Guérison de l’homme à la main paralysée. Mosaïque byzantine. Cathédrale de Monreale, Italie (Wikipedia).

Jésus face à la controverse sur le sabbat

AuteurAuteurHélène Pinard et Hélène Boudreau | 30 décembre 2019

En ce temps de l’année où nous fêtons Noël et le Jour de l’An, les familles sont réunies. C’est souvent l’occasion de controverses. Nous connaissons bien ces sujets à éviter en famille : la politique, la religion, les sports et quoi encore… et qui, souvent, se terminent en conflit.

Jésus se retrouve souvent au cœur des controverses. Le récitatif biblique : « Or il advint, un autre sabbat » (Lc 6,6-11) en est un bel exemple. Le genre littéraire de la controverse était très prisé par les rabbins juifs. Cette façon d’aborder un sujet litigieux lui est familière.

Voici la structure de ce genre littéraire que Luc utilise pour rendre compte de l’enseignement de Jésus (une controverse de type rabbinique) :

  • On présente le contexte du débat, notamment les personnes rassemblées.
  • Une question est posée à un rabbin par un élève, ou à un élève par un rabbin.
  • La réponse est donnée de manière brève, ou, mieux, elle consiste en une autre question renvoyant à ce qui est supposé connu de tous.
  • Les adversaires donnent leur appréciation.
  • La solution est reconnue valide si elle se base sur une affirmation de la Torah et l’autorité d’un rabbin.

Reprenons notre péricope et voyons comment sont présentés les différents éléments de la controverse :

  • Le contexte est clair : lors d’un jour de sabbat, dans la synagogue, des scribes et des pharisiens observent Jésus. Une question les hante : Jésus fera-t-il une guérison le jour du sabbat? En effet un homme à la main droite sèche était présent ce jour-là.
  • Selon les prescriptions que suivent les scribes et les pharisiens, il est interdit le jour du sabbat de faire quelque travail que ce soit. C’est la question à débattre.
  • Jésus, connaissant la position des scribes sur ce sujet, pose clairement la question : Est-il permis, le sabbat de faire du bien ou de faire du mal, de sauver une vie ou de la perdre?
  • Les adversaires demeurent en silence. Leur conception du sabbat est remise en question. Face à leur attitude, Jésus guérit l’homme à la main droite sèche.
  • Les adversaires ne reconnaissent pas la validité de l’interprétation que fait Jésus de la Loi. Ils sont « remplis de fureur et délibèrent sur ce qu’ils feraient à Jésus » (traduction Hélène Pinard, Louise Bisson 2019).

Il arrive donc que la controverse se termine en conflit ouvert. Cependant, Jésus n’évite pas de remettre en question les déviances de la Loi telle qu’elle est enseignée par les docteurs de la Loi et les scribes. Il demeure fidèle à la Bonne Nouvelle proclamée en gestes et en paroles (voir Lc 4,21).

La question du sabbat 

L’institution du sabbat répondait à une situation vécue par le peuple d’Israël réduit en esclavage à Babylone. Ce dernier réclamait un jour de repos, à l’image du Dieu Créateur (Gn 2,2), jour consacré par les Juifs pour Le louer.

La législation du sabbat devint de plus en plus minutieuse, imposant d’innombrables interdits : préparer la nourriture, allumer du feu, ramasser du bois, pratiquer la cueillette, aider un animal ou un homme en danger, porter des fardeaux, marcher plus de 1250 mètres et même défaire un nœud ou tracer plus d’une lettre de l’alphabet. Aussi, les casuistes se divisaient-ils sur l’extension et l’obligation de ces diverses pratiques. [1]

Jésus propose ici une interprétation du sabbat justement tirée du premier récit de la création de la Genèse (1,1 – 2,3) qui évoque le repos de Dieu : Et il vit que tout ce qu’il avait fait était très bon! Et Dieu bénit le septième jour. La bénédiction de Dieu génère la vie !

Voilà une affirmation de la Torah qui valide l’agir de Jésus, particulièrement en ce jour durant lequel on s’arrête pour louer Dieu [2]. En effet, quelle belle façon de louer Dieu que de redonner toute sa dignité à un être humain! C’est le sens de la guérison de l’homme à la main droite sèche qui retrouve ainsi toute sa capacité d’agir.

Jésus apporte ainsi une vision différente, neuve, de la Loi. Dans le contexte plus large de notre péricope (Lc 5,17 – 6,11), il devient clair que cette nouveauté ne pourra s’accorder avec la vision de la Loi telle que l’enseignent les scribes et les docteurs de la Loi. Seul un cœur transformé et renouvelé de l’intérieur peut accueillir cette nouveauté que Jésus présente en gestes et en paroles.

En ce temps de Noël, qui se poursuit jusqu’à la fête du baptême de Jésus, entrons dans la joie de cette Loi nouvelle que nous apporte le Sauveur.

Hélène Pinard et Hélène Boudreau sont transmetteures pour l’Association canadienne du récitatif biblique.

[1] Xavier Léon-Dufour, article « sabbat ». Dictionnaire du Nouveau Testament, Paris, Seuil, 1975.
[2] X. Léon-Dufour, art. « sabbat ». Ibidem.

Jousse

Récitatif biblique

L'Association canadienne du récitatif biblique propose une chronique mensuelle pour comprendre la discipline spirituelle qui rassemble ses membres. Axée sur la Parole et sur son effet sur l'ensemble de la personne, le récitatif biblique est une forme de méditation où tous les sens sont sollicités.