INTERBIBLE
À la découverte du monde biblique

comprendre la biblearchéologiegroupes bibliquesinsolite

off Nouveautés
off Cithare
off Source
off Découverte
off Écritures
off Carrefour
off Caravane
off Scriptorium
off Artisans

 

 
Comprendre la Bible
  image
Imprimer

chronique du 3 septembre 2010

 

Repas et rencontre

Source indispensable d'énergie, moment de plaisir, le repas est aussi occasion de dialogue, d'échange, de partage. Un sentiment bien particulier de communion unit les commensaux.

     Dans le monde biblique et ailleurs, les repas ont marqué les grands événements de la vie familiale et communautaire : le sevrage d'un enfant, le mariage, les alliances sociales et politiques. Aux visiteurs on servait aussi un repas. La symbolique demeure la même : unir les invités, susciter la communion des esprits et des cœurs.

Manger du pain

     Manger du pain signifiait « se nourrir ». C'était d'ailleurs l'expression pour dire « repas ». Dans une société agricole comme celle de la Bible, les céréales constituaient la base de l'alimentation. La forme des pains variait. C'étaient des galettes ou des gâteaux : à l'orge, au froment, au millet, à j'épeautre. Parfois, la pâte était adoucie de miel ou d'huile. Le grain seul constituait aussi un aliment de base. La manière la plus simple d'apprêter les céréales consistait à les faire rôtir ou griller.

Servi par des corbeaux

     Élie se heurte à des difficultés dans J'accomplissement de sa mission. Fuyant la menace de mort du roi Achab, il s'enfuit au désert, lieu inhospitalier où il risque de mourir de faim. Mais Dieu veille sur lui et assure sa subsistance. À midi, un corbeau laisse échapper de son bec un morceau de viande. Peu avant la tombée de la nuit, le même corbeau (ou un autre?) se présente. Et ainsi de suite, jusqu'à ce que le prophète ne soit plus en danger. Élie peut ainsi prendre la route de Sarepta (le village où Dieu veut qu'il se rende), grâce aux repas servis par des corbeaux le midi et le soir. Ce texte nous renseigne sur j'heure des repas. Les anciens Israélites mangeaient le midi et le soir, assis par terre. Ils prenaient aussi de légères collations : des fruits séchés (dattes, figues, raisins), des pistaches, des amandes, des noix.

Quand les lentilles tournent au vinaigre

     Une autre histoire de repas. Deux frères jumeaux : Ésaü et Jacob. Ésaü est le préféré de son père; Jacob, celui de sa mère. Un jour, Ésaü va à la chasse comme il a l'habitude de le faire. Il cherche du gibier afin de préparer un mets comme son père l'affectionne. Ce jour-là, Isaac doit lui accorder la bénédiction spéciale de l'aîné. Mise au courant de l'entente, la mère demande alors à son fils Jacob de tuer deux chevreaux du troupeau et prépare un plat comme Isaac l'aime. Auprès du père aveugle, Jacob se fait alors passer pour Ésaü et usurpe à son frère la bénédiction convoitée. Évidemment, quand, à son tour, Ésaü arrive avec son repas tourne « au vinaigre »!

     Décidément, les repas ne portent pas chance à Ésaü, lui qui vient de « céder » à Jacob son droit d'aînesse pour un plat de lentilles. Certes, les lentilles étaient la légumineuse la plus connue, mais les anciens Israélites mangeaient aussi des pois chiches et des légumes : des concombres, des oignons, de l'ail...

Et les boissons?

     On buvait du vin, soit du jus de raisin sucré, soit du moût à demi fermenté. Parfois aromatisé, le vin était coupé s'il était très épais. D'ailleurs, le vin n'était pas la seule boisson alcoolisée connue. L'expression chekhar, boisson enivrante, désignait soit un vin de palmier-dattier, une sorte de bière d'orge, soit une autre boisson fermentée. La Bible mentionne aussi le moût provenant du grenadier. Pour se désaltérer lorsqu'on travaillait aux champs, on buvait du vinaigre étendu d'eau.

