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chronique du 10 janvier 2003

 

Baptisés en Jésus, nous croyons en lui

En parcourant les lettres de Paul, en particulier, celles aux Romains, aux Corinthiens et aux Galates, on se rend compte rapidement que l'apôtre des nations invoque souvent la réalité du baptême pour exhorter et encourager les communautés chrétiennes aux prises avec des problèmes concrets. Parfois, il fait appel à cette incorporation des baptisés au Christ pour dénoncer des comportements irresponsables et indignes. Pour Paul, la participation à la mort et la résurrection du Christ et l'assimilation à son sort sont effectivement le gage d'une vie chrétienne conséquente de l'identité et la mission acquises par le croyant. Paul tient le baptême pour une réalité fondamentale et incontournable qui aide à comprendre et à apporter un éclairage pertinent sur l'agir du chrétien. Cet éclairage exige une réponse à trois questions fondamentales :

  1. Quel est le sens du baptême?

  2. Quel est son objectif?

  3. Quelles en sont les conséquences?

     Dans les lignes qui suivent, je répondrai à ces questions, en puisant au contenu de certains passages des lettres pauliniennes et ce faisant, en me servant principalement des résultats exégétiques déjà obtenus.

Le sens du baptême

     Dans toute la littérature paulinienne, c'est en Romains 6 que le sens du baptême est le mieux exprimé. Il s'y articule autour de deux expressions complémentaires: « la mort dans Christ » et « la résurrection avec Christ ». Le premier pôle, celui de « la mort dans Christ », est central et préalable au deuxième mais tous deux se complètent. Le contenu du verset 3 (Ou bien ignorez-vous que, baptisés dans le Christ Jésus, c'est dans sa mort que tous nous avons été baptisés?) suggère que le sens de l'expression « la mort dans Christ » est que le baptisé est « immergé dans la mort du Christ ». Le verbe baptizein, dans l'expression « nous avons été baptisés dans sa mort », qui se traduit par « inonder », « noyer », « couler un bateau », marque bien le rapport avec la mort et met en exergue la rupture du courant de vie. L'immergé dans la mort du Christ, c' est-à-dire le baptisé, meurt au péché comme par noyade. Il perd tout rapport avec le péché parce que cette mort violente (suivant le sens du verbe baptizein mentionné plus haut) implique une rupture totale. Le verset 4 suggère que la mort violente est suivie d'un ensevelissement: « Nous avons donc été ensevelis avec lui par le baptême dans la mort ». Ainsi, l'achèvement est total et la coupure définitive. Le verset 7 montre qu'on rompt avec tout un ensemble de relations, d'attitudes, de motivations qui définissent une condition de vie précédant la noyade et la rupture (car celui qui est mort est libéré du péché). Avec la lumière du verset 7, il apparaît que la mort met fin au péché et à toutes ses formes d'expression dont: les obligations, les servitudes, les tyrannies, les dettes de la vie ancienne dont la soumission liée au sexe, à la race, à l'appartenance religieuse et culturelle.

     Ainsi, dans un premier sens, le baptême des croyants signifie qu'ils sont morts au péché et ensevelis avec Christ pour que l'ancienne vie se termine. Or, le contenu de Romains 6 suggère aussi que ce premier sens est complété par celui de l'expression « la résurrection avec Christ »: « ... afin que, comme le Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père, nous vivions nous aussi dans une vie nouvelle » (verset 4b). La dimension « résurrection » implique que le baptisé est promu à une vie nouvelle avec le Christ. Ainsi, la perte de tout rapport avec la vie ancienne se transpose en un passage à une vie nouvelle. Celui qui ressuscite avec Christ, c' est-à-dire le baptisé, acquiert une nouvelle forme, un nouvel état de vie; il passe à un monde nouveau.

     Cette vie nouvelle acquise au bout d'un long processus de mort, ensevelissement et résurrection est tout le contraire de l'ancienne vie (de péché). Or, quelle est la finalité de cette mort, de cet ensevelissement et de cette résurrection?

Baptisé en vue de quoi?

