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chronique du 10 avril 2009
 

Les prophètes, ces drôles de personnages

Contrairement à ce qu'on croit souvent, le propre du prophète n'est pas d'annoncer l'avenir.  C’est que le sens habituel du terme « prophète » est trompeur. Il renvoie à l'idée d'un individu qui prédit le futur, qui fait des prédictions. Mais le message du prophète biblique est bien moins souvent de l'ordre de la prédiction que de celui de la prédication.

Le prophète Jérémie

Le prophète Jérémie
(gravure : Gustave Doré)

     Le rôle du prophète, dans la Bible, coïncide bien avec l’étymologie du mot « prophète », qui est formé de deux termes grecs : phèmi, « parler », et pro, « au nom de ». Le prophète « parle au nom de... », c’est un « porte-parole ». Le porte-parole de Dieu, évidemment. Les prophètes dénoncent l'injustice, les abus et tout ce qui ne respecte pas la volonté divine. Et bien sûr, les prophètes peuvent faire des prédictions. Ils peuvent même se tromper. C’est le cas par exemple d’Ézéchiel, qui annonçait la ruine de l’Égypte (Éz 29), et de Jérémie, qui annonçait que Babylone allait être détruite, alors qu’en réalité Cyrus l’a épargnée (Jr 51,58).

     Lorsque des prophètes font des prédictions, c’est moins pour parler du futur que dans le but de changer le présent. C’est une façon de dire : si les gens font ceci, font cela, ou s’ils ne changent pas leur façon d'agir, voilà ce qui leur arrivera... Ceux qui entendent les avertissements des prophètes sont donc invités à réajuster leur tir. Un peu comme lorsque les environnementalistes parlent au nom de l'environnement et qu’ils nous disent que si on continue notre train de vie actuel, dans vingt-cinq ans notre planète aura l’air de ça... Par leurs « prédictions », les environnementalistes cherchent à faire changer les choses. Et si certains environnementalistes exagèrent parfois un peu, il en va parfois de même pour les prophètes de la Bible!

     Le message des prophètes, qu’on appelle « oracle », débute souvent par la formule « Ainsi parle le Seigneur... » (Jg 6,8) ou comporte la mention « Oracle du Seigneur... » (Is 56,8). Ce message est parfois illustré par des gestes symboliques (ou : gestes prophétiques), des gestes qui cherchent à attirer l’attention, à provoquer et qui peuvent même choquer. Isaïe, par exemple, qui se promène dévêtu pendant trois ans (Is 20,1-6), une façon de dire : ne faîtes pas alliance avec l’Égypte, voilà ce qui lui arrivera, elle sera dépossédée de tout. Jérémie porte un attelage de bœuf, un joug (Jr 27,1-22), signifiant ainsi la soumission au roi Nabuchodonosor. Le prophète Osée épouse une prostituée, Gomer, pour faire réagir le peuple de Dieu qui lui-même se prostitue en rendant un culte à des divinités étrangères (Os 1,1-3). Les prophètes sont vraiment de drôles de personnages!

Vision du prophète Daniel

Vision du prophète Daniel
(gravure : Gustave Doré)

     Le prophétisme en Israël n’est pas un métier, avec des façons de faires et procédés précis qui peuvent être enseignés (comme en Mésopotamie, par exemple). Les prophètes de la Bible ne choisissent généralement pas de devenir prophètes; eux-mêmes se disent appelés et envoyés en mission par Dieu (Am 7,14-15). Les prophètes sont souvent indépendants du pouvoir en place, et habituellement, ils ne sont pas prêtres. Ils peuvent donc critiquer le peuple, mais aussi le roi et les chefs du peuple. Un peu comme nos journalistes, nos éditorialistes... Et il y a vraiment toutes sortes de prophètes. Certains, comme Ézéchiel, ont des visions qui s'apparentent à celles d'un schizophrène. D’autres, comme Élisée, ont besoin de musique pour prophétiser (2 R 3,15). Des femmes aussi peuvent être prophètes, la juge et prophétesse Déborah, par exemple (Jg 4,4), ou la prophétesse Hulda, qu’on consulte après la découverte du livre de la Loi dans le Temple (2 R 22,13-14).

     En Israël, le prophétisme apparaît à peu près en même temps que la royauté et disparaît quelques temps après le retour de l'Exil, à la fin de l'époque perse, pour ensuite réapparaître sous une forme plus populaire et plus eschatologique à l'époque de Jésus, avec Jean Baptiste, notamment (Mt 11,9). Jésus, qui fut disciple de Jean Baptiste, a lui-même été considéré par une partie de son entourage comme un prophète (Mc 6,15). Lui aussi pouvait être perçu comme un drôle de personnage. Certains de ses comportements pouvaient d’ailleurs scandaliser des gens (Mt 15,12). Et Jésus, en bon prophète, illustrait son message par des gestes symboliques : il demandait à ses disciples de tout laisser derrière eux afin de montrer l’imminence de l’arrivée du Règne de Dieu; il s'entourait de douze disciples pour symboliser la réunification prochaine de toutes les tribus d'Israël; il prenait ses repas en compagnie des exclus de la société pour illustrer qu’eux aussi participeront à ce Règne de Dieu; etc. Même les miracles que lui et ses disciples effectuaient illustraient l’idée que bientôt le Mal serait aboli (Lc 10,18).

Chrystian Boyer

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