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chronique du 6 janvier 2017
 

Renverser les stéréotypes avec Yaël, la guerrière

Yaël montre à Barak le cadavre de Sisera

Yaël montre à Barak le cadavre de Sisera
James J. Tissot (1836-1902)
Gouache sur carton, 14 x 24 cm
The Jewish Museum, New York

La plupart des personnages bibliques sont stéréotypés selon leur genre. Par exemple, dans le monde biblique le courage, la force et les prouesses militaires sont associés aux hommes. David est un bon exemple de cet idéal masculin. Par contre, certains personnages renversent ces schémas. C’est le cas d’une Israélite nommée Yaël dont l’histoire croise celle de Sisera, un chef ennemi :

Or Sisera s’enfuyait à pied vers la tente de Yaël, femme de Héber le Qénite, car il y avait la paix entre Yavîn, roi de Haçor, et la maison de Héber le Qénite. Yaël sortit à la rencontre de Sisera et lui dit : « Arrête-toi, mon seigneur, arrête-toi chez moi ; ne crains rien. » Il s’arrêta chez elle, dans sa tente, et elle le recouvrit d’une couverture. Il lui dit : « Peux-tu me donner à boire un peu d’eau, car j’ai soif. » Elle ouvrit l’outre de lait, le fit boire et le recouvrit. Il lui dit : « Tiens-toi à l’entrée de la tente et si quelqu’un vient, t’interroge et dit : “Y a-t-il quelqu’un ici ?”, tu diras : “Non.” » Mais Yaël, femme de Héber, prit un piquet de la tente, saisit dans sa main le marteau, entra auprès de lui doucement et lui enfonça dans la tempe le piquet, qui alla se planter dans la terre. Sisera qui, épuisé, était profondément endormi, mourut. (Juges 4, 17-21)

Les rôles de genres sont particulièrement intéressants dans ce passage. Yaël commence par jouer un rôle typiquement maternel en accueillant Sisera. Elle va jusqu’à lui donner du lait et le border pour qu’il dorme. Puis, elle tue le chef ennemi en pénétrant un pieu dans son corps. En fait, le mot habituellement traduit par tempe et parfois traduit par le palet de la bouche. Cette deuxième option de traduction oriente les lecteurs vers une image potentiellement sexuelle où un homme subit la pénétration orale d’une femme.

Le renversement des genres peut aussi se voir en s’intéressant au personnage de Sisera. La masculinité de ce chef de guerre est remise en question lorsqu’il demande à Yaël de dire à ceux qui le cherchent qu’il n’y a pas d’homme dans la tente où il se repose. Il est bien dans la tente, mais couché et abreuvé par Yaël, Sisera n’est déjà plus dans une posture d’homme. Au mieux, il est montré comme un enfant auprès de sa mère.

Dans le monde biblique, il y a des façons de mourir plus honorables que d’autres. Être tué par un ennemi lors d’un affrontement militaire est une mort valeureuse, mais s’enfuir et se faire tuer par une femme est certainement l’une des plus honteuses. Comme le chante Débora au chapitre suivant : « Qu’ainsi périssent tous tes ennemis, SEIGNEUR ! » (Jg 5,31).

Cette curieuse page de la Bible, m’incite à comprendre qu’il n’y a pas qu’une façon d’être « homme » ou « femme ». Les masculinités et féminités, même dans la Bible, sont toujours plus complexes que les stéréotypes.

Sébastien Doane

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Les seins de Jésus