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chronique du 16 janvier 2015
 

Un âne qui parle et fait l’expérience de Dieu

Balaam et l’Ange de Yahvé

Gustav Jaeger (1808-1871)
Balaam et l’Ange de Yahvé, 1836
Huile sur toile, 50 x 63 cm

La Bible raconte quelques histoires où les animaux prennent la parole. La plus connue est certainement celle du serpent qui incite Ève à goûter au fruit défendu (Genèse 3). Dans un autre récit, on retrouve une ânesse qui prend la parole, mais contrairement au serpent, l’animal est caractérisé de façon très positive.

Le lendemain matin, Balaam se leva, sella son ânesse et partit avec les dignitaires de Moab. Mais Dieu se mit en colère en le voyant partir, et l’ange du SEIGNEUR se posta sur le chemin pour lui barrer la route tandis qu’il cheminait, monté sur son ânesse, accompagné de ses deux serviteurs. L’ânesse vit l’ange du SEIGNEUR posté sur le chemin, l’épée nue à la main; quittant le chemin, elle prit par les champs. Balaam battit l’ânesse pour la ramener sur le chemin. L’ange du SEIGNEUR se plaça alors dans un chemin creux qui passait dans les vignes entre deux murettes. L’ânesse vit l’ange du SEIGNEUR : elle se serra contre le mur. Comme elle serrait le pied de Balaam contre le mur, il se remit à la battre. L’ange du SEIGNEUR les dépassa encore une fois pour se placer dans un passage étroit où il n’y avait pas la place d’obliquer ni à droite, ni à gauche. L’ânesse vit l’ange du SEIGNEUR; elle s’affaissa sous Balaam qui se mit en colère et la battit à coups de bâton.

Le SEIGNEUR fit parler l’ânesse et elle dit à Balaam : « Que t’ai-je fait pour que tu me battes par trois fois? » – « C’est, lui dit Balaam, que tu en prends à ton aise avec moi! Si j’avais une épée en main, je te tuerais sur-le-champ! » L’ânesse dit à Balaam : « Ne suis-je pas ton ânesse, celle que tu montes depuis toujours? Est-ce mon habitude d’agir ainsi avec toi? » – « Non », dit-il. Le SEIGNEUR dessilla les yeux de Balaam, qui vit l’ange du SEIGNEUR posté sur le chemin, l’épée nue à la main; il s’inclina et se prosterna face contre terre. Alors l’ange du SEIGNEUR lui dit : « Pourquoi as-tu battu ton ânesse par trois fois? Tu le vois, c’est moi qui suis venu te barrer la route car, pour moi, c’est un voyage entrepris à la légère. L’ânesse m’a vu, elle, et par trois fois s’est écartée de moi. Si elle ne s’était pas écartée devant moi, je t’aurais tué sur-le-champ, tandis qu’à elle j’aurais laissé la vie sauve. » Balaam dit à l’ange du SEIGNEUR : « J’ai péché, car je n’ai pas reconnu que c’était toi qui étais posté là, devant moi, sur le chemin. Maintenant si ce voyage te déplaît, je m’en retournerai. »  (Nb 22,21-34)

Qui est l’Ange du Seigneur?

     L’Ancien Testament utilise couramment cette expression pour désigner Dieu lui-même sans le nommer directement. Ce faisant, Dieu peut interagir dans un récit tout en gardant sa transcendance.

Des légendes urbaines

     Pourquoi est-ce que Balaam est en danger de mort s’il touche l’ange du Seigneur? Il y a de nombreuses « légendes urbaines » au sujet de Dieu qui font partie de la culture biblique. Plusieurs textes indiquent que de voir Dieu peut mener à la mort. C’est d’ailleurs pour cela que dans ce récit, Balaam ne peut voir Dieu. S’il pouvait le voir, il serait déjà mort! De même, toucher à Dieu peut entraîner cette funeste conséquence. Un récit biblique (2 S 6,3-10) illustre ceci en racontant la mort de quelqu’un qui a touché à l’Arche de l’Alliance pour l’empêcher de tomber par terre [1]. Dieu est si grand que le voir ou le toucher est une expérience si intense qu’elle est reliée à la mort.

L’âne, un guide spirituel

     Curieusement, cette restriction ne semble pas s’appliquer à l’ânesse puisqu’elle peut voir la manifestation de Dieu. Elle va même jusqu’à se faire battre par son maître pour qu’il n'entre pas en contact avec l’Ange du Seigneur. Dans notre culture, les ânes sont vus comme des animaux peu intelligents et entêtés. Pourtant, dans le monde de la Bible ils sont présentés de façon très positive. L’âne est une bête utilisée pour le travail et, surtout, il est le compagnon de voyage par excellence. Les évangiles font entrer Jésus à Jérusalem sur un âne [2] en reprenant le prophète Zacharie (9,9) qui évoquait l’humilité d’un messie pacifique monté sur un âne. Dans le récit de l’ânesse de Balaam, l’ânesse voit l’ange du Seigneur alors que le prophète ne le voit pas. Ici, l’âne est un animal capable de discerner la présence de Dieu mieux que les humains. Bien que la présence de l’âne et du bœuf dans la crèche ne soit pas biblique [3], certaines interprétations ont fait des liens entre le récit de l’ânesse de Balaam et l’âne de la crèche qui voit mieux l’identité profonde de Jésus que les humains qui l’entoure.

[1] Voir l'article :  Touche pas à mon arche

[2] Mt 21,1-11 ; Mc 11, 1-11 ; Lc 19,28-40 et Jn 12,12-16.

[3] Le texte de Luc 2 raconte la naissance de Jésus à l’endroit où mangent les animaux, mais ne donne pas de détails sur la présence de ces derniers. Le premier texte à parler d’un bœuf et d’un âne est appelé Pseudo-Matthieu. Il est écrit autour du 8e siècle apr. J.-C. Il réinterprète la scène de la nativité en prenant les textes d’Isaïe 1,3 et Habbacuc 3,2 qui mentionnent ces animaux.

Sébastien Doane

Lire aussi :

Entre le bœuf et l'âne
Entrer à Jérusalem, assis sur deux ânes en même temps!

Article précédent :
Les deux pères de saint Joseph