Hébron (tell Rumeida) et son parc archéologique (photo © Emek Shaveh).

L’ancienne ville d’Hébron

Robert DavidRobert David | 11 mars 2019

Venir à Hébron est encore aujourd’hui très risqué. Depuis l’établissement d’une colonie juive à Qyriat Arba, les tensions sont vives et il devient périlleux de circuler dans ses rues. Mais la ville moderne d’Hébron n’a pas été construite sur le site de l’ancienne cité. La ville biblique était localisée sur une petite colline, un peu à l’Ouest de la ville moderne, à tell Rumeida, où l’on trouve aujourd’hui une population palestinienne.

Quelques textes de l’Ancien Testament indiquent que le nom de la ville était anciennement Qyriat Arba (ville des quatre selon Jos 14,15 ; 15,3 ; 21,11 ; etc.). Que signifie ce « quatre » ? Que la ville était divisée en quatre ? Qu’elle comptait quatre ethnies ? Qu’elle était gouvernée par un conseil de quatre (voir à ce propos la liste des guerriers en Nb 13,22) ? En fait, on ne le sait pas. Ce qui est clair cependant, c’est que les auteurs de ces textes bibliques ont senti le besoin d’expliquer un nom qui n’était plus compris à leur époque.

Un peu d’histoire

On sait, par les traditions bibliques, qu’Hébron a joué un rôle de premier plan dans l’histoire ancienne d’Israël (et qu’elle en joue un, encore aujourd’hui, dans les conflits israélo-palestiniens). On en parle pour la première fois dans les textes de la Genèse à propos d’Abraham. Genèse 23,1-20 raconte la mort de Sara à Hébron et la négociation d’Abraham pour acheter un lot dans la région. Un mausolée rappelle d’ailleurs cet épisode. Genèse 13,18 et 14,13 avaient déjà fait venir Abraham ici – Mambré est dans la région immédiate – et c’est à Hébron qu’il est censé être enterré.

Une notice intéressante de Nombres 13,22 précise que Hébron avait été construite sept ans avant Zoan, capitale Hyksos en Égypte. On ne s’entend peut-être pas sur la signification exacte de cette notice mais, personnellement, je crois qu’elle cherche à montrer l’importance de la ville, et sa capacité à résister aux invasions. 

Du point de vue politique, Hébron était considérée comme la capitale de la tribu de Juda, avant que David ne fasse de Jérusalem la capitale nationale. Il n’est pas étonnant dans ces circonstances que ce soit à Hébron que David ait été couronné roi et qu’il y ait régné pendant sept ans et demie (2 S 2,1-4 et 5,5 selon les thèses traditionnelles). C’est aussi là que son fils Absalom fomenta la révolte (2 S 15,7-12), en appelant aux traditions ancestrales auxquelles Hébron devait être attachée.

On parlera peu par la suite de la ville dans les textes bibliques. Il en est fait mention à propos des Maccabées (1 M 5,65), et c’est à peu près tout. Elle a vraiment été supplantée par Jérusalem. Elle gardera toutefois une place dans le cœur et la mémoire des fidèles parce que les patriarches sont censés y être enterrés. Cette tradition n’ira pas sans causer « quelques » problèmes au cours de l’histoire, autour de la possession des lieux.

tombeau des patriarches

Le tombeau des patriarches (photo : Wikipedia)

Le tombeau des patriarches

Il n’y a pas beaucoup de choses à voir à Hébron. Bien que de petites fouilles aient été entreprises sur le tell Rumeida, révélant un site occupé aux périodes du Bronze et du Fer, elles ne sont pas très intéressantes. En réalité, l’attrait majeur, celui qui emmène les gens à Hébron, et qui cause aussi des tensions, c’est le Haram el-Khalil, le tombeau des patriarches que réclament Juifs et Musulmans (les Chrétiens sont passablement absents du débat maintenant).

De type hérodien, l’édifice monumental qui abrite le tombeau des patriarches date de l’époque romaine (à la fin du 1er siècle avant notre ère). Il est construit sur un ensemble de grottes, situé dans la vieille ville d’Hébron. Le monument abrite des cénotaphes construits au-dessus de tombes attribuées aux patriarches bibliques Abraham, Isaac, Jacob et à leurs épouses Sarah, Rébecca et Léa. 

On parle d’Hébron dans quelques textes de l’époque byzantine, alors que la ville possède un évêché et que Juifs et Chrétiens viennent y faire leurs dévotions, divisés comme toujours. L’arrivée des Musulmans compliquera le tableau à partir de l’époque arabe. Et ça continue...

Une grande partie des conflits d’aujourd’hui gravite autour de la présence de colons juifs, barricadés derrière des murs de pierre et de fils barbelés, protégés par un imposant dispositif de Tsahal (armée israélienne). La présence de cette colonie juive à Hébron crée une situation explosive dans une ville où s’entassent plus de 100 000 Palestiniens. Le problème est complexe, les solutions difficiles à trouver, les positions à peu près irréconciliables. Et dire que Haram el-Khalil signifie « la maison de l’ami » ! Il y a de ces paradoxes dans la vie...

Robert David est professeur honoraire de l’Université de Montréal. Il a enseigné l’exégèse de l’Ancien Testament et l’hébreu biblique à la Faculté de théologie et de sciences des religions de 1988 à 2015.

Archéologie

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Initiée par Guy Couturier (1929-2017), professeur émérite à l'Université de Montréal, cette chronique démontre l'apport de l'archéologie à une meilleure compréhension de la Bible. Au rythme d'un article par mois, nos collaborateurs nous initient à la culture et à l'histoire bibliques par le biais des découvertes archéologiques les plus significatives.