La Pentecôte (détails). El Greco, c. 1596-1600. Huile sur toile, 275 x 127 cm.
Musée du Prado, Madrid (Wikimedia).

Sylvain Campeau | 22 mai 2023

Hébreu : chavouot
Grec : pentecostè

Vous compterez sept semaines à partir du lendemain du sabbat, c’est-à-dire à partir du jour où vous aurez amené la gerbe du rite de présentation ; les sept semaines seront complètes ; jusqu’au lendemain du septième sabbat, vous compterez donc cinquante jours, et vous présenterez au Seigneur une offrande de la nouvelle récolte. (Lévitique 23,15-16)

D’abord connue sous le nom de fête des Moissons (Exode 23,16) ou fête des Semaines (Exode 34,22), la Pentecôte était célébrée par les Israélites le 50e jour après l’offrande des premiers épis de céréales (orge, blé, etc.). Il s’agit alors d’une fête agricole qui marque la fin de la moisson du blé et des autres céréales. Dans les anciens calendriers israélites, la Pentecôte est la seconde des trois grandes fêtes de pèlerinage [1].

Sans doute empruntée aux Cananéens, la Pentecôte devient une fête pour Yahvé, qu’on a d’abord célébrée dans les sanctuaires yahvistes du pays. À partir de la réforme religieuse initiée par le roi Josias, c’est à Jérusalem que la fête était célébrée, attirant ainsi des pèlerins de tout le pays (Deutéronome 12 ; voir aussi 16,2). Après l’exil, on a continué de se rassembler à Jérusalem pour la fête mais son sens a évolué : on y rappelait la conclusion de l’alliance au Sinaï.

La pentecôte chrétienne

Dans les communautés chrétiennes primitives, le sens de la fête a été une nouvelle fois modifié. Puisque la Pentecôte rappelait la conclusion de l’alliance et le don de la Loi, les chrétiens ont réinterprété la fête juive en fonction de la foi pascale. La pentecôte rappelle désormais la conclusion de la nouvelle alliance et le don de l’Esprit saint [2].

S’inspirant sans doute de la mise en scène grandiose du don de la Loi, Luc met en scène en Actes 2 le don de l’Esprit en faisant intervenir plusieurs éléments naturels hors du commun : bruits, vent et souffles, feu, etc. Il s’inspire probablement aussi d’une tradition rabbinique selon laquelle la Loi avait été transmise en plusieurs langues pour être comprise par tous les peuples de la terre.

L’épisode n’est pas sans rappeler le récit de la tour de Babel mais la perspective est inversée par rapport au langage. Alors que la confusion des langues fut un obstacle pour mener à terme le projet de construction de la tour (Gn 11,1-9), le don de l’Esprit et le phénomène des langues de feu démontre que l’unité du genre humain est rétablie. Le don de l’Esprit est offert à tous les humains et la Pentecôte marque le début de la mission de l’Église comme en témoigne la prédication de Pierre et l’adhésion de plusieurs auditeurs. La fête nous rappelle également que nous pouvons nous engager avec confiance dans cette mission car Jésus a promis à ses disciples d’être toujours présent au milieu d’eux, une promesse qui fait écho à l’annonce de l’envoi de l’Esprit : « le Paraclet, l’Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, vous enseignement toutes choses et vous fera ressouvenir de tout ce que je vous ai dit. » (Jean 14,26)

Diplômé de l’Université de Montréal, Sylvain Campeau est bibliste et responsable de la rédaction.

[1] Les trois fêtes de pèlerinage sont la Pâque (Pessa’h), la fête des Moissons (Chavouot) et la fête des Tentes (Souccot).
[2] Voir le rapprochement antithétique loi-esprit en 2 Corinthiens 3.