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Comprendre la Bible
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chronique du 12 novembre 2004
 

La colline de Sion
 

QuestionJe ne connais que très peu de choses sur les textes bibliques et je n'arrive pas à trouver le renseignement que je recherche. J'aimerais savoir à quoi renvoie la colline de Sion. Dans divers dictionnaires, on me dit que c'est une colline de Jérusalem, souvent synonyme de la ville elle-même. J'ai pu lire par ailleurs que c'est de ce nom que s'inspire le sionisme. Enfin, j'ai appris que c'est sur Sion que siégeait les rois juifs (du temps de Jésus?). Je voudrais donc savoir quelles sont les significations et connotations attachées à cette colline, et si possible quels sont les évènements qui y ont pris place. (Pierre-Yves C.)
 

Mont Sion et mont des Oliviers

Le mont Sion et le mont des Oliviers, vus de l'est
(photo :
BiblePlaces.com

RéponseLe mot « Sion » renvoie d'abord à une des collines sur laquelle Jérusalem est bâtie, le noyeau originel et plus ancien de la ville. Il faut d'abord préciser que la région où Jérusalem est construite est constituée d'une série de collines et de montagnes creusées par de profonds torrents (les wadis). Jérusalem est à environ 800 mètres d'altitude, au sommet des montagnes du côté israélien. Juste après le mont des Oliviers, les montagnes redescendent rapidement jusqu'à la mer Morte (300 mètres au dessous du niveau de la mer), pour remonter ensuite à plus de 1000 mètres du côté jordanien. Jérusalem a été bâtie sur deux montagnes : la montagne de l'est est le mont Sion, celle de l'ouest est simplement appelée colline occidentale, ou encore la ville haute. Au nord du mont Sion, c'est l'Ophel où la ville s'est développée par la suite jusqu'à aujourd'hui. Les deux collines sont donc divisées par trois torrents : entre le mont Sion et le mont des Oliviers à l'est : le Cédron ; à l'ouest du mont occidental : la vallée de Hinnon (devenue la Géhenne à l'époque de Jésus) ; entre les deux monts : le Tyropéon. À cause de l'extension de la ville, ce dernier torrent a été comblé pour unir les deux parties de la ville, ce qui a fait que Jérusalem a été entourée de la vallée de Hinnon à l'ouest et du Cédron à l'est. C'est l'ensemble du mont Sion et de l'Ophel qui constituait une longue crête étroite, facilement défendable. L'idéal serait de trouver un atlas biblique montrant la situation physique de la ville de Jérusalem, où d'aller y faire un tour...

     Les Jébuséens, fondateurs de la ville, habitaient le mont Sion où ils avaient bâti une forteresse. C'est cette toute petite ville fortifiée que David a prise vers l'an 1000 avant Jésus-Christ (2 S 5,6-9). C'est là que David a établi son palais. Puis il transporta l'arche de l'alliance plus au nord, sur l'ophel (2 S 6,10-12). David aurait choisi d'en faire sa capitale car la ville était située sur la frontière entre les tribus du nord et celles du sud, qui constituaient Israël, un peu comme la ville d'Ottawa faisait une capitale idéale, parce que située exactement à la frontière entre les deux peuples fondateurs du Canada. Par la suite, Salomon bâtit le temple sur l'Ophel. Une série de murailles entoura la villa, incluant le mont Sion et joignant ce dernier à la colline occidentale. La dernière série de murailles, cependant, inclua la partie nord qui s'était tellement développée, mais exclua la partie sud qui contenait le mont Sion originel, trop accidenté sans doute, de sorte qu'aujourd'hui le mont Sion de David n'est plus à l'intérieur des murailles.

     Plus tard, la ville a prise le surnom de « Cité de David ». Comme David est le fondateur de la dynastie qui a porté son nom jusqu'à l'exil (587 av. JC) le mont Sion a donc une connotation de demeure royale, même si le palais n'a pas toujours été là.

     Les développements théologiques sont dus aux connotations de toute ville. Dans l'antiquité, les villes situées sur les hauteurs ne servent d'habitation qu'aux magistrats et aux commerçants. La majeure partie de la population vit dans les champs autour de la ville. En cas de danger, on a le temps de trouver refuge dans la ville et de supporter un siège. Les villes de l'antiquité, avec leur système de défense, et surtout les murailles et les tours, ont donc une connotation de protection, de sécurité. La valeur symbolique des murs qui entourent la ville pour protéger les habitants qui sont à l'intérieur fait que les villes ont une valeur féminine ou maternelle. La ville est représentée comme une mère qui protège ses enfants. Jérusalem n'échappe pas à cette valence symbolique et elle est souvent présentée comme une mère dans la Bible (Ps 87; Is 50,1; 54,5-10; 62,4-5; cf. Ga 4,26). Comme le mont Sion est le noyau originel de la ville, c'est souvent par ce nom que toute la ville est désignée (« fille de Sion » Ps 9,15; Is 1,8; 10,32; 16,1; 62,11; Jr 4,31; 6,2.23). Sion est aussi un synonyme de Jérusalem (Ps 51,20; 102,22; 147,12; Ps 65,2; 69,36; 87,2.5).

     Au début du christianisme, Jérusalem était une ville assez grande qui s'était étendu plus au nord. Après la destruction de la ville par les armées romaines en 70 de notre ère, les chrétiens y constuisirent des églises. On ne sait pas comment, mais autour du IVe siècle, on a confondu le mont Sion originel avec l'ophel. L'endroit où se trouvait traditionnellement le cénacle et où se trouve aujourd'hui le monastère de la dormition a été appelé « Sion chrétienne ». Sans doute, au delà de l'erreur géographique, a-t-on voulu garder la valeur symbolique de la ville...

Hervé Tremblay, OP
Professeur au Collège dominicain de philosophie et de théologie (Ottawa)

  

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Jésus et les manuscrits de la mer Morte