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chronique du 13 février 2015
 

Du sang de prépuce pour sauver sa peau

Moïse et le buisson ardent

Moïse et le buisson ardent, 1966
Marc Chagall (1887-1985)
Lithographie, 49,7 x 36,9 cm
Musée national Message Biblique Marc Chagall, Nice
(WikiArt)

Le récit de la rencontre entre Moïse et le Seigneur au buisson ardent est en soi assez insolite. Les actes opérés par le Seigneur pour prouver sa puissance le sont tout autant. D’abord, Dieu transforme un bâton en serpent (Ex 4,1-5). Puis, il rend lépreuse la main de Moïse (4,6-7). Enfin, nous pouvons aussi nous étonner devant le fait que le Seigneur fera en sorte d’endurcir le cœur du pharaon qu’il ne laisse pas partir le peuple (4,21). Mais l’extrait sur lequel je veux attirer l’attention survint lorsque Moïse et sa famille se mettent en route pour retourner en Égypte et libérer les esclaves.

Or, en chemin, à la halte, le SEIGNEUR l’aborda et chercha à le faire mourir. Cippora prit un silex, coupa le prépuce de son fils et lui en toucha les pieds en disant : « Tu es pour moi un époux de sang. » Et il le laissa. Elle disait alors « époux de sang » à propos de la circoncision. (Ex 4,24-26)

     Le récit raconte sans autres explications que le Seigneur voulait tuer Moïse. Pourquoi? Quelques versets auparavant, il venait pourtant de le convaincre d’aller libérer son peuple en Égypte! Moïse a accepté, et à la première halte sur le chemin, le Seigneur cherche à le faire mourir. Comment comprendre ceci?

Lutter avec le Seigneur

     Le narrateur fait peut-être un lien avec un récit du livre de la Genèse (32,25-33) où Jacob rencontre Dieu en luttant avec lui. Cette histoire énigmatique a souvent été comprise par les chrétiens comme une allégorie du combat spirituel du croyant devant le mystère de Dieu. Du côté juif, on y voit un récit appuyant le sens de l’étymologie du mot Israël comme « lutter avec Dieu ». Lorsque mis en parallèle, ces deux récits présentent la rencontre avec le Seigneur comme quelque chose de dangereux.

Sauvé par le sang de prépuce

     C’est la femme non-juive (Maddianite) de Moïse qui le protège par le sang du prépuce de leur enfant. Le lecteur/lectrice du livre de l’Exode ne peut que faire un lien avec le sang de l’agneau pascal qui, quelques chapitres plus loin, sera placé sur les portes des Hébreux pour les protéger lorsque le Seigneur tuera les enfants des Égyptiens (Ex 12).

Le pouvoir de la circoncision

     Les commentaires des rabbins du 2e siècle apr. J.-C. utilisent le récit de la protection de Moïse par le sang pour montrer l’importance de l’observation de la circoncision. Rachi indique que c’est parce qu’il n’avait pas circoncis son fils que Moïse méritait la mort.

Le pied comme euphémisme

     Pour rendre les choses encore plus bizarres, les pieds dans la Bible sont souvent utilisés comme un euphémisme pour parler du sexe masculin sans le nommer. En comprenant ainsi le mot « pied » dans notre récit, Moïse est protégé parce que sa femme badigeonne le sang du prépuce de leur fils sur son pénis. Par ailleurs, l’application de cet euphémisme n’est pas automatique et n’aide pas vraiment à la compréhension de ce récit.

     En définitive, ce récit nous semble très bizarre par le pouvoir protecteur du sang de prépuce, mais surtout par l’image de Dieu qui veut tuer celui qu’il vient de choisir pour accomplir sa mission. Ce texte à l’avantage de remettre en question notre façon de voir Dieu. Le Dieu de la Bible a plusieurs visages avec lesquels nous ne sommes pas très familiers.

Sébastien Doane

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Un âne qui parle et fait l’expérience de Dieu