Lampe byzantine en terre cuite avec inscription (photo © Sylvain Campeau)

La lumière du Christ brille pour tous

Sylvain CampeauSylvain Campeau | 14 février 2022

À la période byzantine, un type de lampe en terre cuite de la forme d’une « pantoufle » porte parfois une inscription chrétienne. Il vaut la peine de s’y arrêter pour comprendre le contexte historique qui lui a donné naissance et sa portée symbolique.

Jérusalem à la période byzantine

Après la seconde révolte juive (132-135), les Juifs sont chassés de Jérusalem qui est reconstruite et devient une cité romaine : Aelia Capitolina. Elle exerce très peu d’influence sur la région pendant ses deux premiers siècles d’existence mais tout change après la légalisation et l’adoption du christianisme comme religion de l’empire par Constantin en 313 de notre ère. L’empereur se lance alors dans un programme de construction de plusieurs basiliques à Jérusalem ou dans ses environs dont l’église du Saint-Sépulcre. En 451, le concile de Chalcédoine élève Jérusalem au statut de patriarcat ; la ville sainte rejoint ainsi Rome, Constantinople, Antioche et Alexandrie qui partagent le même prestige. Pendant cette période, Jérusalem attire donc des milliers de pèlerins qui viennent visiter les lieux saints et participer à la liturgie des grandes fêtes chrétiennes.

C’est pendant cette période d’effervescence qu’on voit apparaître les lampes inscrites (en grec) dont la formule la plus fréquente est : « Phos Xristou feni pasin kali » (La lumière du Christ brille pour tous). Près du bec, on voit une ménorah ou une palme (les spécialistes ne s’entendent pas sur l’interprétation du symbole) et sur les épaules de la lampe, on peut lire une inscription qui rappelle cette parole du Christ : « On n'allume pas une lampe pour la mettre sous un seau, mais sur le lampadaire ; puis elle brille pour tous ceux qui sont dans la maison. » (Matthieu 5,15)

On a retrouvé ce type de lampe dans plusieurs sites de l’ancienne Palestine mais surtout à Jérusalem et ses environs. On peut donc penser que Jérusalem était son lieu de production.

Une lampe de pèlerinage

Selon l’archéologue américaine Jodi Magness, ces lampes sont comparables aux ampoules de saint Ménas (6e-7e siècles) trouvées en Égypte et qui sont de la même époque. En d’autres termes, les lampes sont probablement reliées aux activités d’un sanctuaire précis et Magness croit qu’il s’agit probablement de la basilique du Saint-Sépulcre [1]. Il est facile d’imaginer l’utilisation de telles lampes lors de liturgies où la symbolique de la lumière est mise en valeur.

Égérie, une pèlerine de l’époque byzantine, décrit un rite des fêtes pascales qui se déroule dans la basilique. Pendant le lucernaire, une liturgie qui était célébrée à 16 heures dans la grotte du Saint-Sépulcre, on allumait des luminaires.

On allume tous les flambeaux et les cierges, il se fait une immense clarté. Le feu n’est pas apporté du dehors, mais il est tiré de l’intérieur de la grotte, où une lampe brûle jour et nuit, donc derrière les grilles. (Itinerarium Egeriae 24,4)

C’est donc du tombeau que jaillit la lumière, le Christ, une lumière qui « brille pour tous » et qui ne s’éteint pas. Selon l’archéologue franciscain Stanislao Loffreda, l’inscription qu’on trouve sur les lampes pourrait évoquer une autre liturgie.

Il s’agissait d’une acclamation par laquelle le diacre, lors des vêpres du rite byzantin des présanctifiés (célébrées les mercredis et vendredis du Carême), montrait aux fidèles le cierge allumé symbolisant la lumière du Christ [2].

La liturgie latine a conservé la formule dans le Lumen Christi, l’acclamation au début de la Vigile pascale. Étant donné le lieu de production et les témoignages qui nous sont parvenus, il est donc probable que ces lampes aient été utilisées dans le cadre des célébrations d’un sanctuaire important de Jérusalem. Et l’inscription proclame l’universalité du message du Christ qui s’adresse à tous et toutes.

Diplômé en études bibliques (Université de Montréal), Sylvain Campeau est responsable de la rédaction.

[1] Jodi Magness, « Blessings from Jerusalem : Evidence for Early Christian Pilgrimage », Eretz-Israel 25 (1996) 37-45.
[2] Stanislao Loffreda, Light and Life. Ancient Christian Oil Lamps of the Holy Land, Jerusalem, Franciscan Printing Press, 2001, p. 18 (notre traduction).

Archéologie

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Initiée par Guy Couturier (1929-2017), professeur émérite à l'Université de Montréal, cette chronique démontre l'apport de l'archéologie à une meilleure compréhension de la Bible. Au rythme d'un article par mois, nos collaborateurs nous initient à la culture et à l'histoire bibliques par le biais des découvertes archéologiques les plus significatives.

Ampoule de saint Ménas

Ampoule de saint Ménas

Ampoule à eulogie de saint Ménas, 6e-7e siècle. Terre cuite H.: 14,50 cm ; L.: 10 cm ; Pr.: 3,20 cm. Musée du Louvre, AGER, MN 1469.

(photo : Wikimedia)