(Sergueï Remizov / Pixabay)

Dette

Sylvain CampeauSylvain Campeau | 11 septembre 2023

Grec : daneion

Le texte d’évangile de la liturgie du 24e dimanche du Temps ordinaire (A) met en scène un serviteur qui se voit remettre une dette importante par son souverain et qui est incapable de reproduire la même compassion pour un compagnon (Mt 18,21-35). Cette parabole du royaume aborde un problème social répandu à l’époque de Jésus et ses contemporains : celui de l’endettement.

Même si la parabole nous parle du pardon, elle repose sur une réalité qui a rendu la vie difficile à plusieurs familles du pays, surtout parmi les paysans qui dépendaient de l’abondance des récoltes pour survivre et ne pouvaient se soustraire de l’obligation de payer taxes et impôts. Comme le rappelle Claude Tassin, « l’image de la remise des dettes était parlante dans un monde où existait l’emprisonnement pour dettes et même la vente du débiteur comme esclave [1] ».

Le prêt et ses conditions

Un prêt était rarement accordé sans conditions comme en témoignent plusieurs textes de l’Ancien Testament. Le créancier pouvait exiger un gage, une forme de garantie pour inciter le débiteur à rembourser son prêt. Le gage pouvait être des objets personnels (Gn 38,17s ; Pr 20,16) ou un genre d’hypothèque sur une maison ou un champ (Ne 5,3s). Le gage pouvait même être une personne proche du débiteur comme l’un de ses enfants. Certaines règles ont toutefois été établies pour éviter les abus et permettre au débiteur de continuer de vivre. S’il s’agit d’un pauvre, par exemple, et que son manteau a été pris en gage, on doit lui remettre avant la tombée de la nuit car c’est tout ce qu’il possède pour se couvrir (Ez 18,13.16).

Pour le créancier, une autre manière de se protéger était d’exiger qu’une autre personne se porte garante en cas de difficulté au moment prévu du remboursement. Cette condition pouvait s’ajouter à la première.

Le prêt pouvait être avec intérêts quand on prêtait à des étrangers mais on ne devait normalement pas réclamer d’intérêts pour un prêt à un compatriote (Dt 23,20s).

À l’échéance du prêt, si le débiteur remboursait sa dette, il pouvait récupérer le gage et la transaction était terminée. Dans le cas contraire, le créancier pouvait conserver le gage, demander à la personne garante de prendre la relève pour rembourser et si cela n’était pas suffisant, il pouvait vendre son débiteur ou le prendre à son service (Lv 25,39.47 ; Dt 15,12).

La remise des dettes

Dans une économie basée sur l’agriculture, ce système de prêt pouvait connaître des ratés et créer de vives tensions sociales. La seule façon d’apaiser ces tensions était de procéder à une remise générale des dettes (Ne 5,6-13). Pour prévenir les problèmes, on avait d’ailleurs institué l’année sabbatique : à tous les sept ans, la Loi prévoyait une « remise » des dettes (Dt 15,1-18) et les débiteurs qui avaient dû se résoudre à devenir esclaves retrouvaient leur liberté.

Cette pratique nous ramène à la compassion exigée entre frères et sœurs qu’on retrouve dans la parabole de Matthieu 18,21-35 et à la demande de remise des dettes formulée dans le Notre Père. Si certaines personnes y voient une utopie, ce ne l’était pas pour Jésus de Nazareth : il y voyait plutôt l’une des conditions pour instaurer ce qu’il avait l’habitude d’appeler le Royaume de Dieu, une nouvelle manière de vivre ensemble qui implique le souci du bien-être des autres et le pardon à autrui.

Diplômé de l’Université de Montréal, Sylvain Campeau est bibliste et responsable de la rédaction.

[1] Claude Tassin, L’évangile de Matthieu, Centurion / Novalis (Commentaires), 1991, p. 75s.

Les mots pour le dire

Les mots pour le dire

Quand nous lisons la Bible, plusieurs mots importants sont chargés de sens et il est nécessaire de s'y arrêter pour en comprendre toute la richesse. C'est ce que nous proposons dans cette rubrique.