Assaisonnement et symbole

     Dans le monde biblique, les alliances étaient parfois appelées « alliances de sel » (en hébreu, berith mélah) sans doute parce que le sel donne de la saveur aux aliments, mais surtout parce qu'il les préserve de la corruption. Le sel devient ainsi le symbole de la durée et de la fidélité de l'alliance établie. Les coutumes arabes du début du siècle nous aident à mieux comprendre cette symbolique. Pour conclure un traité ou rendre une amitié indissoluble, les Arabes trempaient ensemble deux bouchées du même pain dans le sel et les mangeaient en même temps. Ils juraient ainsi : « Par le pain et le sel qui est entre nous, faites cela ». D'où l'expression « traître jusqu'au sel ». Du même coup, l'expression « avoir mangé un boisseau de sel » voulait dire « être des vieux amis ».

À table

     Le service de la table différait d'une classe sociale à l'autre. Les pauvres s'asseyaient autour d'un plat profond où chacun puisait à pleines mains. Dans les familles aisées, on disposait de sièges séparés et de tables séparées (des pieds sur lesquels on déposait un plateau). Ce n'est qu'à partir du Ve siècle avant J.-C. qu'on voit les rois, et ensuite les particuliers (surtout lors des banquets), s'allonger, tandis que les femmes demeurent assises.

     Les livres des Proverbes 23,1-3,6-8 et du Siracide 31,12-24 nous donnent des exemples de « bonne conduite » à table : « Si tu t'assieds à la table d'un grand, prends bien garde à ce qui est devant toi; mets un couteau sur ta gorge si tu es gourmand. Ne convoite pas ses mets, car c'est une nourriture décevante. [...] Ne mange pas le pain de l'homme aux regards envieux, ne convoite pas ses mets. Car le calcul qu'il fait en lui-même, c’est lui : "Mange et bois!" te dit-il, mais son cœur n'est pas avec toi. La bouchée à peine avalée, tu la vomiras et tu en seras pour tes paroles flatteuses. » (Pr 23, 1-3,6-8)

     « As-tu pris place à une table somptueuse? N'ouvre pas la bouche pour la vanter, ne dis pas : "Quelle abondance!" Souviens-toi que c'est mal d'avoir un œil avide : y a-t-il pire créature que l'œil? Aussi pleure-t-il à tout propos. Là où ton hôte regarde, n'étends pas la main, ne te jette pas sur le plat en même temps que lui. Juge le prochain d'après toi-même et en toute chose sois réfléchi. Mange en homme bien élevé ce qui t'est présenté, ne joue pas des mâchoires, ne te rends pas odieux. Arrête-toi le premier par bonne éducation, ne sois pas glouton, de crainte d'un affront. Si tu es à table en nombreuse compagnie, ne te sers pas avant les autres. Qu'il suffit de peu à un homme bien élevé! aussi, une fois couché, il respire librement. À régime sobre, bon sommeil, on se lève tôt, on a l'esprit libre. L'insomnie, les vomissements, les coliques, voilà pour l'homme intempérant. Si tu as été forcé de trop manger, lève-toi, va vomir et tu seras soulagé. Écoute-moi, mon fils, sans me mépriser : plus tard tu comprendras mes paroles. Dans tout ce que tu fais sois modéré et jamais la maladie ne t'atteindra. On vante hautement un hôte fastueux et l'éloge de sa munificence est durable. Mais un hôte mesquin est décrié dans lion cite les traits de son (Si 31,12-24)

Le repas eucharistique

     Certaines paroles ou comportements de Jésus concernent le caractère social du repas. Ainsi, lorsque Jésus distribue le pain à la foule, il ne procède pas comme s'il s'agissait d'un libre-service; il « fait installer tout le monde par groupes de cent et de cinquante », constituant ainsi des tablées. Un authentique repas peut alors commencer. Manger ensemble, échanger des paroles, ajoute une valeur spirituelle à la convivialité. Dans la Bible, le repas donne lieu à des réconciliations, à des pardons, à des rétablissements d'alliances brisées. D'autre part, trahir pendant qu'on mange ensemble en toute confiance, c'est la pire des trahisons.

     Selon les Évangiles, c'est encore autour d'une table, dans un repas de communion, que Jésus se réunit pour la dernière fois avec ses disciples. Le partage du pain et du vin devient le symbole du don que le Maître fait de sa personne pour la multitude, l'alliance qu'il établit avec chacun et chacune. Il symbolise surtout l'union qui doit régner désormais entre ceux et celles qui mangeront « de ce pain et de ce vin » en attendant le grand festin dans le royaume des cieux en sa compagnie.

Source : Parabole, mars-avril 2000.

Aldina da Silva

Chronique précédente :
Deux testaments : l’ancien et le nouveau