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Comprendre la Bible
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chronique du 23 avril 2004
 

L'ascension ou l'exaltation de Jésus
  

QuestionComme la grande fête de Pâques, l'Ascension trouve-t-elle ses racines dans l'Ancien Testament? Pouvons-nous faire un lien avec Éli? Comment comprendre ce chiffre de 40? Question de Nicole B.

RéponseLa foi chrétienne a exprimé le mystère de l'Incarnation du Fils de Dieu en termes de « descente ». Aussi, a-t-elle logiquement exprimée son retour dans le monde divin comme une « montée ». Si l'expérience du retour de Jésus dans le monde de Dieu, de son départ du monde des humains, est historiquement repérable et a pu être expérimenté par les Apôtres, la façon dont ce retour s'est effectué ne peut qu'être exprimée à l'aide de métaphores et d'images.
 

Ascension du Christ

L'ascension du Christ
Tympan et linteaux de l'un des portails occidentaux
de la cathédrale Notre-Dame de Chartres

     Il y a d'abord un problème de chronologie dans les écrits néo-testamentaires. Dans les évangiles, il n'est à peu près pas fait mention de l'Ascension de Jésus, si ce n'est en deux passages. En Mc 16,19, dans ce qu'on appelle la version longue de la finale de l'évangile de Marc, puis en Lc 24,50-51. Il y a aussi une allusion en Jn 20,17. Dans ces passages, il semble bien que la Résurrection et l'Ascension sont des événements qui se sont passés l'un après l'autre. Luc aurait voulu exprimer que l'exaltation de Jésus est inséparable de sa résurrection. Dans les Actes de Apôtres (1,2-11; cf. 13,31), l'auteur fait du récit de l'ascension la conclusion des apparitions pascales et le point de départ de la mission apostolique. Les deux récits de Luc dans son évangile (Lc 24) et dans les Actes (Ac 1) ont des points en commun, comme la « mise en scène » et les deux hommes en habit étincelant (Lc 24,4// Ac 1,10). S'il semble plus logique et vraisemblable de considérer que la résurrection de Jésus ait aussi marqué son retour dans le monde de Dieu, il faut conclure que la présentation des Actes des Apôtres aurait donc une autre intention.

     Le fondement vétérotestamentaire est assez clair pour la Pâque qui commémorait le passage du peuple d'Israël hors de l'Égypte et où on immolait l'agneau (cf. Ex 12). La fête de la Pentecôte, appelée en hébreu la fête des Semaines, était l'ancienne fête de la moisson, cinquante jours après Pâques (Ex 23,14) qui était la fête du renouvellement de l'alliance (2 Ch 15,10-13) et évoquait le don de la Loi au Sinaï. Qu'en est-il pour l'Ascension, c'est-à-dire quarante jours après Pâques? On ne voit pas comment la rattacher à une fête juive qui se serait célébrée quarante jours après Pâques. Il faudrait donc plutôt interpréter distinctement le chiffre de quarante et le signe de la « montée » ou « élévation ».

     La signification biblique du chiffre quarante est claire. Ce chiffre est symbolique (cf. Lc 4,1-2) et désigne le temps privilégié des révélations divines : on pense aux quarante ans du peuple d'Israël dans le désert, des quarante jours que Moïse passa au sommet du Sinaï, etc. (cf. Gn 7,4.12.17; 8,6Ac 13,31; 24,18; 34,28; Nb 13, 25; 14,33; 32,13; Dt 2,7; 8,2.4; 9,9.11.18.25; 10,10; 29,5; etc.). Dans ce cas, les quarante jours entre la Résurrection et l'Ascension renvoieraient à une espèce de « formation intensive » des apôtres avant le départ final de Jésus (cf. Ac 13,31).

     Maintenant, le signe de la montée, selon la question : Peut-on établir un lien avec la montée du prophète Élie au ciel? Oui, le genre littéraire « la montée au ciel d'un personnage divin » était bien connu. L'antiquité classique connaissait l'exaltation de héros légendaires « enlevés » au ciel après leur mort : Hercule, Bellérophon, les Dioscures, Romulus, ou encore le « voyage céleste » de certains êtres privilégiés, dont l'âme était ravie dans une sorte d'extase. De son côté, la littérature apocalyptique du judaïsme utilise le thème du « voyage céleste » ou de la « montée de l'âme », mais le motif le plus courant est celui de l' « enlèvement » au ciel des grands personnages bibliques. Ainsi en va-t-il déjà dans l'Ancien Testament pour Hénok (cf. Gn 5,24; Si 44,16; 49,14; Hé 11,5) et Élie le prophète (2 R 2,9-10; Si 48,9.12). Il faut y ajouter les récits intertestamentaires concernant Esdras, Baruch et Moïse (cf. Jude 9). Deux expressions disent ce qui est arrivé à Jésus ressuscité au terme de ses apparitions aux Apôtres : l'enlèvement, analogue à celui d'Hénok ou d'Élie, avec mention de la montagne, de la nuée, de l'adieu de Jésus et de l'adoration des disciples (cf. Lc 24,51; Ac 1,2.11.22) et la montée que l'on retrouve dans l'Ancien Testament à l'issue d'une apparition divine (cf. Gn 17,22) ou lorsque la gloire de Dieu quitte le temple de Jérusalem (cf. Éz 11,23). Le terme est aussi utilisé par Jean (cf. Jn 3,13; 6,62; 20,17) et par Paul (cf. Ep 4,9-10).

Hervé Tremblay, OP
Professeur au Collège dominicain de philosophie et de théologie (Ottawa)

 

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