
Adoration des mages (détails). Fra Angelico, 1438. Fresque, 184 x 362 cm. Convento di San Marco, Florence (Wikimedia).
Létoile et les mages 6/6
Laurent Lafontaine | 4 janvier 2002
Dernier article d’une série sur les récits de l’enfance qu’on appelle parfois « les évangiles de l’enfance ». Dans cet article, l’auteur se penche sur lépisode de la visite des mages venus dOrient et sa signification.
On ne dit pas que les mages étaient trois ni quils étaient rois, ni quel était leur nom, ni la couleur de leur peau. Ici interfèrent dans notre façon de lire le texte de Matthieu des récits denfance tirés des évangiles apocryphes, dont lauthenticité na pas été reconnue par les églises primitives. Ces récits fourmillent de détails merveilleux et ont contribué à alimenter les récits folkloriques et les contes de Noël. Ces textes très savoureux nous instruisent sur une certaine littérature qui a circulé au cours des premiers siècles de notre ère, mais ils sont loin d'avoir la sobriété et la valeur de nos évangiles canoniques, ceux que les Églises ont reconnus dès le début comme témoins de la vérité du salut.
Les mages
Matthieu nous dit quils sont venus dOrient, à lest du Jourdain, alertés par un astre à son lever pour se prosterner devant Jésus. Ils représentent tous les païens qui accueilleront lÉvangile et reconnaîtront Jésus comme leur Seigneur, alors quHérode, et Jérusalem avec lui, niront pas ladorer et lui feront même la vie dure au point de le condamner à mort. Lopposition des Juifs et laccueil des païens sont ici évoqués.
Létoile
Nous avons vu un astre à son lever, disent les mages. Il ne faut pas nécessairement chercher un astre ou une étoile suivant un cours assez capricieux, apparaissant et disparaissant selon que les mages sont en présence de personnes hostiles ou favorables. Il faut surtout se rappeler la métaphore du roi-messie : « De Jacob monte une étoile, dlsraël surgit un sceptre. » Cette phrase a été traduite dans la Bible grecque par : « Un astre se lèvera de Jacob et un homme surgira dlsraël. » (Nb 24,17) Ici létoile guide les mages comme les anges ont guidé les bergers. Dans un cas comme dans lautre, cest le Seigneur qui guide les mages païens et les bergers juifs. Létoile se situe du côté du signe et Jésus du côté de la réalité révélée par le signe.
Jésus, sauveur dlsraël et des nations
Les païens avaient droit de cité dans lÉglise et Matthieu nhésite pas à légitimer cette ouverture universaliste en décrivant comment les mages eurent accès auprès de Jésus – et donc ensuite dans lÉglise – dès la naissance du sauveur. Cest Jésus lui-même qui accueille les nations païennes et ce, dès Bethléem. Cest laspect universaliste du salut en Jésus Christ et laccueil de lÉvangile par les païens qui sont ici mis en lumière. Cest Jésus lui-même qui devient la Lumière des nations ; en Jésus, cest Dieu lui-même qui se révèle. C'est une épiphanie : manifestation de Jésus, et une théophanie : manifestation de Dieu.
Laurent Lafontaine est bibliste et prêtre du diocèse de Montréal.