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Symbole biblique
  montagne
Imprimer chronique du 4 février 2004
 

Une haute montagne

 

Il les emmène à l'écart, sur une haute montagne (Matthieu 17, 1). Cette haute montagne, la tradition chrétienne depuis l'époque byzantine l'identifie avec le Tabor, à l'est de Nazareth. Cette montagne, d'accès relativement facile, domine de ses 588 m la plaine de basse Galilée. Pourtant le contexte, en Matthieu et en Marc, suggère plutôt l'Hermon (Djebel esh Sheikh - 2814 m), puisque la scène précédente, la profession de foi de Pierre, se déroule dans la région de Césarée de Philippe qui est précisément située au pied de cette montagne (cf. Matthieu 16, 13; Marc 8, 27) et qu'il n'est question d'un retour en Galilée qu'après la Transfiguration (Matthieu 17, 22; Marc 9, 30). Mais si les évangélistes n'ont pas indiqué le nom de la montagne de la Transfiguration, c'est justement parce qu'ils ne voulaient pas attirer l'attention sur une montagne particulière, mais sur la montagne. Dans beaucoup de civilisations anciennes - sinon dans toutes -, la montagne est le lieu privilégié de la rencontre de Dieu avec l'humanité. La Tour de Babel (Genèse 11, 1-9) et les autres ziggourats de Mésopotamie ne sont, en somme, que des montagnes artificielles, créées pour se rapprocher de Dieu dans un pays plat.

     Dans l'Ancien Testament, l'événement décisif de l'histoire du peuple élu, l'Alliance, est lié à la rencontre de Dieu et de Moïse, sur la montagne : Yahvé descendit sur la montagne du Sinaï; au sommet de la montagne. Yahvé appela Moïse au sommet de la montagne et Moïse monta (Exode 19, 20). Aux heures sombres de l'histoire d'lsraël, alors que la fidélité du peuple à l'Alliance semble gravement compromise, Élie veut retourner à cette montagne, aux sources de la foi yahviste. C'est là qu'il rencontrera Dieu dans le souffle d'une brise légère (1 Rois 19).

     Mais le souvenir de l'emplacement exact de la montagne de l'Alliance se perdit assez rapidement. La démarche d'Élie, au 9e siècle, apparaît comme exceptionnelle. C'est que, dans la foi d'lsraël, Dieu n'est pas lié à une montagne particulière; il accompagne son peuple dans sa marche et, lorsque le peuple s'établit en Terre promise, il établit sa demeure au milieu de lui, à Jérusalem. Ainsi, l'ancienne montagne de Dieu au désert est remplacée par une autre, le mont Sion, la colline de Jérusalem où se dresse le Temple (voir, par exemple, Psaume 48, 122; Isaïe 2, 2-3; 4,5; Zacharie 14, 16, etc.).

     Dans les évangiles, la montagne est souvent présentée comme un lieu privilégié d'intimité avec Dieu (voir Luc 6, 12; 9, 28). C'est aussi l'endroit où Jésus va exposer la charte du Royaume, la Loi nouvelle qui accomplit parfaitement l'ancienne (Matthieu 5, 1). C'est encore sur la montagne que Jésus va donner le signe du pain de vie (Jean 6, 3, cf. Matthieu 15, 29).

     La montagne de la Transfiguration - comme celles de la multiplication des pains et du sermon sur la montagne - n'a pas d'abord une importance géographique. Si tous les évangiles synoptiques et la deuxième lettre de Pierre (2 Pierre 1, 16-18) mentionnent le fait que la scène se déroule sur une montagne, c'est d'abord en référence à la montagne de Dieu, c'est-à-dire au lieu choisi par Dieu pour se révéler à son peuple d'abord, puis à toute l'humanité. Notre foi n'est pas liée à des endroits déterminés; même si nous ne savons pas exactement quelle montagne les évangélistes avaient en vue en rapportant ces épisodes, cela ne nous empêche pas de voir, dans le Christ transfiguré, le nouveau Moïse guidant le nouveau peuple de Dieu et le Fils de l'homme, roi du monde à venir.

Jérôme Longtin, prêtre, bibliste
Diocèse de Saint-Jean-Longueuil

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La mère de Jésus accueillie