     Le contenu de Romains 6, suggère que la finalité du baptême est de faire partager la destinée du Christ, d'unir le baptisé au Christ et à ses membres et faire partager son Esprit. L'argumentation en Romains 6,1-11 et les expressions « dans le Christ, Jésus », « en un seul corps », « dans le Christ » et « vous avez revêtu le Christ », « en Christ » et « dans le Seigneur » mettent effectivement en exergue cet objectif du baptême. Cet objectif est souligné ailleurs, en Romains 6,3-11, par une série de termes composés avec la préposition « avec »: vivre avec, rendre la vie avec, être rendu semblable à, semblable à, souffrir avec, uni avec, mourir avec, être glorifié avec, ressusciter avec, être enseveli avec, être crucifié avec, hériter avec. Tous ces termes, de par leur construction avec la préposition « avec », soulignent la ressemblance du sort et l'unité de vie. « Au verset 5, l'union avec le Christ est exprimée avec force par l'adjectif verbal sumphutos (uni avec) qui évoque le fait d'une croissance commune parce que deux êtres sont animés d'une même vie » (Bénétreau).

     Ainsi, le chrétien est « assimilé au Christ ». Il est semblable au Christ; semblable parce qu'il meurt comme lui et ressuscite comme lui (on retrouve ici encore le sens du baptême). De telle sorte qu'il y a une sorte d'union qui est consommée, dans le baptême, entre le Christ et le baptisé. Cette union du croyant et du Christ consiste en une similitude ou une identification des conditions. Le baptisé participe à la vie du Christ, il devient membre de son corps. Parce qu'ils sont membres du Christ, ce ne sont plus eux qui vivent, c'est le Christ qui vit en eux. Ils vivent ce que le Christ vit. Ils partagent sa condition d'homme libéré. Ils partagent sa dignité de Fils; et ils la partagent de la même façon, avec la même intensité de vie.

     Et, comme nous allons le voir, cette assimilation au Christ, cette participation au sort du Christ par sa mort et sa résurrection, entraîne des conséquences existentielles très lourdes de signification.

Assimilés au Christ pour vivre dans l'Esprit de liberté

     Quelles sont les conséquences existentielles qui découlent du sens et de l'objectif du baptême dégagés jusqu'ici? Quel type d'éthique une assimilation au Christ entraîne-t-elle? Un premier texte paulinien nous aidera, par son contenu, à répondre à ce questionnement: Rm 8,2-4.9.14-17. Le contenu de ce passage, en même temps qu'il rappelle le sens et l'objectif du baptême, nous apprend que : 1) l'assimilation au Christ se caractérise par l'habitation du croyant par l'Esprit; et 2) cette habitation comporte des conséquences existentielles pour le baptisé. En soulignant que « la loi de l'Esprit donne la vie en Jésus Christ », le verset 2 de Romains 8 rappelle explicitement le thème de l'assimilation au Christ abordé en Romains 6 : « Car la loi de l'Esprit qui donne la vie en Jésus Christ m'a libéré de la loi du péché ». Ainsi, le contenu du verset 2 peut être vu comme une transition qui nous permet de passer des affirmations doctrinales en Romains 6 (concernant la vie en Jésus Christ) aux énoncés éthiques en Romains 8 (concernant la libération du baptisé). Au verset 2, on apprend déjà que l'Esprit a un rôle à jouer dans la vie en Christ puisque c' est lui qui est l'agent de la libération et de la vie des croyants en Christ.

     Le contenu de Romains 8,3-4 approfondit le sens de l'affirmation éthique mentionnée au verset 2, en montrant clairement que l'assimilation au Christ procure l'intériorisation de la loi en vue d'une vie conséquente: « Dieu... a condamné le péché dans la chair, afin que le précepte de la Loi fût accompli en nous dont la conduite n'obéit pas à la chair mais à l'esprit ». Cette intériorisation et cette vie en Jésus ne sont possibles et authentiques que par l'Esprit qui habite dans les croyants, comme l' explicite le contenu du verset 9 : « Vous, vous n'êtes pas dans la chair mais dans l'esprit, puisque l'Esprit de Dieu habite en vous. Qui n'a pas l'Esprit du Christ ne lui appartient pas... » Le contenu du verset 9 suggère que les baptisés ont l'Esprit parce que, par une mort et une résurrection semblables au Christ, ils participent à son sort, Lui, qui a reçu l'Esprit de Dieu lors de sa mort et sa résurrection.

