils, voilà ta mère, ton immâ. » [...]
« Et, dès ce moment, l’Appreneur de prédilection prit Mâriâm chez lui. »
Et ce fut la première de ces Assemblées mémorisantes qu’on appelle Qehillâ et qui deviendra l’Ekklesia. Aussi, ne vous étonnez pas de retrouver Mâriâm à la Pentecôte, récitant selon la tradition le Cantique des cantiques avec les Appreneurs de Iéshoua alors que l’Enseigneur a disparu... (Baron, p. 117).

Gaston Lessard

 

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La maison bâtie sur la pierre