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Comprendre la Bible
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chronique du 14 janvier 2005
 

La signification de l'expression « Antéchrist »
 

QuestionPouvez-vous m'éclairer sur la signification de l'expression « Antéchrist »? En effet, à cause de tout ce qui ce passe dans le monde, notamment le recul du christianisme, il y a des gens qui pensent que c'est le prélude de la fin des temps (prochaine ou lointaine). Qu'en dites-vous? (Richard)
 

RéponseVotre question en comporte deux qu'il faut soigneusement distinguer : la question de l'Antéchrist dans le Nouveau Testament et, ensuite, de ses possibles applications ou relectures pour la situation actuelle. Ce sont deux questions différentes qu'il est essentiel de ne pas mélanger au prix d'incompréhensions qui peuvent être graves. Voyons-les séparément.

1. L'Antichrist dans le Nouveau Testament

     Le mot grec « Antichristos » ne se retrouve que cinq fois dans le Nouveau Testament, et uniquement dans les lettres de saint Jean : 1 Jn 2,18 (2 fois).22; 4,3; 2 Jn 7. Il faut noter dès le départ que la transcription plus juste du mot grec est bien « antichrist » et non pas « antéchrist », qui signifierait autre chose. Comme il y a peu d'emplois, il vaut la peine de les citer : 1 Jn 2,18 : « Petits enfants, voici venue la dernière heure. Vous avez entendu dire que l'Antichrist doit venir; et déjà maintenant beaucoup d'antichrists sont survenus: à quoi nous reconnaissons que la dernière heure est là »; 1 Jn 2,22 : « Qui est le menteur, sinon celui qui nie que Jésus soit le Christ? Le voilà l'Antichrist! Il nie le Père et le Fils »; 1 Jn 4,3 : « Tout esprit qui ne confesse pas Jésus n'est pas de Dieu; c'est là l'esprit de l'Antichrist. Vous avez entendu dire qu'il allait venir; eh bien! maintenant, il est déjà dans le monde »; 2 Jn 7 : « C'est que beaucoup de séducteurs se sont répandus dans le monde, qui ne confessent pas Jésus Christ venu dans la chair. Voilà bien le Séducteur, l'Antichrist ».

     Ces versets sont assez clairs et donnent bien des réponses. L'antichrist, c'est celui ou ceux qui sont contre le Christ. C'est là le sens le plus évident de l'étymologie même du mot : « anti » signifie « contre », comme dans bien des mots français, par exemple « loi antigang, loi anticonstitutionnelle, attitude antiaméricaine, attitude anticléricale, etc. ». Le deuxième mot, « Christ » est le participe passé du verbe « oindre » et correspond au mot hébreu « Messie ». L'antichrist est donc celui qui est contre le Messie Jésus. La première lettre de Jean précise qu'il s'agit d'un menteur parce qu'il nie que Jésus soit le Messie (2,22). Plus ou moins la même chose en 4,3 : l'antichrist est celui qui refuse de croire en Jésus. Finalement, la deuxième lettre de Jean le présente comme un séducteur, un tentateur qui ne croie pas en Jésus venu parmi les hommes. Les versets cités laissent entendre qu'il s'agit là de l'attitude de quiconque refuse Jésus, soit au singulier, soit au pluriel.

    Seul un verset de la première lettre de Jean associe l'attitude de l'antichrist à la fin des temps. Mais il faut bien comprendre ce que Jean, et tout le Nouveau Testament, signifie par là. De façon générale, le Nouveau Testament affirme que Jésus a inauguré la dernière étape de l'histoire humaine, l'étape finale. En ce sens, Jésus a inauguré la fin des temps. Cette fin des temps peut durer quelques siècles, ça ne change rien à la division de l'histoire. Évidemment, il y aura une fin du monde, mais il ne faut pas la confondre avec la fin des temps.

    Dans la plupart des traductions de la Bible, le mot antichrist est écrit avec une majuscule. C'est que les versets qui en parlent ouvrent la porte à une interprétation personnelle du mot, c'est-à-dire qu'on pourrait identifier un antichrist particulier. La personne toute désignée est évidemment le démon ou le diable. Mais ce n'est pas dans le sens premier des versets des lettres de Jean, dans lesquelles il est clair que quiconque s'oppose à Jésus Christ est un antichrist. La tendance à personnifier l'opposition eschatologique au Christ se retrouve ailleurs dans le Nouveau Testament, que ce soit « l'homme impie », « l'Être perdu » ou « L'Adversaire » de 2 Th 2,3-8, les deux bêtes de l'Apocalypse (13,1-18) ou les faux prophètes et les faux christs (Mc 13,5.22; Mt 24,4.24).

2. Les interprétations actuelles de l'Antéchrist

     Au long des siècles, le terme antichrist a été repris dans plusieurs écrits et certains commentateurs (plus ou moins compétents) ont été tentés par le langage apocalyptique et les prophéties. L'Église a toujours suspecté cette attitude, même si elle est populaire aujourd'hui. L'Écriture est parole de Dieu pour vivre la foi aujourd'hui. À plusieurs reprises, Jésus a dit qu'il ne révélerait pas quand la fin du monde arriverait, mais qu'il fallait se tenir prêt et travailler à l'extension du royaume. Les fameux « signes » de la fin du monde (épidémie, guerre, tremblement de terre) font malheureusement partie de l'histoire humaine de toutes les époques et ne sont signe d'absolument rien, sinon de la fragilité, voire de la bêtise, humaine. La tendance chrétienne est donc de refuser toute interprétation trop précise qui tendrait à identifier l'antichrist avec qui que ce soit, ou de prédire une fin du monde imminente parce que certains signes seraient plus évidents. La foi chrétienne prêche la liberté humaine dans l'histoire, à l'intérieur du projet de Dieu. Il faut être jaloux de cette liberté qui répond aux appels de Dieu et refuser tout ce qui prétendrait nous en éloigner.

Hervé Tremblay, OP
Collège dominicain de philosophie et de théologie, Ottawa

  

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Le jour du Seigneur