     S'inscrivant dans la suite du contenu des versets 2-4.9, celui des versets 14-17 énonce les conséquences de l'assimilation au Christ, en lien avec la nature des baptisés et le comportement éthique qui en résulte. Nous apprenons notamment que, assimilés au Christ, les baptisés deviennent semblables à Lui, ils partagent son Esprit et acquièrent son identité de Fils pour être des enfants de Dieu, cohéritiers de Jésus; ce qui est d' ailleurs attesté par l'Esprit lui-même à leur esprit (Romains 8,16). L' Esprit reçu au baptême reste en permanence dans « le coeur » du baptisé en vue de sa transformation morale. De telle sorte que son comportement moral est comme un signe de ce renouveau dans le Christ et par l'Esprit qui les a libérés.

     Le mode de vie correspondant à l'assimilation au Christ est de marcher en nouveauté de vie dans l'Esprit parce que la mort du Christ au péché - sa liberté - est devenue la propre mort des baptisés - leur libération - par leur foi. Cette mort au péché est un passage à une nouvelle vie : la vie des enfants de Dieu, la vie des frères et des soeurs de Jésus. Dans ce cas, il découle que les baptisés ne pourraient plus reproduire les actions pécamineuses parce qu'elles n'appartiennent plus à leur mode de vie (voir la réponse à la question de Romains 6,1). Le baptisé, fils et fille de Dieu, ne peut plus dire, penser, sentir, agir comme si la situation du péché était encore son milieu de vie naturel et légitime.

     Tel est le contenu de Rm 8,2-4.9.14-17. Comme nous le verrons, dans les lignes qui suivent, en étudiant Galates 3,26-28, il découle aussi de l' assimilation et de l'habitation une réelle égalité des baptisés. Leur vie ne devrait plus être marquée par la médiocrité et la lourdeur des structures sociales empreintes d'inégalités religieuses, politiques, culturelles, sexuelles et familiales qui caractérisaient la vie d'avant l'événement de « la mort et de la résurrection avec Christ » et de l'entrée « dans Christ ».

Assimilés au Christ pour vivre en égalité

     Comme pour Romains 8,2-4.9.14-17, le contenu de Galates 3,26-28 part du sens et de l'objectif du baptême pour nous renseigner sur la conséquence éthique de l'assimilation au Christ; mais l'accent est mis davantage sur l' égalité des baptisés.

     Le contenu des versets 26-27, qui souligne que les croyants sont tous fils et filles de Dieu dans le Christ et qu'ils ont revêtu le Christ, rappelle celui de Romains 6, 3 relativement à l'assimilation à Jésus et Romains 8 concernant la filiation divine. Les baptisés sont les vrais cohéritiers de Jésus et les vrais fils et filles de Dieu par leur foi: « Vous êtes tous fils de Dieu, par la foi, dans le Christ Jésus ». De cette situation nouvelle, il découle une affirmation éthique très claire, au verset 28 : « ... Il n'y a plus ni Juif, ni Grec; il n'y a plus ni esclave, ni homme libre; il n'y a plus l'homme et la femme; car tous, vous n'êtes qu'un en Jésus Christ ». La conséquence pratique qui résulte de cet héritage et de cette assimilation à Jésus par la foi est alors l'abolition des oppositions, des ségrégations humaines et l'égalité des héritiers mâles et femelles. La foi met fin à la supériorité culturelle, raciale, politique et religieuse de l'homme sur la femme; ce qui était, au temps de Jésus et de Paul, un privilège bien établi. La foi libère des législations aliénantes qui tenaient la femme captive des coutumes peu favorables à la dignité et à l' émancipation.

     Assimilés au Christ, tous deviennent égaux, identifiés par le seul critère d'incorporation, par le seul titre de fils et de filles, par le Christ, dans l'Esprit. « En recevant le baptême, les Galates ont revêtu Christ; Paul fait servir cette expression à son idée principale de l'égalité (...) des croyants; dépouillés par le baptême de toute prérogative et particularité devant Dieu, tous les croyants sont maintenant revêtus de l'unique et suffisante dignité du Christ mort pour eux » (P. Bonnard, L'épître de saint Paul aux Galates, p. 78). Il ressort de tout ce qui précède que le sens et l'objectif du baptême impliquent un être-chrétien et une dynamique de vie correspondants. Ils impliquent également les notions d'égalité, de liberté, de dignité de fils et de filles d'un seul et même Dieu par le Christ dans l'Esprit.

Jean-Chrysostome Zoloshi

 

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Le messianisme