Le semeur. Vincent van Gogh, 1888. Huile sur toile, 64 x 80,5 cm. Musée Kröller-Müller, Otterlo (Wikimedia).

Quand la Parole semée porte du fruit

AuteurAuteurHélène Pinard et Hélène Boudreau | 25 mai 2020

Le récitatif biblique est une discipline qui permet d’imprimer en soi la Parole. En cours d’apprentissage, grâce à la répétition des versets bibliques, se creuse peu à peu à l’intérieur de soi un lieu spécifique pour cette Parole. Marie, la mère de Jésus, comme les juifs de son époque, a porté les paroles-événements [1] qui ont marqué sa vie : « Et Marie retenait toutes ces paroles les récitant dans son cœur. » (Luc 2,19 ; voir 2,51b) La Parole deviendra alors compagnon de route qui rejouera le moment venu comme une invitation à grandir dans nos relations. Ainsi elle portera du fruit au quotidien.

Ce concept de parole-événement traverse toute la Bible : 

Si vous écoutez ces règles, si vous les gardez et si vous les exécutez, en retour, le Seigneur ton Dieu te gardera l’alliance et la fidélité qu’il a jurée à tes pères. (Dt 7,12)

Quiconque écoute les paroles que j’ai dites et les met en pratique… (Mt 7,24)

Montre-toi pour les croyants un modèle en parole, en conduite, en amour, en fidélité, en pureté. (1 Tm 4,12b)

La parole répétée, en s’imprimant en soi, devient plus que simple succession de mots. Elle prend vie au cœur de celle ou celui qui l’apprend. Elle résonne autrement selon les événements vécus par la personne qui récite. Ainsi, la relation entre cette personne et le tout-Autre se nourrit de la Parole-Événement entendue, reçue, partagée. Les personnes qui pratiquent régulièrement des récitatifs connaissent bien ces mouvements de vie intérieure.

L’objectif n’est donc pas d’apprendre la Bible par cœur mais, comme le disait bien rabbi Ismaël : « Quiconque apprend afin de pratiquer, celui-là a pouvoir en main d’apprendre et de faire apprendre, de garder et de pratiquer » (Rabbi Ismaël cité par Louise Bisson, 1998). L’appreneur reçoit une Parole qui le met en relation avec l’Autre. Il se voit invité à entrer dans un dialogue grâce auquel sa propre parole, prenant racine dans son histoire, imprégnera son agir. Cette cohérence entre la parole et l’agir est fruit de la maturité humaine.

Les évangélistes mettent en relation les gestes et les paroles de Jésus. Matthieu a d’ailleurs construit son évangile en discours et en textes narratifs pour bien montrer que l’enseignement de Jésus n’est pas que paroles, mais actions qui confirment ce qu’il enseigne. Marc, Luc et Jean, chacun à leur manière, témoignent de cette réalité.

Transmettre un récitatif sans l’avoir profondément intégré peut se comparer à une « cymbale retentissante » (1 Co 13,1). Alors, comme il arrive souvent dans ces cas-là, les auditeurs auront l’impression que ça sonne creux, que ça sonne faux. Cela rappelle bien ce que Jésus dit aux foules et à ses disciples au sujet des scribes et des pharisiens : 

Tout ce qu’ils vous disent faites-le donc et gardez-le, mais n’agissez pas selon leurs œuvres ; car ils disent et ne font pas. Ils lient de lourdes charges et les mettent sur les épaules des hommes, mais eux-mêmes se refusent à les remuer du doigt. (Mt 23,3-4)

Si l’agir ne suit pas la Parole, celle-ci demeure stérile. Cette Parole demande une terre qui l’accueille pour qu’elle germe et porte du fruit (Mc 4,3-9 et paral.).

Dans la discipline du récitatif biblique, ce n’est pas la personne qui se dit, mais bien la Parole qui s’exprime en passant par la personne. Il est donc fondamental que les personnes qui transmettent les récitatifs vivent intensément leur lien avec le Christ par la Parole et dans les événements. C’est une condition favorable pour que leurs auditeurs puissent recevoir, entendre, vivre, partager la Parole de façon authentique.

C’est pour cette raison qu’il n’est pas conseillé d’apprendre seul un récitatif à partir d’une vidéo. La relation entre transmetteur et appreneur permet de préparer le terrain de la relation entre la Parole qui est enseignée et la parole qui surgit d’un cœur qui l’écoute et désire la mettre en pratique. La présence vivante de la Parole à travers la personne qui transmet fait toute la différence. C’est l’étincelle qui stimule la flamme intérieure chez l’appreneur.

Ainsi, la rencontre « transmetteur-Parole-appreneur » contribue à faire croître le germe de vie souvent étouffé par des blessures relationnelles. Quand la Parole semée est accueillie dans une bonne terre, elle apporte un Souffle nouveau qui produit du fruit et rend possible des relations plus harmonieuses.

Hélène Boudreau et Hélène Pinard sont membres de l’Association canadienne du récitatif biblique.

[1] Le mot hébreu « dabar » est traduit par logos ou rhéma en grec. En accord avec la mentalité orientale, Parole et réalité sont indissolublement unies, au point que « dabar » signifie aussi bien parole (récit, commandement) que chose (réalité, affaire). Point de parole qui ne soit réalité. (Xavier Léon-Dufour, Dictionnaire du Nouveau Testament, article « Parole »).

Jousse

Récitatif biblique

L'Association canadienne du récitatif biblique propose une chronique mensuelle pour comprendre la discipline spirituelle qui rassemble ses membres. Axée sur la Parole et sur son effet sur l'ensemble de la personne, le récitatif biblique est une forme de méditation où tous les sens sont sollicités.